Le lundi 8 septembre 2014 marque la date du retour officiel de la Banque africaine de développement (BAD) à son siège d’Abidjan, capitale économique de la Côte d’Ivoire. Des festivités étaient mêmes prévues pour la tenue de ce premier Conseil d’administration de retour. Petit retour dans le passé pour se pencher sur les différentes tentatives de retour de la BAD depuis son départ en 2003.
Le 4 février 2003, lors d’une réunion du Conseil d’administration de la Banque à Abidjan, les administrateurs décident du transfert en douceur d’un millier de fonctionnaires de la Banque d’Abidjan à Tunis (Tunisie) à une agence temporaire de relocalisation (ATR). La décision était motivée par l’insécurité qui régnait dans la ville du fait de la « guerre civile » débutée quelques mois plus tôt. Mais aussi d’agressions dont auraient été victimes certains fonctionnaires de la Banque. Et enfin de manifestations de « jeunes patriotes » (ndlr : groupe de jeunes se réclamant de l’ancien président Laurent Gbagbo), qui paralysaient régulièrement la capitale économique. La BAD partie, la Côte d’Ivoire va chercher des solutions à « sa crise » jusqu’à l’accord de paix de Ouagadougou signé en mars 2007 entre anciens rebelles et autorités gouvernementales. Cet accord va semer les germes d’une stabilité retrouvée pour le pays qui alors se lancera dans une opération de reconquête de l’institution panafricaine de développement pour qu’elle réintègre ses locaux d’Abidjan. Les archives indiquent que le 4 mai 2007, le Premier ministre ivoirien Guillaume Soro, à peine installé, effectuera une visite à Tunis à l’agence temporaire pour rencontrer les administrateurs de la Banque. L’émissaire du gouvernement ivoirien y était allé défendre auprès des administrateurs l’accord de paix de Ouagadougou qui avait fait de lui, chef de l’ex rébellion, le Premier ministre de la Côte d’Ivoire.
Un lobbying plus fort
Les 27 et 28 mai 2010 même, les autorités ivoiriennes obtenaient l’organisation des 45èmes Assemblées annuelles de la Banque à Abidjan, l’un des événements les plus importants de la Banque. A cette occasion, le ministre du Plan d’alors, feu Paul Antoine Bohoun Bouabré ne cachait pas sa joie de voir revenir la banque à son siège statutaire. « Que les Ivoiriens soient tranquilles, parce que leur banque va revenir. Il y a des obstacles, mais nous allons les franchir. La BAD n’a pas de raison d’être dehors, mais il est plus facile de partir que de revenir. Le gouvernement ivoirien se bat pour que les gouverneurs de la Banque africaine de développement prennent la bonne décision pour le retour de la Banque à Abidjan », avait-il affirmé dans des propos repris par la presse. Plus fort. Le chef de l’Etat de l’époque Laurent Gbagbo, lors d’un entretien avec la radio RFI soulignait : « Ce qui est essentiel, c’est que beaucoup de personnes n’avaient pas envie de venir à Abidjan, n’avaient pas envie de venir en Côte d’Ivoire, et nous sommes là pourtant. Ils sont tous venus, nous avons eu un record de participation. On a préparé ces assemblées-là en tablant sur au maximum 1 500 personnes, mais là, on est à 2 200. Il y a des raisons purement bancaires à cela, mais il y en a aussi extra bancaires. Il y en a qui voulaient voir l’état d’Abidjan, l’état de la Côte d’Ivoire, voir si l’insécurité qu’on décrit est toujours de mise, voir si la situation se normalise. Et nous sommes heureux. Nous, politiques ivoiriens, nous sommes prêts. Nous l’avons montré. Ce qui reste, c’est le problème des techniciens. Quand j’en ai discuté avec Kaberuka et d’autres personnes, ils ont dit qu’ils vont construire un autre siège de la BAD. Mais cela dépend d’eux ». Le chef de l’Etat d’alors s’agaçait même de la question récurrente de la sécurité à Abidjan. « Je disais à quelqu’un il n’y a pas longtemps, qu’à Paris, les banlieues ont brûlé pendant à peu près un mois, un mois et demi. Et pendant ce temps, on continuait les réunions à l’Unesco. Vous avez vu les scènes à Athènes à la télévision, mais les gens continuaient d’y aller ne serait-ce que pour voir comment il faut leur apporter de l’aide. Madame, vous savez qu’on a eu 17 ans de guerre civile en Ethiopie, on n’a pas délocalisé, pour autant le siège de l’OUA. La guerre civile a fait rage à Brazzaville, mais on n’a pas délocalisé le siège de l’OMS ».
