Homme libre depuis quelques jours, Guédé Marius raconte sa mésaventure. Il avait été arrêté le 30 juillet 2021 pour détention frauduleuse présumée de cocaïne. Les preuves de la police marocaine n’ont pas convaincu la justice du pays sur la question.
Arrêté au motif que la police marocaine avait trouvé des grammes de cocaïne sur lui, Guédé Marius a été libéré le 29 décembre 2021, après 150 jours de détention. Contacté le lendemain, l’Ivoirien, encore sous le choc, raconte : «la police voulait que j’avoue ce que je ne suis pas». Entretien exclusif !
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Afrikipresse.fr : Comment les choses se sont passées ?
Pouvons-nous un peu revenir sur les faits qui ont provoqué votre mise en détention
Guédé Marius : J’ai été arrêté le 30 juillet 2021, aux environs de 20h35, dans la ville de Mohammedia où je réside depuis le 31 juillet 2013. En effet, la police du commissariat de Derb Chabab m’a interpellé. Devant ma voiture, les Policiers m’ont ordonné de garder le silence parce que j’étais en état d’arrestation et que tout ce que je dirais serait retenu contre moi. Après m’avoir menotté, la fouille commença jusque dans mes parties intimes. N’ayant rien trouvé sur moi, la fouille continua dans ma voiture, Jusqu’à là, rien ! Il y avait deux personnes assises près de ma voiture donc ne pouvant pas m’incriminer devant ces témoins gênants, la Police m’a conduit dans la résidence de certains Africains de l’immeuble d’à-côté : M. Diaby, dame Danielle et le jeune Mohamed qui sont les propriétaires de l’appartement.
Une fois devant la porte de l’appartement, la police tente d’ouvrir la porte d’entrée avec ma clé en leur possession, croyant que j’étais locataire dans cet appartement. Mais aucune de mes clés sur moi ne pouvant ouvrir les portes, c’est alors que la police s’est mise à défoncer la porte. Une fois à l’intérieur, elle défonce encore une autre porte. La deuxième porte défoncée est la chambre de Danielle qui y vit avec son mari. Une fois à l’intérieur, les Policiers ont fait main basse sur de l’argent, appartenant à Danielle. Ils ont aussi emporté de la farine, du bicarbonate, du calcium, des sachets nylons, et trois téléphones mobiles.
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Alors face à tout ce désordre, M. Diaby leur ordonna de sortir : «sortez de chez nous, le président n’habite pas ici. Vous savez très bien où il habite», a-t-il hurlé. Alors les policiers, pris de peur, se sont rapidement concertés, avant de m’ordonner de les suivre. Une fois dans les escaliers, l’un d’eux tenait la cocaïne qu’il a ensuite remise au chef de l’opération. Celui-ci a remis le sachet de cocaïne en question à un autre policier, ensuite un autre sachet de cocaïne a été retrouvé près de ma voiture, pourtant le périmètre était sécurisé par eux.
Alors comment est-ce qu’on peut trouver la cocaïne sur le chemin du retour, dans les escaliers, alors que lorsqu’on montait, il n’y avait rien dans les escaliers. Le rez-de-chaussée était sécurisé par la police, entre le premier et le deuxième niveau de l’appartement. Ma voiture sécurisée, la police n’avait rien trouvé lors de la fouille. Et grande surprise, lors du chemin de retour, il y a de la cocaïne dans les escaliers et près de ma voiture. Ayant fini leur première opération, ils m’ont conduit dans un salon de coiffure d’à côté, appartenant à un jeune sénégalais du nom de Ibrahim dit IB.
[Un acharnement qui intrigue]
La police m’a ordonné d’avouer que ce dernier était mon complice. Je leur ai répondu qu’ils seront tous arrêtés par la grâce de Dieu. Puisqu’en moins de 15 minutes, on voulait me faire passer pour Pablo Escobar. Je venais juste de comprendre que ces gens étaient spécialisés dans l’incrimination de par la cocaïne, de certains Africains. Puis une fois au Central de la police de Mohammedia, aux environs de 23h, les officiers de garde me collent un procès-verbal dont je ne me sens pas concerné. Voici ce que dit ce procès-verbal :
«1) J’ai été arrêté et ma clé à permis d’ouvrir la porte de mon appartement. Lors de la fouille, 69 grammes de cocaïne en poudre trouvés dans ma chambre.
