Sur les 5 pays qui composent le G5 Sahel, il existe 3 grands pôles de stabilité : la Mauritanie, le Niger et le Tchad. Ces trois pays, qui restent méconnus, détiennent la clé de la sécurité et du développement dans la bande sahélienne. Face un ennemi commun, le terrorisme islamique, ils font preuve d’une très grande solidarité. Ils ont à gérer en même temps une situation géoéconomique, géopolitique et géostratégique d’une extraordinaire complexité et des urgences nationales. Ils ont à répondre aux besoins de sécurité et de développement des populations sahéliennes et de leurs propres populations. Leur rôle est essentiel dans la consolidation du bouclier sahélien, auquel Ils consacrent d’importants moyens financiers et humains. Ce bouclier protège les pays côtiers de l’Afrique de l’Ouest, mais aussi l’Europe.
Après l’annonce de la reconfiguration de Barkhane au Mali, Emmanuel Macron, en recevant à l’Elysée le président du Tchad, Mahamat Idriss Déby Itno, a voulu montrer le rôle-clef que joue le Tchad dans le G5 Sahel. Ce rôle, qui s’est amplifié dans le cadre de la présidence tchadienne du G5 Sahel, est largement documenté et médiatisé dans le domaine de la sécurité, il reste méconnu dans deux domaines que le Tchad considère comme prioritaires, le développement et l’accueil des réfugiés. Sécurité, développement, accueil des réfugiés : le Tchad est présent sur tous les fronts. Son rôle, comme celui du Niger et de la Mauritanie, deux autres piliers de la sécurité au Sahel, est appelé à s’amplifier. Lorsque le président sénégalais, président de l’Union Africaine, Macky Sall, dit à son homologue allemand, Frank-Walter Steinmeier, en visite au Sénégal le 20 février 2022, « Le Sahel a besoin de votre présence », il dit, en substance, que l’Union Européenne et l’ensemble de leurs alliés techniques et financiers doivent amplifier l’aide qu’ils apportent aux pays du G5 Sahel. C’est une évidence, tant les 5 pays donnent beaucoup pour la solidarité sahélienne. Or, ils reçoivent peu pour leur propre développement en retour, alors qu’ils font partie des pays les plus pauvres de la planète.
L’engagement du Tchad en matière de sécurité
Après le retrait des militaires français de Barkhane et des partenaires européens membres du groupement de forces spéciales Takuba du Mali, le Tchad, face à la menace des groupes djihadistes, a choisi de renforcer son contingent dans la Minusma, la force de l’ONU encore présente dans le pays. Le général d’armées, Président de la République, Mahamat Déby a déclaré : « Le Mali est l’épicentre du terrorisme au Sahel. Avec l’accord des autorités maliennes et de la Minusma, nous allons renforcer nos effectifs », précisant que ces renforts, – on parle d’un millier d’hommes -, seront placés « sous l’autorité de la Minusma ». Tout en faisant preuve d’une très grande solidarité avec le Mali dans le combat contre les djihadistes, Mahamat Déby montre qu’il respecte la liberté de décision des autorités maliennes et la souveraineté du pays. Sur les 15 000 « casques bleus » de la Minusma présents au Mali, on compte déjà 1200 militaires tchadiens. Le Mali avait déjà donné son accord à l’envoi par le Tchad de 1000 soldats supplémentaires au sein de la Minusma. Pour Mahamad Déby, « ce n’est pas le moment de quitter le Mali, tant que le terrorisme persiste ». Il ajoute : « nous allons rester pour aider nos frères maliens (…). Le retrait de la force européenne entraînera la détérioration de la situation sécuritaire au Mali. Nous devons rester au Mali pour aider nos frères maliens ». La solidarité avec la grande famille sahélienne est l’une des constantes de la politique tchadienne. Déjà, en février 2021, en marge d’un sommet des cinq pays du Sahel qui s’était tenu avec la France à N’Djamena, feu le Maréchal Idriss Déby avait annoncé l’envoi de 1 200 soldats dans la zone des « trois frontières » entre le Mali, le Niger et le Burkina Faso, afin de lutter contre les terroristes. L’armée tchadienne, dont chacun connaît la valeur, a toujours été l’un des principaux piliers de la lutte anti-djihadiste dans la bande sahélienne.
L’engagement du Tchad en matière de développement
En prenant la présidence du G5 Sahel, le 15 février 2021 pour un an, dans le cadre d’une présidence tournante (Article 7 d’une Convention signée le 10 décembre 2014), le Tchad a immédiatement fixé comme priorité absolue, dans le cadre du PIP (Programme d’Investissements Prioritaires) 2022-2024, l’accélération des processus de développement pour lutter contre la précarité et la pauvreté. S’il ne peut y avoir de développement sans sécurité, il ne peut y avoir de sécurité et de paix durable sans développement et justice sociale.
L’engagement du Tchad pour l’accueil des réfugiés
Le Tchad, un pays en développement à faible revenu, confronté à ses propres urgences sociales et humaines, conduit, depuis plus d’une décennie, une politique exemplaire en matière d’accueil des réfugiés. Il occupe, en Afrique, par rapport à sa population, le premier rang des pays d’accueil des réfugiés et le quatrième dans le monde après le Liban, la Syrie et la Jordanie. On compte une trentaine de réfugiés pour 1000 Tchadiens, ce qui représente 4 % de la population tchadienne. Lorsque j’étais au Tchad, en décembre 2021, 30 000 Camerounais ont trouvé refuge dans la capitale tchadienne et sa périphérie, fuyant les affrontements de Kousséri au Nord Cameroun après un conflit intercommunautaire. L’élan humanitaire, la fibre humaniste et la solidarité des autorités tchadiennes et des populations de N’Djamena sont une réalité. Le HCR (Haut Commissariat des Nations unies pour les Réfugiés) appelle la communauté internationale à une plus grande solidarité en faveur du Tchad pour accompagner cette politique exemplaire que le pays conduit en faveur des réfugiés
Fidèle à ses engagements, le Tchad donne beaucoup en matière de solidarité. Reçoit-il suffisamment en retour pour son propre développement ? Je ne le crois pas. En étant le seul chef d’Etat européen présent à N’Djamena pour les obsèques du président-maréchal du Tchad Idriss Déby Itno, le vendredi 23 avril 2021, en recevant à l’Elysée, par deux fois, le 5 juillet 2021 et le 12 novembre 2021, le président-général des Armées, Mahamat Idriss Déby, Emmanuel, Macron tient à montrer qu’il tient le Tchad pour un fidèle allié de la France. A N’Djamena comme à Paris, le président français a pris des engagements fermes envers ce pays d’Afrique centrale. Avec l’évolution de la situation au Sahel, l’heure des actes est arrivée.
Christian Gambotti, Agrégé de l’Université, Président du think tank Afrique & Partage, Directeur général de l’Université de l’Atlantique, politologue, essayiste.