D’abord présentée comme une agence de presse russe en Afrique, African Initiative consiste en réalité en un outil de propagande du Kremlin pour étendre son emprise sur le territoire. Retour sur l’histoire d’une toile méticuleusement tissée.
« L’initiative africaine » … par les Russes. Le Kremlin décide de sa création dans les années 2020.
Reprenant des infrastructures établies par Wagner (Africa Corps), l’organisation African Initiative aurait des liens étroits avec les services de renseignement russes. African Initiative promeut des activités culturelles et éducatives en Afrique de l’Ouest. Récemment, elle a d’ailleurs officialisé une extension au Burkina Faso, le 13 novembre 2023 au palais de la culture et de la jeunesse Jean-Pierre Guingané à Ouagadougou.
Depuis un an, ses activités se focalisent sur les pays membres de l’AES, soutiens pro-russes sur le continent. L’objectif est de renforcer les liens politiques et économiques de Moscou avec l’Afrique, afin d’y étendre son influence.
Cinéma, environnement, éducation, politique et autres thématiques d’événements officiels sont relayés. Si en surface les sujets abordés s’articulent autour de domaines d’intérêt général, les contenus publiés sont majoritairement à la gloire de l’action russe sur place. « Les avantages de la coopération avec la Russie pour l’Afrique », « La Russie aide les pays du Sahel à lutter contre le terrorisme » ou encore « Les projets russes renforceront la sécurité énergétique des pays africains » sont des exemples-types d’articles trouvables sur son site web.
Promotion de la culture russe
Divers événements ont également été organisés par l’association pour renforcer la relation Russie-Afrique. Le 31 août une soirée culturelle russe patriote a eu lieu à Ouagadougou.
Au programme : prestations d’artistes, danse traditionnelle, film et théâtre. « L’un des objectifs de African Initiative est de faire connaître la culture russe afin de développer des relations d’amitié entre les deux peuples. […] » Selon Ayo Soumaïla Azenwo, son président, interrogé par Faso7. Toujours au Burkina Faso, l’hymne russe a été chanté pour entamer un match de football initié par l’association. Même constat lors d’un festival d’art de rue où les participants graffaient le président russe, proche de l’ancien président burkinabè.
À Niamey, ce 1er octobre, l’association a ouvert une « Maison russe », pour s’implanter un peu plus.
African Initiative s’implique activement dans des programmes d’éducation, par des conférences et des séminaires, notamment auprès de la jeunesse dans les universités et écoles locales. Les idées transmises semblent souvent anti-occidentales. Le risque est celui d’un endoctrinement idéologique, portant une vision biaisée du monde. Cela pourrait, à terme, affecter l’esprit critique des plus jeunes, avenir de l’Afrique.
Qui compose African Initiative ?
Selon un rapport de Code for Africa, un réseau africain à but non-lucratif de laboratoires de la démocratie numérique et de journalisme de données fondé au Kenya, les acteurs clé de l’organisation sont avant tout issus d’organes de propagande russe, voire de son gouvernement.
Dirigée par l’armée russe, la chaîne Zvezda TV serait l’équivalent du directeur général d’African Initiative.• Le rédacteur en chef serait un dénommé Kureev Artem Sergeevich.• Les rédacteurs sont des journalistes et influenceurs pro-Kremlin : Alexander Kholodovm et Andrei Dubrovsky, journalistes pour Tomix-33, Artem Blinov de la chaîne Telegram « Fear and Loathing in Bamako », Dmitry Nikitin de chez RTVI, organe de presse russe privé, Elezavta Antonova, rédactrice pour le ministère russe des Affaires étrangères, et d’autres.
Il est à préciser qu’African Initiative semble former et recruter des journalistes africains pour s’assurer une place durable dans la zone.
Quels messages de propagande pour African Initiative ?
Pour mener à bien sa stratégie, l’association dispose d’un site web d’informations et de comptes sur les réseaux sociaux Telegram et Vkontact. À peine masquée, la méthode de diffusion de cette propagande est simple :
• reprendre des informations pro-Russie, valorisant ses projets au profit de l’Afrique,
• garder une part d’ombre sur ses propres intérêts,
• critiquer les puissances occidentales,
• critiquer ses adversaires affichés, comme l’Ukraine
À l’heure du sommet Africa Facts 2024, les actions d’organes de propagande comme African Initiative soulignent l’urgence de la lutte contre la désinformation sur le continent. La normalisation d’une information propagée par des puissances étrangères, dont des acteurs gouvernementaux étrangers identifiés.
Constantine Ndoko, constantinendoko2@gmail.com