Aussi bien que la littérature de l’Afrique de l’Ouest soit postérieure de celle de l’Europe, il n’en demeure pas moins que ‘’L’Enfant noir’’ ait 72 ans. Il est en en effet, le premier roman de Camara Laye, publié à Paris en 1953. Considérée comme « l’un des textes fondateurs de la littérature africaine contemporaine », cette œuvre largement autobiographique a reçu le prix Charles Veillon 1954 et inspiré en 1995 un film du même nom.
Le livre est précédé d’un court hommage, en vers, de l’auteur à sa mère, qui symbolise toutes les femmes africaines et joue un rôle important dans le roman. Camara Laye est un jeune garçon qui vit avec ses parents à Kouroussa, un village de Haute-Guinée. Son père, forgeron et orfèvre, lui enseigne les techniques de son art. Camara Laye rend parfois visite à sa grand-mère qui habite à Tindican, un village voisin où il a découvert la paysannerie. À Kouroussa, il va à l’école française. Il entre dans l’association des non-initiés, où il apprend la mort de son ami Check. Après avoir obtenu son certificat d’aptitude professionnelle à Conakry, Laye se voit offrir la possibilité de continuer ses études en France. Après hésitations, il finit par accepter cette offre avec son amie Marie.
L’enfant qui fait l’objet du titre de l’ouvrage est présenté pour la première fois sous le signe du serpent, l’animal totem de son père et du clan des forgerons. En dehors la description des lieux de son enfance (la concession, l’atelier du père, la case de la mère, celle du père et de la véranda) attenante où il aime jouer, l’auteur évoque la lente initiation de l’enfant aux significations du serpent, animal dangereux sauf à en adopter, comme son père, le bon spécimen. Le petit serpent noir que caresse son père est l’animal totem du clan des forgerons, dont l’enfant se demande s’il héritera, ou s’il lui préférera le chemin de l’école.

Cependant, une femme ayant besoin d’un nouveau bijou pour une fête religieuse arrive chez le père du narrateur, qui est orfèvre, avec un griot qui est censé inspirer l’artisan. Suivant les exigences rituelles, le père s’est purifié le matin même, prévenu par son génie de la tâche qu’il aurait à accomplir ce jour-là. L’enfant apprécie la transformation quasi magique de l’or en bijou et l’extraordinaire travail de son père, qui est aidé dans sa tâche par la présence du petit serpent noir. La femme à qui le bijou est destiné s’émerveille devant le spectacle elle aussi, mais la mère du narrateur ne partage pas l’admiration de celle-ci, croyant au contraire que le travail de l’or ne peut que nuire à la santé de son mari. La visite à la concession son oncle Lansana représente un moment privilégié pour l’enfant, qui fait le voyage de Kouroussa à Tindican accompagné du frère cadet de celui-ci. Ce voyage se caractérise par des dialogues enjoués qui aident l’enfant à supporter la difficulté de marcher si longtemps et finit par l’accueil de l’enfant par sa grand-mère. L’enfant passe son séjour à Tindican à bien manger, à jouer avec les autres enfants, et à aider ceux-ci à chasser les oiseaux et les autres bêtes des champs cultivés. Le narrateur se distingue des autres enfants par ses habits d’écolier. La journée se termine par un repas de famille où Lansana, enfin rentré des champs, se montre bienveillant vis-à-vis du petit.
Par ailleurs, la moisson du riz du mois de décembre est un effort communautaire puisque toutes les familles font la récolte générale le même jour. Les hommes sont responsables de la moisson proprement dite ; les femmes, de leur côté, sont responsables de nourrir les travailleurs et les enfants. La moisson est présentée comme un événement joyeux auquel la communauté participe avec allégresse, chantant et travaillant au rythme du tam-tam.
On apprend que, revenu à Kouroussa, le narrateur demeure chez sa mère, à la différence de ses frères et sœurs, qui dorment chez leur grand-mère paternelle. L’auteur fait le portrait de sa mère, une femme généreuse qui est chargée de la préparation de la nourriture, de l’éducation des enfants. Elle traite les apprentis de son mari comme ses propres enfants, les nourrissant et s’occupant de tous leurs besoins. Cette femme se distingue non seulement par sa naissance noble et son air d’autorité, mais surtout par ses pouvoirs spéciaux qui lui viennent de sa position de puînée de jumeaux et du totem familial, le crocodile. Préparés par le rite de Kondèn Diara, les garçons de douze, treize et quatorze ans subissent ensuite la cérémonie de la circoncision, épreuve caractérisée par la douleur aussi bien que par la peur.
Etant arrivé à Conakry, capitale de la Guinée, le narrateur réside avec son oncle et ses deux femmes. Il raconte les premiers jours d’école aussi bien que sa conversation avec son oncle sur les vertus des différentes écoles et carrières. Malgré ses hésitations, Camara Laye reste au Collège Georges Poiret. Lors de sa deuxième année de collège, l’auteur voit régulièrement son nom au tableau d’honneur. C’est pendant cette période qu’il rencontre Marie, qui passe ses dimanches chez l’oncle du narrateur. Selon lui, ils partagent une sorte d’amitié profonde, mais le lecteur sent bien que leurs émotions sont plus fortes que celles d’une simple amitié. Les tantes du narrateur taquinent les deux jeunes gens, parlant de leurs futures fiançailles. Les deux passent beaucoup de temps ensemble, à dansant, écouter de la musique, se promener à bicyclette, etc. Durant ses années, le collégien retourne régulièrement à Kouroussa pendant les vacances scolaires. A chaque retour il peut apprécier les efforts de sa mère pour rendre sa case plus « européenne » et correspondre à son éducation. Lors de ces visites, il reçoit ses amis et même de jeunes femmes séduisantes dont sa mère désapprouve la fréquentation.
Ayant reçu son certificat d’aptitude professionnelle, Camara Laye a l’occasion d’aller étudier en France avec l’aide d’une bourse scolaire. Sa mère refuse absolument de considérer cette idée ; son père y est plus ouvert et encourage son fils à partir pour son propre bien et pour qu’il puisse revenir aider son peuple. La mère finit par comprendre qu’elle ne peut pas empêcher le départ de son fils, mais sa tristesse est profonde. Un jour, donc, l’auteur se retrouve dans un avion qui part pour Dakar, où il laissera Marie qui va y poursuivre ses propres études. De Dakar il prendra un autre avion pour aller à Orly, d’Orly il ira à la gare Saint-Lazare en métro, et finalement à Argenteuil. En France, il étudie au Conservatoire national des Art et métiers, et au Collège technique de l’aéronautique et de construction automobile.
L’enfant noir. Camara Laye Editions Plon 1953.