Justin Koffi N’Goran, Secrétaire national du RHDP en charge de la formation, Président du Centre de Réflexion Stratégique (CRS), un think tank ivoirien, Directeur général de l’ARRE, à qui j’ai posé la question suivante « Avec qui et comment bâtir l’Afrique de demain », répond ainsi : « L’Afrique de demain se bâtit dès aujourd’hui autour de quatre piliers, l’État, l’entreprise privée, la société civile organisée et les partis politiques, chacun jouant un rôle déterminant dans la construction d’une Côte d’Ivoire démocratique, prospère et solidaire. »
Les trois fonctions de Justin Koffi N’Goran, dans un parti politique avec le RHDP, au cœur de la société civile organisée avec le CRS et en lien avec le secteur privé avec l’ARRE, lui permettent d’avoir une vision d’ensemble sur les synergies nécessaires entre l’État, l’entreprise, la société civile organisée et les partis politiques, pour que la Côte d’Ivoire et l’Afrique maîtrisent pleinement leur destin. Justin Koffi NGoran ajoute : « S’arrêter aux ressources naturelles dont dispose l’Afrique, au « boum » démographique démultiplicateur de croissance et au fait que la Côte d’Ivoire figure dans le top dix du classement africain des pays riches par PIB en 2022, n’est pas suffisant. L’action du Président Alassane Ouattara, depuis son accession au pouvoir en 2011, a permis de consolider l’économie et la stabilité politique, deux préalables indispensables au développement, à la cohésion sociale et à la réconciliation nationale. Nous devons, à présent, bien définir le rôle des quatre piliers de la construction de la Côte d’Ivoire, – l’État, l’entreprise, la société civile organisée et les partis politiques -, si nous voulons atteindre les objectifs de la « Vision 2030 » d’Alassane Ouattara parmi lesquels figurent, dès à présent, un meilleur partage des richesses et une protection accrue des Ivoiriens. »
Premier pilier : l’État
L’État est le premier vecteur d’un développement économique et social harmonieux, à condition qu’il soit capable de devenir un État impartial, démocratique, en capacité d’assumer ses fonctions régaliennes en s’appuyant sur une administration productive et efficace. Les grandes orientations des politiques publiques doivent répondre à cinq exigences : ne pas déserter le terrain de l’économie en assumant le choix des investissements stratégiques et en créant les conditions qui vont permettre aux individus de saisir les opportunités économiques ; protéger les populations de deux manières : assurer la sécurité des frontières, des territoires, des biens et des personnes, et financer les solidarités collectives ; soutenir la performance environnementale ; rayonner sur la scène internationale et porter une voix capable de se faire entendre pour influencer, dans tous les domaines, la gouvernance mondiale. L’État est donc à la fois un État-stratège, un État-libéral, un État-social et un État-« souverainiste » qui reste ouvert sur le monde.
Deuxième pilier : l’entreprise
Le rôle de l’entreprise est triple : créer des richesses et des emplois ; consolider les liens sociaux ; fournir à l’État, par le consentement à l’impôt, les moyens de financer les politiques régaliennes. Dans un article publié dans la revue Géoéconomie (numéro 65, p. 31-42, 2013), l’ancien Inspecteur Général d’Etat, Emmanuel Niamien N’Goran, écrivait : « La véritable difficulté se situe dans la faiblesse de notre tissu industriel et entrepreneurial. Nos entreprises n’ont pas les moyens financiers, ni les compétences techniques ou juridiques, pour traiter d’égal à égal avec les multinationales étrangères. L’entreprise est donc aussi le lieu où se joue la souveraineté d’un pays. » Comment industrialiser la Côte d’Ivoire ? Comment réduire la part de l’économie informelle au profit de l’économie formelle ? Telles sont les questions qui se posent désormais au gouvernement ivoirien.
