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    Extraits exclusifs de « Notre Histoire avec Laurent Gbagbo » (2) : les amitiés acquises en prison, les enfants et moi

    Extraits exclusifs de « Notre Histoire avec Laurent Gbagbo » (2) : les amitiés acquises en prison, les enfants et moi
    Publié le
    Par
    Charles Kouassi
    Lecture 16 minutes
    Salon des banques de l'UEMOA et des PME

    Deuxième et avant dernière partie des bonnes feuilles de Notre histoire avec Laurent Gbagbo “, paru en mars 2013, aux éditions l’Harmattan sous la plume du journaliste écrivain Wakili Alafé.  Témoignage disponible en librairie à Abidjan, en France et sur le site de l’Harmattan.

    A la Maca, j’avais fait l’engagement de me marier dès que possible. J’étais même prêt à le faire depuis la prison si jamais j’y  restais durant les dix huit mois de peine qui m’avaient été infligés.

    La vie carcérale est une occasion de repos et de réflexion.  Je m’étais mis au sport et je recevais régulièrement de la visite. Avec le recul il me paraît pertinent d’appeler à réformer les textes régissant la vie en prison en Côte d’Ivoire.

    Quand les prisons avaient été créées dans le monde, seul le courrier existait comme moyen de communication et d’échanges. Les droits des prisonniers dans le monde font état du droit de recevoir des courriers, de bénéficier de la lecture,  de visites, des soins médicaux, d’une bonne nourriture et de la possibilité d’exercer des activités récréatives ou d’obtenir des possibilités d’insertion.
    Quand Laurent Gbagbo fut conduit en prison en 1992 une polémique était née sur le droit de recevoir des journaux et sur la possibilité de faire sortir des courriers et correspondances publiées ensuite dans la presse.

    L’objectif pour les pouvoirs publics et pour la justice est de faire en sorte que le détenu, tout en étant préparé à une réinsertion, perçoive que la prison est une période de punition. La vie pénitentiaire ne pouvait pas être perçue ni acceptée comme la vie normale.
    Selon les tenants de la punition, un prisonnier ne peut vivre en prison, comme il vivait tous les jours en dehors de la prison. La question des droits des prisonniers et des détenus se pose de façon plus accrue à l’ère numérique. Quels sont les droits numériques des prisonniers ? Pourquoi de nos jours le téléphone portable est-il interdit, considéré comme illégal mais simplement toléré ?
    Quand les lois sur les prisons étaient créées, le téléphone portable n’existait pas encore. Alors qu’il y’a un projet de création d’un centre numérique et multimédia à la prison de Yopougon, avec mise à disposition d’ordinateurs, pourquoi les détenus du bâtiment des assimilés étaient souvent obligés de cacher leur ordinateur portable pour travailler ?

    L’ordinateur portable ne donne pas toujours accès à des possibilités d’escroquerie, ni à la déstabilisation via l’accès à l’internet. L’ordinateur peut être une occasion de découvrir des mondes nouveaux et de lire des ouvrages numériques, si on considère que les détenus ont droit à la lecture.

    Lors de mon séjour à la Maca, les Smartphone n’étaient pas encore très vulgarisés chez nous. Puis il y’a eu l’explosion du Iphone et du Blackberry, de Samsung Galaxy et des tablettes.

    Peut-on priver le détenu ivoirien qui en a les ressources de ces moyens de communication, étant entendu que la télévision est disponible pour ceux qui en ont les moyens, en plus de la radio, des lecteurs vidéo, CD et DVD ?
    Après mon départ des détenus ont même pu poser des antennes Canal horizon.

    Malgré les textes qui ne sont pas mis à jour, l’administration pénitentiaire essaie de s’adapter et de manifester une tolérance relative qui constitue des gains d’espaces de liberté dans l’univers de la prison, zone de privation de la liberté par excellence.
    Au niveau de la santé et de la nourriture par exemple, la loi fait obligation à l’administration d’assurer l’entretien, la santé et les repas des détenus.

    La qualité laissant à désirer, au Bâtiment des  assimilés, la nourriture de qualité vient de l’extérieur. Quand tel n’est pas le cas, ce sont les détenus eux mêmes qui font la cuisine.

    Tout se fait à l’électricité, parce que le gaz qui est inflammable, est interdit dans les cellules dotées de ventilateurs et désormais de climatiseurs ou split baladeurs.

