Sécurité et développement dans la bande sahélienne
L’action du G5 Sahel, dans la lutte contre la menace terroriste, concerne 5 pays de la bande sahélienne : Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger et Tchad. Créé lors d’un sommet du 15 au 17 février 2014 par ces 5 Etats, le G5 offre un cadre institutionnel de coopération et de coordination en matière de politiques de développement et de sécurité. Si la question sécuritaire sature les débats sur la bande sahélienne, le Tchad, sous sa présidence, met en avant les questions de développement. Face à la menace terroriste, la réponse ne peut pas être uniquement sécuritaire.
Lorsqu’il a pris, pour la seconde fois, la présidence du G5 Sahel, le 15 février 2021, à l’issue de la 7è Session ordinaire de la Conférence des Chefs d’Etat, le Tchad s’est fixé trois priorités : 1) renforcer la coopération entre les différents acteurs dans le domaine de la sécurité (riposte sécuritaire) 2) créer des synergies entre les différents instruments de développement afin de lutter contre la précarité et la pauvreté (riposte économique et humanitaire) 3) agir en faveur de la santé et lutter contre l’expansion de la Covid 19 (riposte sanitaire).
Ces trois objectifs se heurtent aux obstacles suivants : la faible capacité d’intervention sécuritaire de certains Etats du G5 ; l’insuffisance des financements afin de conduire les actions prévues, notamment dans le domaine du développement ; la persistance de la menace de la pandémie à coronavirus. Selon la présidence tchadienne du G5 Sahel, le renforcement des forces de sécurité et de défense contre le terrorisme ne peut être dissocié du défi développement durable et inclusif dans la bande sahélienne.
Au-delà de la souveraineté de chaque Etat, il existe la grande famille des populations sahéliennes qu’il faut réunir autour du défi du développement à travers des projets structurants (accès à l’eau, à l’électricité, à la santé, à l’éducation, à la formation professionnelle, à l’emploi ; développement des infrastructures routières, ferroviaires, aériennes ; sécurité alimentaire ; intégration économique entre les 5 Etats sahéliens). Que ce soit dans le domaine de la sécurité, dont l’objectif est la montée en puissance et l’autonomisation de la « Force conjointe », ou en matière de développement pour lutter contre la précarité et la pauvreté, terreaux du terrorisme et de tous les trafics, l’appui de la communauté internationale et des bailleurs de fonds est une nécessité. Sous sa présidence, le Tchad développe les partenariats et renforce les actions diplomatiques, notamment avec les Etats membres de l’« Initiative d’Accra ».
L’articulation entre les Etats du G5 Sahel et les Etats de l’ « Initiative d’Accra »
La menace terroriste se répand aujourd’hui dans toute l’Afrique de l’Ouest et dans les pays côtiers du Golfe de Guinée. À partit de 2016, le Burkina Faso, autrefois considéré comme un rempart contre la menace terroriste, a vu se multiplier sur son territoire les intrusions et les attaques violentes des groupes terroristes. Le Burkina doit faire face à des attaques répétées dans le nord du pays et contre la capitale Ouagadougou. Aujourd’hui, le pays est considéré comme une « maillon faible » de la chaîne sécuritaire sahélienne. Depuis son territoire, les groupes terroristes mènent des incursions dans les pays voisins (Bénin, Togo, Ghana) et conduisent des attaques dans les régions frontalières des pays côtiers, notamment en Côte d’Ivoire. Afin de prévenir le terrorisme dans les États de l’Afrique de l’Ouest et du Golfe de Guinée, le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Ghana et le Togo, ont lancé, en septembre 2017, l’« Initiative d’Accra », qui reste aujourd’hui encore peu connue.
L’initiative d’Accra est d’abord « un mécanisme de sécurité coopératif et collaboratif qui repose sur trois axes : le partage d’informations et de renseignements ; la formation du personnel de sécurité et de renseignement ; et la conduite d’opérations militaires conjointes transfrontalières. (…) En mai 2018, l’opération Koudalgou I a été menée conjointement par le Bénin, le Burkina Faso, le Ghana et le Togo dans les zones frontalières entre les trois pays. Elle a été suivie par L’opération Koudalgou II, conduite par le Burkina, la Côte d’Ivoire et le Ghana en novembre 2018. » (1) Cette coopération dans le domaine de la sécurité renforce la confiance entre les pays.
L’« Initiative d’Accra » ne se limite pas au seul volet sécuritaire. Les Etats membres conduisent, au plan national, des actions de développement : « Le Ghana, par exemple, a mis au point un cadre et un plan d’action contre le terrorisme, qui consacre l’un de ses piliers à la lutte contre les causes profondes de l’extrémisme. L’Agence béninoise de gestion des frontières met en œuvre des projets de développement qui prennent en charge des vulnérabilités à la menace dans les zones frontalières. En mai 2019, le Togo a mis en place un Comité interministériel de prévention et de lutte contre l’extrémisme violent (CIPLEV) dont l’une des missions est de renforcer la résilience des communautés. » (1)
L’« Initiative d’Accra » présente trois points forts et des limites évidentes. Les trois points forts sont la souplesse du dispositif, une coordination centrale et un financement par les Etats membres. Les limites sont des ressources insuffisantes et la conduite d’opérations qui ne sont que ponctuelles et de courte durée.
Il est urgent de mesurer l’importance de l’ « Initiative d’Accra » et de coordonner ses actions avec celles des cinq Etats de la bande sahélienne pour deux raisons : prévenir le terrorisme dans toute la sous-région, lutter contre la criminalité transnationale, dont le trafic de drogue, organisée depuis les zones frontalières sahéliennes, afin de financer le terrorisme.
Christian GAMBOTTI,
Agrégé de l’Université,
Président du think tank Afrique & Partage
CEO du CERAD (Centre d’Etudes et de Recherches sur l’Afrique de Demain) –
Directeur des Collections L’Afrique en Marche, Planète francophone –
Directeur de la rédaction du magazine Parlements & Pouvoirs africains.
(1) Sources : article d’ISS Today, publié par l’ISS (Institut d’Etudes de Sécurité). Auteurs : Sampson Kwarkye, Chercheur principal, ISS Abuja, Ella Abatan, Chercheur et Michaël Matongbada, Chercheur junior, ISS Dakar