Troisième pilier : la société civile organisée
La société civile, à travers les institutions et les organisations qui la représentent, est une force de propositions qui, libérée de toute posture partisane, fait avancer la démocratie d’opinion à côté de la démocratie représentative incarnée par l’assemblée nationale, le sénat et la chambre des Rois. Pour le Président du CESEC, le Dr Eugène Aka Aouélé, « au lendemain des indépendances, la priorité est donnée à la construction de l’Etat et au développement économique. Le parti unique, qui contrôle l’économie et la société, empêche l’expression de la société civile organisée, soit en l’interdisant, soit en la contrôlant à travers des organisations de masse spécialisées qui sont sous étroite surveillance. Nous ne sommes plus dans les années 1960, nous avons changé d’époque. Le rôle de la société civile organisée doit être conforté, que ce soit à travers une institution comme le CESEC ou la galaxie des associations, des ONG et des mouvements qui contribuent, par leur action, à consolider les processus de démocratisation, de développement et de réconciliation de la société. »
Pour Wakili Alafé, le président du Comité d’organisation de la Journée Mondiale de la Culture Africaine et Afro-descendante, « la JMCA est un exemple concret des synergies qui doivent exister entre l’Etat, les entreprises et la société civile pour réaffirmer et consolider l’identité africaine. La culture, dans sa diversité, est un bien commun, qui, grâce à l’action d’un Etat impartial, celle des entreprises investies d’une responsabilité sociale et celle d’une société civile organisée consciente de son rôle, doit échapper à toute appropriation partisane. »
Quatrième pilier : les partis politiques
Secrétaire Exécutif du RHDP, le ministre Cissé Bacongo, considère, à juste titre, que la démocratie ne doit pas s’enfermer dans l’illusion d’un consensus mou entre des partis politiques qui accepteraient de ne plus être en concurrence, parce qu’ils renonceraient à soumettre au vote de nos concitoyens des projets de société différents, voire opposés. L’essence même de la démocratie, c’est de débat contradictoire porté, dans un cadre démocratique, par des partis politiques concurrents qui défendent des projets de société différents. Dans le droit fil de l’héritage de Félix Houphouët-Boigny et sous l’impulsion du Président Alassane Ouattara, le RHDP se réclame d’un libéralisme régulé. Partout sur la planète, un libéralisme sans régulation aggrave les inégalités sociales, engendre une forte instabilité politique, les deux ferments de toutes les guerres civiles. Pour les observateurs, la feuille de route du gouvernement ivoirien, telle qu’elle se décline dans les prises de parole d’Alassane Ouattara et de son Premier ministre, Patrick Achi, vise à construire cet équilibre nécessaire entre l’Etat libéral et l’Etat social. Contrairement à ce que l’on peut croire, la guerre en Ukraine ne change pas la donne : partout dans le monde, le rôle de l’Etat, la pensée économique et les échanges commerciaux mondialisés continuent de structurer les dynamiques contemporaines, que l’Etat soit communiste comme en Chine, libéral comme en Occident, identitaire comme en Russie ou religieux comme en Iran. La mort de Yalta que prononce la guerre ukrainienne se traduit par l’évolution des relations entre les Etats. L’Afrique peut-elle tirer profit de cette évolution ?
Si la Côte d’Ivoire évolue et se transforme, l’Afrique subsaharienne, qui reste fragmentée, tarde à s’inscrire sur la trajectoire d’un développement durable et une croissance inclusive. Les soubresauts récents de l’Histoire de l’Afrique de l’Ouest et centrale montrent que les gouvernements civils doivent consolider les piliers que sont l’État, l’entreprise, la société civile organisée et les partis politiques. Les objectifs à atteindre constitue la seule boussole qu’il faut suivre : l’indépendance et la souveraineté des Etats et du continent, la stabilité politique, le développement économique et social, la protection des populations et l’amélioration de leurs conditions de vie, la préservation de l’environnement et le perfectionnement démocratique.
Christian GAMBOTTI – Agrégé de l’Université – Président du think tank Afrique & Partage – Président du CERAD (Centre d’Etudes et de Recherches sur l’Afrique de Demain) – Directeur général de l’Université de l’Atlantique (Abidjan) – Chroniqueur, essayiste, politologue. Contact : cg@agriquepartage.org