    Les amitiés acquises en prison peuvent être durables, comme éphémères. Les surveillants de prison ont quelques fois le sentiment d’être comme des instituteurs ; des enseignants qui forment et subissent l’ingratitude d’élèves devenus de grands types dans la société. Ces grands types ne viennent jamais voir leurs maîtres d’écoles et ne se souviennent plus jamais d’eux.

    Le même sentiment peut traverser les médecins sans pour autant que ceux-ci souhaitent toujours des maladies dans l’humanité. Le patient ne repart jamais voir (pour saluer) le médecin, sauf quand il a un bobo.

    Les surveillants de prison faisaient donc payer au prix fort, leurs interventions et les petits services qu’ils pouvaient être amenés à rendre, car ils étaient assurés malgré les promesses et les bonnes intentions, que personne ne viendrait les voir, une fois sorti de prison.

    Sauf les récidivistes notoires, les gardes pénitentiaires ont vu tant de gens passer pour comprendre que la bonté et la gentillesse ne sont pas souvent récompensées dans ce métier aussi ingrat que celui de croquemort.

    J’ai bénéficié de la gentillesse et de la disponibilité de tous. Ma timidité naturelle que j’ai toujours tenté de compenser, à travers une forme de bonté, de générosité et un certain sens de partage, m’a aidé à éviter les problèmes de personnes, et m’a prédisposé à maintenir régulièrement la bonne humeur à l’égard de tous.

    J’ai gardé de bons rapports avec mes voisins de cellules  qui ont été d’un grand soutien, dans mon insertion dans l’univers carcéral.
    L’étudiant Florent K resté longtemps en détention provisoire, dans le cadre de l’enquête sur l’assassinat d’un étudiant qui était le neveu d’un baron du FPI, m’a laissé une bonne impression.

    En prison le musulman que j’étais, était devenu chrétien. Chaque matin, je priais et me confiait au Christ sous l’impulsion des codétenus, avec le soutien actif et bienveillant de Maman Tonie depuis l’extérieur.

    Au cours de cette période, l’activisme et la prise en charge par les chrétiens détenus m’ont paru plus prégnants que ceux des musulmans dont j’entendais l’appel à la prière, mais que j’ai peu rencontrés durant mes quarante cinq jours de prison.
    Dieu est Dieu, Allah est Allah. A ma sortie de prison, j’ai vite fait de reprendre le chemin de la mosquée et de renforcer de façon générale ma foi en Dieu l’Unique, que ce soit le Dieu de la Bible, ou Allah dans le Coran.

    Je mesurais alors le chemin spirituel parcouru par le jeune athéiste et contestataire de Dieu que je fis. A l’âge de 16 ans, j’avais été tenté de trouver refuge dans la philosophie pour trouver des preuves de ce que Dieu n’existe pas.

    J’avais pourtant fait l’école coranique dans ma tendre adolescence. Dieu merci, dans notre famille, nous avons beaucoup tiré profit de cet enseignement qui nous a mis à l’abri, moi, mes sœurs et frères de la tricherie, du banditisme et de certains vilains sentiments décris par Houphouët Boigny.

    Le jour même de mon arrivée à la prison civile de Yopougon, j’ai été soumis à des contrôles d’identités, mais je n’ai pas été mis nu. Après quelques hésitations des gardes, j’ai regagné le bâtiment des assimilés.

    Les uns et les autres ont eu quelques fois, bien de mal à me traiter comme un prisonnier normal, pour ne pas dire comme un bandit de grand chemin. Dans ma tête, je ne me considérais pas moi même, comme un prisonnier normal.

    Mes enfants étaient sensés ne pas savoir que j’étais en prison. Leur maman ne le leur en avait pas parlé, même si l’aîné, à l’époque en classe de CM1, pouvait lire déjà les journaux qui arrivaient à la maison.

    Toutefois des voisins ou enfants de voisins dans le quartier, ou quelques camarades à l’école pouvaient dire un mot de trop.
    Pour les rassurer et démentir les soupçons éventuels, je prenais la peine de parler souvent au téléphone avec eux, en affirmant que j’étais en voyage et que je rentrerais bientôt.

