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    Chronique du lundi – Dans une Afrique qui évolue et se transforme, il est temps, pour l’occident, de s’intéresser aux jeunes generations et aux populations

    Chronique du lundi – Dans une Afrique qui évolue et se transforme, il est temps, pour l’occident, de s’intéresser aux jeunes generations et aux populations
    Publié le
    Par
    Christian Gambotti
    Lecture 7 minutes
    Salon des banques de l'UEMOA et des PME

    Avant un nouveau déplacement en Afrique, Emmanuel Macron, président de la République française, déclarait, le 27 février 2023, à Paris, dans une Conférence de presse sur le partenariat avec l’Afrique : « Je suis convaincu que le moment est venu de faire un choix et de savoir quel rapport nous voulons entretenir avec les pays africains. »

    Lors de cette conférence de presse, Emmanuel Macron allait formuler ce qui est peut-être la meilleure définition d’un nouveau partenariat entre l’Afrique et l’Occident en parlant d’une « politique qui a vocation à ne pas être simplement de gouvernement à gouvernement, mais qui doit pleinement assumer de traiter avec la société civile des différents pays d’Afrique. » 

    La prise de conscience est tardive, mais il s’agit de la seule trajectoire qui permettra d’éviter que se multiplient les coups d’Etats militaires et la passation de pouvoir forcée, sous la pression des opinions publiques et de la rue, comme c’est le cas au Mali, en Guinée Conakry, au Burkina Faso, au Niger ou en Centrafrique. Il ne faut pas voir dans toutes les dernières formes de passation de pouvoir forcée, dans la zone sahélienne, la « main invisible » du Kremlin ou de Wagner. 

    Poutine et Prigogine ont su exploiter les opportunités offertes par la montée, depuis des années dans une partie des populations, notamment chez les jeunes générations, d’un sentiment anti-occidental. L’Occident s’est-il démonétisé en apportant son soutien à des gouvernements civils faillis, incapables d’éradiquer la corruption, lutter contre la pauvreté et l’insécurité ? Comment expliquer que les putschistes, qui installent des régimes qui prennent peu à peu une forme dictatoriale, puissent se parer de l’habit vertueux de la lutte anticoloniale ?

    Ce rejet de l’Occident en général et de la France en particulier, dans une partie des opinions publiques, n’est pas né ces derniers mois. Il faut y voir le résultat des frustrations accumulées depuis des années chez des populations qui ne peuvent ni trouver un emploi, ni se soigner, ni se loger, ni se nourrir, ni accéder aux services bases. Cette précarité, qui projette hors du monde des pans entiers de la population africaine, est le terreau fertile qui nourrit les velléités expansionnistes, de type néocolonial, de Moscou. 

    Dire qu’il n’y a plus de politique africaine de l’Occident, ou qu’il n’y a plus de politique africaine de la France, est un élément de langage qui vise à masquer tous les « non-dits » qui freinent le développement de l’Afrique, ainsi que la mise en œuvre d’une croissance inclusive qui permettrait aux populations de mieux vivre. Je ne prendrai qu’un exemple dans cette Chronique, l’enfermement du continent dans la spirale de la dette. 

    Une urgence : sortir l’Afrique de la spirale de l’endettement

    Les pays riches Dans un article publié le 7 août 2023, sur le site du quotidien généraliste algérien en langue française, El Watan, Nadjia Bouayricha aborde la question-clef de l’endettement qui enferme l’Afrique dans la spirale de la pauvreté qui provoque désormais la révolte des populations et nourrit le sentiment anti-français dans l’Afrique francophone. Là où les géopoliticiens de salon voient uniquement des putschs militaires, il faut en réalité voir dans ces putschs l’aboutissement de l’exaspération des populations. 

