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Chronique du lundi – la Côte d’Ivoire et le Gabon : comment se tourner vers les énergies renouvelables sans renoncer aux énergies fossiles ?

<strong>Chronique du lundi – la Côte d’Ivoire et le Gabon : comment se tourner vers les énergies renouvelables sans renoncer aux énergies fossiles ?</strong>
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Par
Christian Gambotti
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Le Président de la transition gabonaise, le Général Brice Clotaire Oligui Nguema était en Côte d’Ivoire, le jeudi 11 avril, pour une visite de travail et d’amitié de 72 heures. Parmi les sujets abordés avec le président ivoirien, Alassane Ouattara, figurait le droit pour les Etats africains d’exploiter leurs énergies fossiles. L’Afrique est sommée, par les pays riches et les mouvements écologistes, de renoncer à leurs énergies fossiles, pétrole et gaz. La Côte d’Ivoire et le Gabon, lors de la COP 28, ont été renvoyés à leurs engagements sur le climat. Or, ces deux pays ont choisi de miser sur le pétrole et le gaz, le Gabon, parce qu’il est un pays producteur de pétrole, la Côte d’Ivoire, parce qu’elle vient de découvrir, en septembre 2021 et mars 2024, d’importants gisements offshore. Centrale solaire ou puits de pétrole : faut-il choisir ?  Tel est le dilemme qui se pose à l’Afrique.

Côte d’Ivoire et Gabon : des pays producteurs de pétrole au défi de la transition écologique

Lors de son allocution prononcée le 2 décembre 2023 à la Tribune de la COP 28, le général Oligui Nguema a déclaré : « Mon peuple, aspire à continuer dans la préservation de ses forêts riches en biodiversité. Mais en échange de quoi ? Des certificats de bonne conduite ? Hélas ! Ils ne se mangent pas !» Il a ajouté : « Les Gabonais ont des besoins socio-économiques essentiels à satisfaire ». C’est justement pour répondre aux attentes des Gabonais que le général Oligui Nguema a choisi de relancer l’industrie pétrolière de son pays. Il n’est donc pas question pour le Gabon de se priver de la rente pétrolière.

La Côte d’Ivoire, comme le Gabon, le Tchad ou le Congo, revendique le droit d’exploiter ses énergies fossiles. Maître de conférences en politiques énergétiques à l’Université Félix-Houphouët-Boigny d’Abidjan, Wanignon Ferdinand Fassinou dresse le constat suivant : « Avec les besoins de développement actuels, on ne peut pas renoncer aux énergies fossiles ». Il est en effet difficile pour la Côte d’Ivoire de se passer des ressources pétrolières et gazières colossales dont le pays dispose avec la découverte de méga gisements offshore. Pour le gouvernement ivoirien, ces gisements représentent une manne considérable permettant de disposer, et pour l’économie et pour les populations, d’une « énergie abondante et abordable ».

La Côte d’Ivoire entend d’ailleurs intégrer l’OPEP (Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole (OPEP) et devenir, à moyen terme, exportatrice de pétrole. Alors que l’agriculture est aujourd’hui encore le premier moteur de la croissance ivoirienne, le gouvernement souhaite faire de l’industrie extractive le deuxième moteur de cette croissance. Tous les pays africains producteurs de pétrole comme le Congo ou le Cameroun, ou en passe de le devenir, comme la Côte d’Ivoire et le Sénégal, se disent prêts à avancer dans la transition énergétique, afin de réduire l’impact de la pollution et du réchauffement climatique. Mais, il est impossible de se passer du jour au lendemain des énergies fossiles qui financent des pans entiers de l’économie et des politiques publiques, notamment le volet social. Il n’est donc pas étonnant que la Côte d’Ivoire, qui vient d’inaugurer son plus grand gisement pétrolifère, annonce, en même temps, qu’elle tient à renforcer le rôle stratégique des énergies renouvelables. 

Un engagement croissant de la Côte d’Ivoire dans le développement des énergies propres.

