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Chronique du lundi – l’Afrique au defi de l’intelligence artificielle (IA)

Chronique du lundi – l’Afrique au defi de l’intelligence artificielle (IA)
Publié le
Par
Christian Gambotti
Lecture 6 minutes

Franck Kié, créateur du cabinet Cyberops et du Cyber Africa Forum, dont il vient d’organiser la IVè édition, les 15 et 16 avril 2024, à Abidjan, est l’un des meilleurs spécialistes de la révolution informatique, de l’Intelligence artificielle et de la cybersécurité. Pour lui, « l’Afrique doit relever le défi de l’Intelligence artificielle pour deux raisons. Première raison : l’IA représente une formidable opportunité de développement en contribuant, d’ici 2030, au PIB du continent à hauteur de 1200 milliards de dollars, ce qui représente une augmentation de 5,6%. Deuxième raison : l’Afrique est le continent qui subit le plus de cyberattaques, l’IA constitue donc une menace de plus en plus lourde et de plus en plus sophistiquée : a) elle permet de manipuler les opinions publiques, b) elle devient un outil pour les guerres informationnelles et les opérations de propagande, c) elle favorise les cyberattaques et les guerres informatiques contre les Etats, les entreprises, les individus. Maîtriser l’IA relève pour l’Afrique de l’urgence. Le continent doit être au rendez-vous de cette révolution que représente l’IA en mettant en œuvre des politiques publiques de soutien à l’écosystème de l’IA, en se dotant des infrastructures, des technologies et des compétences nécessaires dans un domaine hautement stratégique. »

Qu’est-ce que l’Intelligence artificielle (IA) ?

Partons d’une définition simple : apparue dans les années 50, l’Intelligence artificielle consiste à imiter, à l’aide de machines, de façon automatisée et de manière beaucoup plus performante, l’intelligence humaine (le raisonnement, la planification, voire la créativité). Il s’agit d’une discipline qui réunit des théories, des sciences et des techniques (informatique, logique mathématique, statistiques, probabilités, neurobiologie computationnelle). 

Pour l’intelligence humaine, on parle de neurones, pour l’IA, on parle de « neurones artificiels » constitués de serveurs puissants qui permettent de faire des calculs lourds dans une base de données très importante et apporter un résultat immédiat à l’aide d’algorithmes. L’IA est une assistance numérique qui remplace l’humain pour certaines tâches. Premier obstacle pour développer l’IA en Afrique : un coût pharaonique du fait de la complexité de la recherche, des machines et des logiciels qui en découlent. 

« Maîtriser l’IA ou renoncer à la souveraineté numérique »

Abdelali Adil, qui décrypte l’actualité numérique en Afrique, écrit, dans un très bon article (1) : « À l’ère de l’IA générative, nul doute que le défi majeur pour les pays africains consiste à maitriser cette technologie disruptive. Il en va de la souveraineté numérique de tout un continent en proie, encore et toujours, à l’appétit des géants mondiaux de la Tech. »

 J’ai effectivement évoqué ce néocolonialisme numérique qui se caractérise par l’utilisation des technologies numériques dans le but de dominer politiquement, économiquement et socialement les populations et les nations. Il n’est plus question d’annexion de territoires, comme dans le vieux colonialisme, mais d’un asservissement par ce monde numérique qui comprend les infrastructures, le matériel informatique (hardware), les logiciels (software), les réseaux de connexion, la collecte des données (datas) et leur exploitation, les moteurs de recherche, internet, les plateformes comme Google ou Amazon, les réseaux sociaux, etc. Or, cet empire numérique est dominé par les Etats-Unis à l’échelle de la planète et par la Chine. 

L’Afrique ne doit donc pas voir le monde numérique comme un simple outil qui permet d’accélérer son développement et qui facilite la vie des populations, mais comme un attribut de sa souveraineté et de son indépendance.