    Dans son article, Nadjia Bouayricha écrit : « L’Afrique a du mal à sortir du cercle de l’endettement. Avec une dette publique actuelle estimée à 546 milliards de dollars, le continent africain a besoin de pas moins de 432 milliards de dollars de financements supplémentaires afin de faire face aux impacts socioéconomiques de la pandémie de Covid-19 et soutenir la reprise en 2022 et 2023. » 

    Elle ajoute, selon les analyses de la BAD (Banque Africaine de Développement) : « La dette souveraine de l’Afrique devrait donc demeurer élevée à environ 65 % en 2023 et 2024. Notons que les 546 mds de dettes représentent un quart du PIB du continent et dépassent le montant des recettes annuelles globales estimées à 501 mds de dollars. La dette publique brute aurait doublé en pourcentage du PIB, et ce, en l’espace de dix ans (entre 2010 et 2020) en passant de 36 % à 70 %. » 

    Suffit-il de proposer une meilleure capacité de gestion de la dette et appeler à la prudence en matière de finances publiques, tout en intensifiant les efforts de mobilisation de recettes supplémentaires ? Il s’agit de conseils adressés aux Etats. Il n’est jamais questions des populations, notamment des nouvelles générations. Comment leur permettre d’accéder à de meilleures conditions de vie, si la seule charge de la dette ne permet pas aux Etats, confrontés à l’insuffisance des recettes fiscales, de conduire des politiques dans l’intérêt des populations. 

    Seule solution : l’endettement avec un glissement sans fin dans la spirale de l’endettement. Seule réponse : la restructuration sans fin de la dette publique africaine, sachant que l’annulation de la dette n’est pas une solution. Le « Nouveau Pacte mondial financier » proposé par Macron récemment de résout rien, car il se contente d’ajouter de la dette à la dette. Les appuis financiers que le FMI vient d’accorder à certains pays africains, dans le cadre des allocations de droits de tirages spéciaux (DTS), ajoutent aussi de la dette à la dette. 

    On ne peut que se réjouir de la Déclaration, le 22 février 2022, de la Directrice générale du FMI, Kristalina Georgieva : « Pour la toute première fois, le FMI offrira des échéances et des délais de grâce plus longs en appui aux efforts de transformation structurelle déployés par les pays émergents et les pays en développement. » Comment faut-il interpréter « le FMI offrira des échéances et des délais de grâce plus longs » ? Ces délais de grâce sont soumis à une condition : la poursuite des efforts de transformation structurelle de l’économie africaine. Cette transformation structurelle est-elle ultra libérale ? Dans ce cas, est-ce tenable ? Il n’est donc pas étonnant que des pays africains regardent du côté des BRICS, qui proposent une offre nouvelle.

    L’offre alternative venue des BRICS 

    Pretoria a invité 67 pays du « Sud global », dont les pays africains, à l’ouverture et à certains événements du Sommet des BRICS, qui se tiendra du 22 au 24 août à Johannesburg. Ce Sommet des BRUCS offrira une tribune à ceux qui proposent un remodelage du monde. Poutine, qui est sous la menace d’une interpellation lancée par la Cour pénale internationale, interviendra lors du Sommet par visioconférence et il sera représenté par son ministre des Affaires étrangères, Serguei Lavrov, qui, lui, participera aux travaux du Sommet. 

    Emmanuel Macron, le président français, avait exprimé son souhait d’être parmi les convives, mais, à ce jour, il n’a pas reçu d’invitation. Le Secrétaire général des Nations unies a été invité. L’ensemble des pays qui pourraient participer à ce Sommet représentent un poids économique et géopolitique qui ne cesse de grandir : Algérie, Egypte, Ethiopie, Bangladesh, Arabie Saoudite, Bolivie, Venezuela, des pays qui ont officiellement demandé de rejoindre les rangs des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud). D’autres pays ont manifesté un intérêt : Turquie, Indonésie, Nigeria, Mexique, Bahreïn. L’intérêt est grand aussi pour intégrer la Banque de Développement des BRICS (DNB), actuellement essentiellement financée par la Chine.

    L’Occident voit se constituer un front anti-occidental à travers le projet des BRICS. Croire qu’il s’agit uniquement d’une guerre économique serait une erreur. Les BRICS sont l’expression concrète d’un monde devenu multipolaire, multiculturel et multilinguistique, dans lequel les populations affirment leur présence. L’Occident ne voit que les Etats qu’il a créés. Il est temps que l’Occident s’adresse à des populations pour lesquelles l’Etat reste une abstraction.

    Christian GAMBOTTI – Agrégé de l’Université – Président du think tank Afrique & Partage – Président du CERAD (Centre d’Etudes et de Recherches sur l’Afrique de Demain) – Directeur général de l’Université de l’Atlantique (Abidjan) – Chroniqueur, essayiste, politologue. Contact :  cg@afriquepartage.org

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