Les attaques terroristes se multiplient au Mali, malgré la volonté du pouvoir en place de sécuriser le pays et la présence de la société militaire privée Africa Corps (ex-Wagner). Sur fond de rumeurs, les relations entre Bamako et le groupe de mercenaires serait loin d’être au beau fixe.
Le partenariat conclu à la fin de l’année 2021 entre le gouvernement malien et la SMP russe Wagner, rebaptisée Africa Corps en 2023 par le ministère russe de la Défense, prévoyait que cette dernière appuierait les Forces armées maliennes (FAMa) pour refouler les rebelles et djihadistes hors des frontières du pays. Si des succès ont été au rendez-vous, les revers opérationnels se multiplient et les échecs s’accumulent depuis quelques temps.
Du 25 au 27 juillet, les mercenaires de l’Africa Corps se sont opposés, avec les FAMa, aux combattants du Cadre stratégique pour la défense du peuple de l’Azawad (CSP-DPA) dans les environs de Tin Zaouatine, une localité située à la frontière entre le Mali et l’Algérie. Si aucun bilan officiel n’a été fourni, toutes les sources concordent pour établir un bilan très lourd : 84 mercenaires tués, 15 pris en otage et 47 militaires maliens décédés. Pour laver cet affront l’opération, « vengeance » a été lancée le 30 octobre 2024 pour reconquérir le bastion ennemi. Mais contre toute attente, le convoi a dû rebrousser chemin en évoquant « la récupération des corps des morts » selon la version officielle. En coulisses, les rumeurs évoquent des tensions entre Africa Corps et les FAMa.
Une présence qui coûte cher
La question de l’utilité de l’Africa Corps au Mali est d’autant plus légitime que la prestation des mercenaires coûte cher : 6 milliards de francs CFA (FCFA) par mois pour payer la solde de 1.000 à 1.400 mercenaires. Chacun d’entre eux est payé entre 4,6 millions FCFA et 5,9 millions CFCA par mois. Sur l’année, cela représente plus de 65,3 milliards FCFA, soit deux fois le budget du ministère de la Justice et près de la moitié de celui de la Santé, selon les chiffres du budget 2024, affirme le média DW News.
Même si les pertes de l’Africa Corps ne sont pas comparables avec celles subies par cette SMP en Syrie ou en Ukraine, la défaite de la bataille de Tin Zaouatine reste aussi celle de Bamako. Surtout, le revers de Tin Zaouatine « expose au grand jour les dissensions entre les deux alliés », soutient Mohamed Amara, enseignant à l’université des lettres et des sciences humaines de Bamako. Elle est devenu plus prégnante après la victoire de Kidal : les mercenaires russes avaient hissé le drapeau noir de Wagner au sommet du fort de la ville. Ils manifestaient ainsi contre la communication officielle des autorités qui avaient valorisé l’action des FAMa, oubliant au passage l’apport décisif des supplétifs russes. Après Tin Zaouatine, est-ce possible de s’attendre à une réorientation de la stratégie de Bamako vis-à-vis de l’Africa Corps ? Quitte à programmer le divorce ? L’avenir nous le dira.
Constantine Ndoko