    J’avais effectivement l’habitude  de partir en voyage, mais pas pour d’aussi longs moments. Mon dernier voyage avait duré une vingtaine de jours et c’était le voyage américain, avec escale à Paris au retour. Mes voyages duraient au maximum trois semaines.
    Voici que j’étais déjà à 30 jours d’absence et que j’allais à 45 jours, me faisant interpeller au téléphone par ma dernière fille : mais papa quand vas-tu venir à la maison ?

    Un jour prétextant une opération bancaire pour payer les salaires des journalistes, j’obtins une permission pour aller en ville. Les enfants et leur maman vinrent me trouver à la banque, à l’intérieur d’un super marché de la place. Ils étaient contents de voir Papa, de me voir.

    Mais c’était difficile et douloureux pour moi, malgré les sourires et les embrassades. Je leur ai dit que je ne rentrais pas à la maison avec eux, mais  plutôt que je repartais aussitôt encore en voyage. Les agents de la banque étaient surpris. Ils me croyaient déjà en liberté malgré deux gardes pénitenciers, qui paraissaient plutôt être mes gardes de corps personnels comme j’en avais eu avant.

    Je voulus tenter une seconde fois, cette autre illusion de liberté en demandant une permission pour aller voir un médecin spécialiste et réaliser un bilan de santé, mais la mutinerie de Décembre 2008, empêcha cela jusqu’aux tractations ayant précédé ma libération.
    Cette mutinerie avait été abondamment commentée dans la presse. Elle avait été assimilée à une tentative de coup d’état. Mon ami de prison Jean Paul Ney avait été indexé. Arrêté un an environ avant moi, Jean Paul Ney supportait de moins en moins son emprisonnement quand éclata cette mutinerie au cours de laquelle des actes de tortures et des violations corporelles ont été exercées sur les détenus, (pour empêcher durant au moins dix ans, toute autre velléité de mutinerie, selon un des officiers dirigeants l’opération).

    Ce fut une aubaine pour ce reporter de guerre, toujours en alerte pour sortir son appareil photo numérique et faire des prises de vue, malgré les effets collatéraux des gaz lacrymogènes dans nos cellules.

    Le réflexe professionnel de Jean Paul a valu le passage des gendarmes dans notre bâtiment pour procéder à des fouilles en vue de récupérer téléphones portables et appareils photos.

    Ayant été plus ou moins avertis quinze minutes avant, quelques uns ont pu prendre des dispositions. Ceux qui ont mal caché leurs téléphones portables en ont été dépouillés, sans que plus tard cela ait prêté à grave conséquence.

    Dommage que cet épisode ait donné lieu à des dérives dans les médias et à des affabulations sur un prétendu coup d’état.
    Avant cette date, et davantage à partir de là, mon attitude de Saint Thomas au sujet des allégations de coup d’état dans la presse, s’est renforcée.

    J’étais témoin vivant d’une simple mutinerie, et on nous parlait de coup d’état, de tentative de déstabilisation, dans des journaux pouvant être lus par des gens plus ou moins sérieux et même par des décideurs. C’était gros.

    Quand le ministre Désiré Tagro vint à la Maca, à la suite de Mamadou Koné, notre bâtiment des assimilés a été ignoré. Mon désir secret de rencontrer et croiser le sécurocrate n’a pas pu se réaliser.

    J’étais à environ une dizaine de jours de ma libération, et la mutinerie qui aurait pu retarder les choses sur mon sort a été plutôt brandie, comme un prétexte pour m’aider à sortir au plus vite de cette prison qui n’était pas faite pour moi, ni pour personne d’autre  en réalité.
    La prison c’est comme le service militaire. «Même si on n’a pas été condamné, je pense que chacun dans sa vie, doit venir ne serait qu’une semaine ou deux,  faire l’expérience de la privation de la liberté que constitue la prison», disais-je à certains de mes nombreux visiteurs que j’étais étonné de voir plus démoralisés que moi même.

    Jamais avare d’un bon mot et d’un trait d’esprit, Simplice Zinsou accompagné de son ami  de toujours Aladji Cissé, me recevant chez lui un jour, dira : « On dirait que tu étais bien en prison là bas. Les jolies femmes d’Abidjan venaient te voir, ça ne faisait pas plaisir à tout le monde ; tu as eu la chance, car tu aurais pu rester à cause de ça, plus longtemps en prison. Bon, Dieu merci, tu es là parmi nous, c’est bien. Il ne faut pas en vouloir à ceux qui n’ont pas pu passer te voir, car c’était pour certains une forme de protestation, contre le sort qui t’avait été fait. Et puis certaines visites auraient pu te faire plus de mal que de bien».

