Depuis les 5 et 6 novembre 2024, une campagne de désinformation a inondé les réseaux sociaux, visant à nuire aux relations entre la Côte d’Ivoire et la France, ainsi qu’à susciter des révoltes au sein de la population. Car cette fake news accuse le Président français Emmanuel Macron de faire pression sur son homologue ivoirien Alassane Ouattara pour réprimer l’opposition favorable à un rapprochement avec l’Alliance des États du Sahel (AES). Analyse des faits, des réseaux impliqués et des motivations derrière cette opération.
Une Fake organisée
Le texte, partagé en différentes versions sur des plateformes telles que Facebook, s’accompagne de caricatures et photos visant à renforcer son impact. Les messages mettent en avant un supposé diktat de la France et une tentative de Macron d’influencer les choix politiques en Côte d’Ivoire. Les publications évoquent également une instrumentalisation d’Alassane Ouattara pour préserver les intérêts français face à la montée en puissance de l’AES.
Un réseau actif
Cette campagne ne résulte pas d’une simple initiative individuelle. Elle semble plutôt émaner d’un réseau structuré. Les publications initiales proviennent de pages influentes, telles que “Gandhi Malien” (1,2M abonnés), rapidement reprises par d’autres, comme “Cap Mali+” (368k abonnés), “Mali+ Média” (221k abonnés), et “Ouragan Web TV” (25k abonnés).
Une cinquantaine de comptes et pages Facebook ont diffusé ces informations, parfois avec des variations dans le contenu pour donner l’illusion d’une spontanéité et d’une véracité. La saturation de l’espace informationnel est clairement intentionnelle, avec un ciblage particulier de l’opinion publique ivoirienne et ouest-africaine.
Implication de puissances étrangères ?
Certains indices révèlent l’implication d’acteurs étrangers dans cette campagne :
1. Proximité avec l’AES :
Plusieurs pages ayant partagé la fake news diffusent régulièrement des narratifs en faveur de l’AES, une confédération regroupant le Mali, le Niger et le Burkina Faso. Cela montre une tentative d’influencer les opinions pour rapprocher la Côte d’Ivoire de ce bloc géopolitique.
2. Liens avec des réseaux pro-russes :
• “Gandhi Malien”, dirigée par Mamadou Sidibé, a des connexions directes avec African Initiative, une organisation russe impliquée dans la formation de communicants pro-AES.
• “Ouragan Web TV”, présidée par Samba Mbenda Diaw, est affiliée au Partenariat Alternatif Russie-Afrique pour le Développement Économique (PARADE), un réseau pro-russe actif dans plusieurs pays francophones.
• Certaines pages, comme “Esprit Africain”, sont gérées depuis des localisations en Russie.
Destabilisation et intérêts géopolitiques
1. Déstabiliser la Côte d’Ivoire :
La diffusion massive de cette fake news vise à saper la confiance dans le gouvernement ivoirien, en le présentant comme un « exécutant » des intérêts français. Cela alimente des tensions politiques et pourrait favoriser des mouvements d’opposition.
2. Renforcer l’influence de l’AES :
En positionnant l’AES comme une alternative politique et géopolitique crédible, la campagne cherche à attirer des soutiens populaires et politiques en Côte d’Ivoire.
3. Servir les intérêts russes :
La Russie, via des organisations comme African Initiative, semble jouer un rôle clé en finançant et orchestrant ces campagnes pour concurrencer l’influence française en Afrique de l’Ouest.
Risques
1. Impact sur la stabilité politique
Ces informations mensongères peuvent exacerber les tensions politiques en Côte d’Ivoire, surtout à l’approche des élections présidentielles de 2025.
2. Manipulation de l’opinion publique :
Les fake news visent à polariser les citoyens et à influencer leurs perceptions en créant une méfiance envers les institutions locales et internationales.
3. Déstabilisation régionale :
Ces campagnes s’inscrivent dans un contexte plus large de rivalité entre puissances étrangères en Afrique, avec des conséquences potentielles sur la stabilité de toute la région.
Contrer la désinformation
La diffusion de cette fake news sur les relations entre la Côte d’Ivoire, la France, et l’AES n’est pas un fait isolé. Elle illustre une tentative concertée d’acteurs locaux et étrangers de manipuler l’information pour déstabiliser le pays et promouvoir des intérêts extérieurs.
Les autorités ivoiriennes et les médias responsables peuvent continuer ou renforcer leurs efforts pour :
• Identifier et démanteler les réseaux de désinformation.
• Sensibiliser la population aux dangers des fake news.
• Collaborer avec les plateformes sociales pour limiter la propagation de contenus mensongers.
Enfin, il est utile de rappeler que la désinformation n’est pas seulement une menace pour un gouvernement ou un individu, mais pour la cohésion et la stabilité d’une nation entière.
Laurent Oupoh
2252025laurentoupoh@gmail.com