Comment concilier l’exploitation des énergies fossiles et le respect des engagements climatiques pris en 2021 par l’Etat ? Conscient des urgences climatiques, le gouvernement ivoirien multiplie les investissements dans le développement des énergies décarbonées. Le mercredi 3 avril 2024, l’Etat a inauguré la première phase du chantier de sa première centrale photovoltaïque, à Boundiali, dans le nord-ouest de la Côte d’Ivoire. Ce sont 80 mégawatts d’électricité propre qui seront générés par 150 000 panneaux solaires installés sur 78 hectares au milieu des champs de coton. Selon le ministre des Mines et de l’Energie, Mamadou Sangafowa Coulibaly, la centrale solaire de Boundiali permettra de « fournir de l’électricité à plus de 430 000 personnes et d’économiser l’équivalent de 60 000 tonnes de CO2 par an ».

Après celle de Boundiali, une dizaine de centrales photovoltaïques sont déjà prévues, afin, d’ici cinq ans, de porter à 9 % la part de l’énergie solaire dans le mix énergétique. A terme, il s’agit d’accélérer la transition énergétique pour arriver, d’ici 2030, à un mix énergétique composé à 45 % d’énergies renouvelables, ce qui permettra, par rapport à 1990, une diminution des émissions de gaz à effet de serre de 31,4 %. Présent lors de l’inauguration de la centrale solaire de Boundiali, le premier ministre, Robert Beugré Mambé, a rappelé les trois objectifs que s’est fixé le Président Alassane Ouattara : répondre aux besoins croissants de l’économie, raccorder tous les Ivoiriens au réseau (94 % le sont déjà aujourd’hui), renforcer le rôle  stratégique de la Côte d’Ivoire dans la sous-région comme pays exportateur d’électricité (le pays vend déjà près de 10 % de son électricité à ses voisins).

À côté de l’énergie solaire, il faut ajouter, dans la production d’une énergie propre, l’alternative, aux quatre centrales thermiques existantes, que représentent les sept barrages hydroélectriques en service. De nombreux barrages sont en projet ou déjà en construction, comme celui de Gribo-Popoli (Sud-ouest), qui devrait être inauguré en juin. L’utilisation de la biomasse est prévue avec, à Aboisso, dans le Sud-est, la construction d’une centrale alimentée par les résidus de palmiers à huile. Des projets pour le réemploi des tiges de coton à Boundiali ou des cabosses de cacao à Gagnoa sont actuellement à l’étude. Dans le cadre du projet ENER-CI, des chercheurs ont montré que les parties Nord-Ouest, l’Est et la zone côtière de la Côte d’Ivoire sont propices  au développement des énergies solaires et éoliennes. Le projet ENER CI prévoit la création d’un service climatique dédié aux énergies solaire et éolienne en Côte d’Ivoire. Ce service est conçu comme un outil d’aide à la prise de décisions dans la décentralisation des sources de production énergétique.

Accélérer la transition énergétique sans pour autant renoncer à exploiter les gisements d’hydrocarbures découverts ces dernières années aux larges des côtes ivoiriennes, tel est le défi que doit relever le gouvernement ivoirien. Le Plan directeur production 2014-2040 prévoit d’assurer une capacité de production électrique de 4 600 MW. La puissance installée est aujourd’hui de 2 907 MW. Or, les énergies renouvelables, comme le solaire ou l’éolien, sont par nature intermittentes, elles ne peuvent pas couvrir l’ensemble des besoins énergétiques. L’Afrique subit pourtant de fortes pressions pour qu’elle renonce à exploiter ses énergies fossiles. Ce discours, qui vient des pays riches, n’est pas tenable. Pour des raisons largement documentées, l’Afrique est encore loin de pouvoir sauter l’étape des énergies fossiles pour devenir l’Eldorado des énergies renouvelables.

Christian GAMBOTTI Agrégé de l’Université – Président du think tank Afrique & Partage – Directeur général de l’Université de l’Atlantique- Directeur du CERAD (Centre d’Etudes et de Recherches sur l’Afrique de Demain) – Directeur des Collections L’Afrique en Marche, Planète francophone – Essayiste, chroniqueur, politologue, géopoliticien – Contact : cg@afriquepartage.org

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