    D’autres qui sont venus comme Bamba Alex Souleymane ne supporteront pas et fondront en larmes me forçant à le prendre dans mes bras pour le consoler.

    Bamba Alex a pleuré parce qu’il estimait que c’était injuste et que ma place n’était pas à la Maca. Heureusement Dieu a crée la pardon et l’oubli.  A côté de la mémoire et du souvenir, l’oubli joue un rôle psychologique et social important.

    Contrairement à la grosse du jugement qui était dans les visas, le décret de grâce préparé par Tyeoulou Félix et signé par Laurent Gbagbo sera plus clément. Il ne fera plus mention de ma nationalité nigériane. La tempête était passée.

    J’avais été condamné à dix huit mois de prison de prison au mois de Novembre 2008 et  le congrès de l’UNJCI qui devait avoir lieu fin Décembre 2008, a été reporté à une date ultérieure au cours d’une pré-AG. Mon staff de campagne a considéré cela comme une victoire.
    Personne ne voulait renoncer. Toutefois à ma sortie de prison de prison, ma révolte contre l’UNJCI était plus forte que tout. Je ne veux plus en entendre parler. Mon renoncement à la candidature, mon refus de prendre position et de donner des consignes de votes, créeront un froid autour de mon staff et de mes partisans pendant de longues semaines.

    Je prônais un boycott radical avec cet argument : si les journalistes veulent de moi, ils le feront savoir, s’ils ne le font pas savoir et ne réclament pas ma candidature, c’est qu’ils peuvent se passer de moi, peuvent se satisfaire de ceux qu’on leur propose, je n’ai plus à me sacrifier, ni à me mêler de quoi que ce soit. Ils auront le président qu’ils veulent et qu’ils méritent.

    Je me rêvais en homme providentiel, qui serait réclamé par tous, et sans qui tous les journalistes refuseraient de participer à la vie de l’Unjci.

    Je ne voulais rien entreprendre, ni rien dépenser de plus pour ravir la présidence d’une structure, pour faire le bonheur des gens sans que ceux-ci manifestent leur part de sacrifice.

    « Les peuples ont les dirigeants qu’ils méritent. Les journalistes auront les dirigeants qu’ils veulent et méritent», aimais-je déjà dire à l’époque.

    Cette période sera la seule durant laquelle, j’aurai un désaccord avec Moussa Traoré qui proposait l’entrisme. Il proposait de travailler pour notre camp, de l’intérieur et à l’intérieur de l’UNJCI. Lui et d’autres de mes partisans voulaient que je les cautionne pour entrer dans le conseil exécutif, que je les parraine, d’autant plus que feu Criwa Zeli avait laissé entendre que l’accord avec moi, tenait toujours, et que je pouvais briguer le Conseil d’administration avec les mêmes pouvoirs élargis, selon notre accord pré-Maca; que je pouvais toujours coopter des membres dans le Conseil exécutif. Mais, le cœur était ailleurs. La page UNJCI était tournée pour moi.

    Sachant les ambitions des uns et des autres, je n’ai rien exigé ni imposé. J’ai laissé chacun libre de faire ses choix, de les assumer, pour éviter d’avoir des gens à ma charge parce qu’ils m’auraient suivi dans mon isolement.

    Par contre, je me laissais griser par les admirateurs qui me reconnaissaient en ville et appréciaient « mon » combat.
    Je n’étais pas une grande star de football, ni un chanteur de notoriété, pourtant dans la ville et à travers le monde,  j’avais gagné en notoriété et en estime auprès de beaucoup de gens.

    Pourtant, à côté d’admirateurs disant que j’avais été victime d’une ambition noble et d’une terrible injustice, quelques personnes prenaient toujours plaisir à me considérer comme un faussaire.

    Les  meilleurs témoignages de soutien et de réconfort resteront ceux de Mme Dominique Ouattara et de Victor Ekra, sans oublier l’affection jamais démentie de Papa.

    PS : La troisième dernière partie des extraits,  parlera la presse, et de la réconciliation ; des thématiques abordées déjà en 2013, il y’a trois ans.

    Notre histoire avec Laurent Gbagbo

     

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