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    Chronique du Lundi – Décryptage du traditionnel message à la nation d’Alassane Ouattara du 31 décembre 2021

    Chronique du Lundi – Décryptage du traditionnel message à la nation d’Alassane Ouattara du 31 décembre 2021
    Publié le
    Par
    Christian Gambotti
    Lecture 6 minutes
    Salon des banques de l'UEMOA et des PME

    Le traditionnel message à la Nation que le président Alassane Ouattara a prononcé le 31 décembre 2021 doit se lire de deux manières : 1) l’évidence d’une satisfaction éprouvée par Ouattara, au regard de son bilan depuis son accession au pouvoir en 2011. 2) l’évidence, dans l’esprit même d’Alassane Ouattara, que beaucoup de choses restent à faire.

    Personne ne peut prétendre que la Côte d’Ivoire est devenue un paradis et que tous les sujets d’inquiétude ont disparu. Mais, personne ne peut nier que la décennie Ouattara (2010-2020) a permis de placer la Côte d’Ivoire sur la trajectoire de l’émergence. Le pays a retrouvé la place qui était la sienne en Afrique et dans le monde, après avoir subi, depuis les années 1993, un long déclassement politique, économique et social ponctué par l’instrumentalisation du concept d’« ivoirité », la partition du pays en 2002, l’interdiction faite à certains candidats de se présenter aux élection présidentielles et l’instabilité politique chronique qui atteint son paroxysme avec le coup d’Etat de 1999, la crises politico-militaire de 2010-2011, la crise pré- et post-électorales de 2020.

    Depuis 2011, la Côte d’Ivoire a connu « année après année, des avancées importantes et des progrès indéniables ». Comme le dit très justement Ouattara, « le creuset de tous ces progrès, c’est la paix. » Depuis la disparition d’Houphouët-Boigny, qui n’avait pas voulu, ce qui était sûrement une erreur, organiser « sa » Convention nationale, la Côte d’Ivoire avait tendance à s’éloigner du modèle occidental de l’Etat-nation, les partis politiques historiques s’étant construits sur une base ethnique.

    Si les Accords de Marcoussis, qui pouvaient apparaître comme un modèle du genre dont les propositions permettaient de régler, sur le papier, tous les problèmes, ces Accords faisaient l’impasse sur les vieux affrontements qui empêchaient chaque Ivoirien d’« oublier » son appartenance ethnique et géographique pour une carte d’identité ivoirienne. C’est ce chemin de l’identité nationale que veulent consolider le Président Alassane Ouattara et son Premier ministre Patrick Achi.

     
    L’économie et la croissance ne sont que des outils au service d’une vision politique 

    Le Discours d’Alassane Ouattara s’ouvre sur une vision politique : « Cette paix que nous a léguée le Père de la Nation, le Président Félix Houphouët-Boigny (…) nous l’avons retrouvée, avec bonheur, grâce aux efforts de chacune et de chacun de vous ainsi que de toutes les forces vives de la Nation. La paix et la stabilité ont été consolidées au cours de cette année 2021 avec la tenue des premières élections législatives inclusives, dans notre pays, depuis une vingtaine d’années. Je félicite les partis politiques pour leur participation à ces élections qui ont abouti à la mise en place d’une Assemblée Nationale plurielle, avec l’ensemble de l’opposition significative. » Rien n’est possible sans la stabilité politique et la paix retrouvée.

    L’économie et la croissance ne sont que des outils au service d’une vision politique. Cette vision politique propose une nouvelle étape : la mise en œuvre effective du projet « Une Côte d’Ivoire Solidaire ». Les investissements publics, qui ont été massifs ces dernières années, seront poursuivis sur fond de transformation structurelle de l’économie et extension des politiques sociales, afin d’offrir de meilleures conditions de vie aux Ivoiriens.

    Selon Ouattara, sous l’action de Premier Ministre Patrick Achi, « cette dynamique se poursuivra en 2022 avec un taux de croissance projeté à 7% en 2022. »  On retiendra les quatre priorités du gouvernement : 1) la poursuite de la transformation de l’économie, avec la modernisation de l’agriculture, l’accélération de  l’industrialisation du pays par la transformation locale des matières premières 2) un deuxième Programme Social du Gouvernement en vue d’intensifier les actions de réduction de la pauvreté 3) l’emploi des jeunes et des femmes avec « un accent particulier (…) sur l’emploi de nos filles et de nos fils. », la « mise en œuvre de  l’école de la deuxième chance afin de reconvertir certains diplômés sans emploi, d’accompagner les jeunes sans diplôme ou qualification dans des métiers à visée d’insertion rapide, ainsi que dans leurs projets d’insertion professionnelle et sociale 4) la promotion de la culture de la bonne gouvernance, la transparence dans la gestion des affaires publiques » et la lutte contre la corruption.

    Le rôle de Patrick Achi 

    Dans le Discours qu’il a prononcé lors du premier conseil des ministres de 2022, le Premier ministre s’est engagé à mettre en œuvre les priorités telles qu’elles ont été définies par Alassane Ouattara, le 31 décembre. Le remaniement ministériel qui se prépare vise d’ailleurs à consolider le rôle de Patrick Achi dans deux directions : 1) la poursuite de l’œuvre engagée depuis 2011 et le développement des « acquis considérables d’une décennie de paix, de sécurité et de concorde. » 2) la réorganisation du RHDP, le nouveau parti présidentiel que Ouattara veut installer définitivement comme un mouvement politique transethnique et transgéographique, présent sur tout le territoire national.

    La feuille de route de Patrick Achi  consiste à transformer en réalité palpable ce projet qu’Alassane Ouattaraet a repris à son compte et qui était le rêve d’Houphouët-Boigny : transformer le patchwork des 60 ethnies ivoiriennes, sorte de Tour de Babel africaine avec ses 60 dialectes, en un Etat-nation sur le modèle des grandes démocraties occidentales. Or, l’Etat-nation et ses lois restent encore des abstractions en Afrique.
     
    Le rôle de l’opposition 

    L’opposition est dans son rôle, lorsqu’elle dénonce, « comme du déjà entendu », le Discours du 31 décembre 2021 adressé à la nation par Ouattara. Le Nouveau Réveil, l’organe officiel du PDCI-RDA, a publié, sur le site Afri Soir, le 4 janvier, un article qui dresse la liste des inquiétudes des Ivoiriens, notamment « la cherté galopante de la vie ». La démocratie, ce n’est pas le consensus. En participant aux élections législatives de 2021, l’opposition, désormais présente à l’assemblée nationale, peut faire entendre sa voix. Elle pourra s’exprimer dans la poursuite du dialogue politique en cours, qui en est à sa cinquième phase. Initialement prévu pour débuter le mardi 21 décembre 2021, cette cinquième phase a été retardée. Certaines formations politiques ont dénoncé ce réaménagement de calendrier, accusant le gouvernement de vouloir empêcher la bonne marche du dialogue politique. Encore une fois, chacun est dans son rôle. Au-delà des critiques convenues, l’opposition doit bâtir une offre politique crédible, ce qui suppose qu’elle réécrive son logiciel économique et social bien sûr, mais aussi son logiciel politique qui inclut la question des alliances électorales. Elle a 5 ans pour le faire.

    Christian GAMBOTTI
    Agrégé de l’Université
    Président du think tank, Afrique & Partage
    CEO du CERAD (Centre d’Etudes et de Recherches sur l’Afrique de Demain) 
    Directeur des Collections L’Afrique en Marche, Planète francophone 
    Directeur de la rédaction du magazine Parlements & Pouvoirs africains-
    Directeur général de l’Université de l’Atlantique. 

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