Déploiement de l’IA : volonté politique forte et engagement du secteur privé

Le déploiement de l’IA en Afrique est tributaire d’une volonté politique forte au sommet de l’Etat et de l’engagement du secteur privé. L’objectif est double : 1) mobiliser les ressources financières nécessaires afin de développer l’ensemble des technologies et des outils utilisés pour concevoir et déployer des applications logicielles. 

2) multiplier les formations afin de pallier l’actuel manque de compétences. L’Afrique a besoin de politiques, d’infrastructures et de formations efficaces pour accélérer son développement à travers l’Intelligence artificielle. C’est ce sur quoi ont insisté les experts, lors de la table ronde intitulée « Favoriser la prospérité grâce aux politiques d’intelligence artificielle en Afrique », organisée en marge de la 56ème Session de la Conférence des ministres africains des finances, de la planification et du développement économique, qui s’est tenue, du 28 février au 5 mars 2024, au Zimbabwe. 

Cette 56ème Session était consacrée au financement de la transition vers des économies vertes inclusives en Afrique (impératifs, possibilités et moyens d’action). Mais, les ministres concernés ont voulu mieux connaître l’Intelligence artificielle, une technologie qui exploite l’intelligence des machines et des logiciels et dont l’évolution, particulièrement rapide, est toujours en avance sur la règlementation. L’Afrique, comme le reste du monde, est en train d’utiliser cette technologie sans qu’une réglementation ne soit mise en place. Seule la règlementation de l’IA, afin de l’empêcher de générer des contenus illégaux, permet, pour les Etats, les entreprises et les individus, de ne pas la subir. L’Union européenne vient d’adopter, le 13 mars 2024, la première loi globale qui règlemente l’utilisation de l’IA.

L’Afrique ne doit pas rester à l’écart des forums mondiaux

Il existe des domaines dont le développement concerne l’avenir de l’humanité. L’IA fait partie de ces domaines pour les opportunités qu’elle offre et les risques qu’elle fait courir, ce qui suppose que soient arrêtées, à l’échelle de la planète, une réflexion et une feuille route communes.

 Le tout premier sommet international sur l’IA, qui réunissait les dirigeants politiques, les géants de la Tech et les experts d’une vingtaine de pays parmi les plus avancés dans le domaine de l’IA, en particulier les États-Unis et la Chine, s’est tenu au début du mois de novembre 2023, dans la localité de Bletchley Park, à 80 kilomètres au nord-ouest de Londres. Il en est sorti, signée par tous les participants, la « Déclaration de Bletchley » pour un développement concerté et sûr de cette technologie. Or, l’Afrique était absente à Bletchley, alors que l’IA aggrave les inégalités déjà croissantes entre les pays et les régions du monde. 

L’Union Africaine, qui  s’étonne de ne pas toujours être entendue, vient d’entrer dans le G20, lors du Sommet qui s’est tenu en Inde, les 9 et 10 septembre 2023, ce qui lui offre enfin une « voix » dans le groupe des plus grandes économies développées et émergentes mondiales. Longtemps marginalisée, l’Afrique, qui est de plus en plus courtisée, est-elle en train de trouver sa place dans les nouvelles dynamiques mondiales ? Elle doit pour cela participer à tous les forums mondiaux pour se faire entendre.

_________________________

  1. CIO Mag, un magazine de référence sur le numérique. Le numéro 85 (mars-avril 2024) publie un dossier sur les Startup Tech africaines, investissements, tendances et secteurs porteurs.

Christian GAMBOTTI –  Agrégé de l’Université – Président du think tank Afrique & Partage – Directeur général de l’Université de l’Atlantique- Directeur du CERAD (Centre d’Etudes et de Recherches sur l’Afrique de Demain) – Directeur des Collections L’Afrique en Marche, Planète francophone – Essayiste, chroniqueur, politologue, géopoliticien – Contact : cg@afriquepartage.org

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