2) j’étais en possession de 3 téléphones
3) Nous étions 2 personnes et mon complice a pris la fuite lorsqu’il a repéré la Police. Moi j’ai jeté la cocaïne de 27 grammes près de ma voiture et voulant prendre la fuite, j’ai été arrêté. »
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Mais une fois devant le substitut du procureur, mes avocats maîtres Bouchra et Moustapha ont envoyé toutes les preuves de mon appartement, à Douar Safi (le nom du quartier où il réside : Ndlr) et que celui de Ay Nada n’était pas le mien. Mes avocats ont ensuite demandé que les trois téléphones soient analysés. Après analyse de ces appareils, les résultats ont contredit le rapport de police. Il conclut que les trois téléphones appartiennent bel et bien aux gens de l’appartement. Ils ont aussi demandé l’authenticité de la cocaïne puisque le bicarbonate et le calcium trouvés dans la chambre de dame Danielle avait été emportés par la police (produits de cuisine et pharmaceutique).
Le résultat de la police scientifique a établi que c’était un mélange de cocaïne + bicarbonate + calcium. Quant à mon téléphone, il a disparu entre les mains de la police, jusqu’à ce jour où nous sommes en train d’échanger, il ne m’a toujours pas été remis. C’est un Samsung de couleur bleu.
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J’ai démontré par la suite qu’aucune personne ne pouvait s’échapper lors d’une interprétation devant 5 policiers qui sont en tenue civile parce que ces derniers ont des avantages : effet de surprise, embuscade, pistolet et talkie-walkie. Comment mon supposé complice pouvait-il fuir, sans que la Police appelle du renfort? Et si c’était vraiment le cas, pourquoi ne m’ont-ils pas demandé de les conduire chez mon supposé complice. Pourquoi ont-ils refusé de venir chez moi à Douar Safi. Et pourtant, pour la clarté de l’enquête, il aurait fallu que la police se rende au domicile de l’interpellé que je suis pour continuer la fouille. Mais que nenni ! Par ailleurs, comment la police peut-elle affirmer avoir trouvé de la cocaïne dans l’appartement et ne pas interroger ceux qui y résident. (…)
En refusant de venir à mon domicile, ces policiers ont évité d’être confrontés à des témoins qui auraient mis à nu leur plan satanique qui est de détruire ma personne. Parce que là, elle voulait absolument que j’avoue ce que je ne suis pas : dealer ou consommateur de cocaïne. Voilà des gens qui ont trahi la constitution du royaume du Maroc et même le serment de la police nationale du royaume. Au bout du fil, je suis innocent après 150 jours de détention, qui est donc le coupable ?
[Il pardonne en attendant la suite]
Afrikipresse.fr : Et qui sont ceux qui sont derrière tout cela selon vous ?
Guédé Marius : Sincèrement, nous ne le savons pas pour le moment. Mais l’enquête nous le dira par la suite car, les procédures sont toujours en cours.
Afrikipresse.fr : Quelle a été la réaction de l’Académie de football où vous êtes coach ?
Guédé Marius : Ici, quand il y a un problème de cocaïne, tout le monde baisse la culotte, surtout quand il s’agit de la police. Personne n’ose affronter la police. Toutes mes relations m’ont tourné le dos, y compris le président du club en question
Afrikipresse.fr : Lors de votre séjour carcéral, avez-vous reçu la visite de l’ambassade de Côte d’Ivoire, pour s’imprégner du dossier?
Guédé Marius : L’Ambassade a refusé d’intervenir. (…) Étant un croyant pratiquant, je suis resté serein parce que Dieu ne m’a jamais abandonné.
Afrikipresse.fr : Après cette histoire, que comptez-vous faire désormais ?
Guédé Marius : Je vais d’abord parler avec mes avocats de la démarche à suivre. Je me déciderai définitivement la semaine prochaine, en fonction de l’évolution des évènements. Quant à ceux qui sont à la base de ce montage, je leur ai déjà pardonné. Car, cette histoire est plus spirituelle que physique.
Claude Dassé