Les raisons techniques
Selon des indiscrétions, si avec l’organisation plutôt réussie des Assemblées annuelles en 2010, Abidjan avait fait bonne impression, il restait l’organisation des élections présidentielles pour décider du retour définitif ou non. Après ces élections, et surtout après la crise post électorale les nouvelles autorités avec à leur tête le Président Alassane Ouattara, sont réparties de l’avant dans une offensive qui a payé aujourd’hui. Réuni à Tokyo (Japon) en 2013, le comité consultatif des gouverneurs de la Banque africaine de développement (BAD) avait préparé une feuille de route qui a été soumise au Conseil des gouverneurs de la BAD lors des Assemblées annuelles de Marrakech (Maroc), en mai 2013. Car c’est à Arusha (Tanzanie) une année plus tôt qu’il avait été demandé d’examiner la situation sécuritaire en Côte d’Ivoire et préparer, « une feuille de route pour un retour ordonné et progressif, qui tienne compte de la stabilité de l’institution, du bien-être des membres du personnel, des implications financières mais aussi des risques et des mesures à prendre pour atténuer ces risques ». Les débats à Tokyo avaient laissé apparaître divers points de vue. Aussi bien au niveau sécuritaire en Côte d’Ivoire, que la nécessité de préserver les intérêts de la Banque et de mettre en cohérence également sa stratégie de décentralisation, selon plusieurs sources. Certains affirmaient qu’en appliquant les mêmes critères qui avaient motivé la délocalisation à Tunis, le niveau de risque en Côte d’Ivoire baisserait de 3 à 1, ce qui autoriserait un retour sans grands dangers. D’autres, notamment parmi les représentants des pays du Nord et les grands actionnaires s’en tenaient à l’évaluation de la situation par l’ONU qui a estimé nécessaire de reconduire la mission de ses troupes envoyées sur le terrain, la situation n’étant pas encore stabilisée. La prudence recommandait pour le retour à Abidjan de mettre en avant la nécessité de préserver la BAD contre tout risque, y compris celui de voir un grand nombre de ses cadres renoncer à y aller. Plus de 70% du personnel permanent avait en effet été recruté après le transfert des activités de la Banque à Tunis, en mars 2003, la proximité de l’Europe les ayant encouragés à y postuler. Il était alors à craindre que le départ vers Abidjan contraindrait nombre parmi eux à suivre, ce qui constituera une perte d’expertises et de compétences, rapportait des sources introduites. Aujourd’hui toutes ces craintes et doutes n’existent plus car la BAD marque ce lundi 8 septembre 2014 son retour officiel et solennel dans la capitale économique ivoirienne Abidjan après l’avoir quittée onze ans durant.
La Banque africaine de développement (BAD) est une Institution multilatérale de financement ayant pour objectif de contribuer au développement économique durable et au progrès social des pays africains. L’accord portant création de la Banque africaine de développement a été signé par les Etats membres, le 4 août 1963, à Khartoum, au Soudan. Il est entré en vigueur, le 10 septembre 1964. Le Groupe de la BAD est composé de trois entités : la Banque africaine de développement, le Fonds africain de développement (FAD) et le Fonds spécial du Nigeria (FSN). Première institution de financement du développement en Afrique, la BAD s’est donnée comme priorités : la lutte contre la pauvreté et l’amélioration des conditions de vie des populations africaines. Le siège officiel de la BAD se trouve à Abidjan, en Côte d’Ivoire.