Gabrielle Petit est née à Tournai le 20 février 1893. 23 ans plus tard, elle est fusillée par les Allemands au Tir National à Schaerbeek, le 1er avril 1916. Depuis le début de la guerre, elle faisait de l’espionnage pour le compte des Anglais comme plus de 2000 Belges à l’époque. Retour sur un destin tragique.
Son visage est légèrement incliné sur la plupart des photos qui nous restent d’elle. Ses traits sont doux, son regard est franc. Gabrielle Petit n’a que 23 ans quand elle est fusillée par les Allemands. Elle a été piégée après deux ans d’espionnage pour les Anglais. Enfant, c’est à Brugelette que son élan patriotique s’est forgé. Son père, veuf, la confie à ce qui était alors un orphelinat. Une religieuse lui transmet l’amour de la patrie et décrit une enfant enjouée, bout-en-train et sans contrastes.
Un diable qui sait se faire aimer
Pierre Ronvaux, un Athois qui a longtemps dirigé l’institut de Brugelette, a écrit un livre sur Gabrielle Petit. Il a retrouvé des documents des religieuses de l’époque qui l’ont aidé à mieux cerner son caractère. « Une de celles qui avait été son professeur avait écrit : cet enfant, c’est un diable, mais elle sait se faire aimer. C’était très révélateur du caractère de Gabrielle Petit », précise Pierre Ronvaux.
Agent de renseignement
Lorsque la guerre éclate, la jeune Tournaisienne de 21 ans s’engage à la Croix-Rouge. Très vite, elle est recrutée par les services secrets anglais. Son rôle: récolter des renseignements dans le Tournaisis et le Nord de la France. Des documents conservés aujourd’hui encore à la Maison Tournaisienne. Pierre Ronvaux explique : « Elle écrivait les renseignements sur du papier très fin, comme du papier à cigarette. Elle décapait ensuite des cartes postales illustrées, c’est à dire qu’elle retirait la surface. Elle glissait ensuite le document à l’intérieur, recollait le tout et l’envoyait, au nez et à la barbe des Allemands« .
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Parmi ces documents, le dernier que Gabrielle Petit n’a jamais pu transmettre aux Anglais à cause de son arrestation : « Il date du 31 janvier. Elle mentionne encore qu’un zeppelin allemand est tombé à Mainvault. Elle est arrêtée le lendemain et donc elle n’a jamais pu l’envoyer », raconte Pierre Ronvaux, le précieux papier entre les mains.
L’emprisonnement à Saint-Gilles
Elle passe ses derniers jours dans une cellule à la prison de Saint-Gilles. Gabrielle Petit résiste aux interrogatoires, mais elle est condamnée à mort. Elle refuse de demander grâce pour montrer à l’ennemi qu’elle se fiche de lui. Sa sœur cadette a pu lui rendre visite la veille de son exécution. Dans une interview accordée à la RTBF en mars 1966, elle se souvient de cette ultime rencontre : « J’ai dit : Gaby, mon dieu, c’est pour demain. Elle a tout de suite compris, elle a rougi. Bien entendu, moi je ne pouvais plus parler. Elle m’a dit qu’elle s’y attendait. Les autres étaient partis le matin et elle se disait que ce serait certainement pour bientôt. Elle n’avait pas peur de la mort, elle était très ferme Gabrielle. Moi je ne pensais pas qu’elle serait un jour exécutée. J’ai toujours cru qu’elle y aurait échappé », confiait alors Hélène Petit.
Symbole du patriotisme belge
Après sa mort, Gabrielle devient le symbole de la résistance en pays occupé. En 1919, elle a droit à des funérailles nationales. De nombreuses statues érigées à sa mémoire sont encore visibles aujourd’hui à Tournai ou à Schaerbeek. « Si cette jeune fille de 23 ans avait refusé de signer son recours en grâce… Alors, bon dieu, elle réunissait toutes les conditions pour devenir l’incarnation du patriotisme belge », précise Pierre Ronvaux.
Gabrielle Petit était une fervente catholique. C’est la foi chevillée au corps qu’elle a affronté la mort. Ce qui n’a pas diminué ses souffrances, mais lui a sans doute permis d’affronter son calvaire dans une forme de paix et d’espérance.
Sarah Heinderyckx