Deux jours après le coup d’Etat perpétré au Burkina Faso par le Régiment de la sécurité présidentielle (RSP), Afrikipresse a interrogé Mohamed Camara, Juriste et Professeur de Droit dans des Universités à Conakry. Il décrypte la situation et fournit une approche de solutions pour une sortie de crise.
Afrikipresse : Quelle analyse faites-vous de la situation au Burkina Faso 48 heures après le coup d’Etat perpétré par régiment de la sécurité présidentielle ?
C’est déplorable parce que c’est un véritable recul. C’est un coup d’Etat qui n’avait pas lieu d’être dans la mesure où le pays s’acheminait vers la fin de la transition. Il est vrai que les gestionnaires de la transition se sont donnés beaucoup plus de tâches. Est-ce que cela était nécessaire ? Comme si c’était un gouvernement régulier. Donc, ils devraient simplement organiser les élections et ne pas rentrer dans une sorte de tripatouillage des textes. Parce que, si sous Blaise Compaoré il y a eu une tentative de tripatouillage des textes pour favoriser une présidence à vie, mais sous la transition, il y a eu des textes des lois qui excluaient. Or, un des caractères essentiels de la loi, c’est son caractère impersonnel. Dès qu’on ne permet pas à la population de faire un vote sanction au niveau de toutes ces personnes qui ont soutenu la modification de l’article 37, il va de soi que ça génère des frustrations. Mais autant, tout ceci était cherché comme un alibi de la part de ce RSP (régiment de la sécurité présidentielle, ndlr) pour emmerder la transition parce qu’il était beaucoup plus habité par un instinct de tribu que par les réformes qui étaient en cours en termes de demande de dissolution. Donc, il craignait une sorte de sevrage de sitôt de leur privilège. C’est pourquoi ils se sont mis à la danse.
Mais la communauté internationale elle-même y compris la société civile burkinabè n’ont pas été très vigilantes. Il faut éviter d’être juge et partie à la fois. C’est pourquoi d’ailleurs, étant à la base de cette contestation qui a favorisé la chute de Blaise Compaoré, et eux-mêmes en gérant, automatiquement ils ne pouvaient plus être à équidistance entre les politiques. C’est d’ailleurs ça qui a fait des positions des parties pris.
Peut-on dire avec la situation que le pays traversait depuis la chute de Compaoré, que ce coup d’Etat était prévisible ?
Bien sûr ! Entre eux, vu que le RSP au niveau de Ouagadougou n’est pas aussi nombreux que toute l’armée du Burkina Faso, je pense qu’il va y avoir une sorte de dissension interne, ça ne va pas durer. Je pense, comme c’est un coup d’Etat très bête, à la différence des autres putschs perpétrés en Afrique où il y a une sorte d’adhésion populaire avec un enthousiasme prématuré, ce n’est pas le cas du Faso. Là, il y a une sorte de ressentiment généralisé au niveau de la population burkinabè. Comment la junte peut résister à la pression croisée interne et externe ? C’est là, la question.
Quel sera d’après vous l’impact de ce putsch sur le processus électoral en cours ?
Ça peut entamer le processus. Le temps que la question du couvre-feu cesse et que ça se normalise, la diplomatie va rentrer dans la danse avec le balisage d’un mécanisme de concertation pour aboutir à un compromis dynamique. Tout cela va se passer sur un processus qui était déjà fixé au 11 octobre, et on est à quelques semaines seulement de cette date.
Des approches de solutions ?
Le peuple burkinabè doit faire preuve de résistance . Les acteurs politiques doivent cesser le calcul de leur agenda politique, et la communauté internationale doit être très ferme à l’effet d’éviter que ces genres de pratique ne se perpétuent sur le continent parce qu’à la limite, ils vont être dans un dilemme cornélien. Faut-il envoyer des casques bleus ou des forces pour protéger un certain nombre d’autorité de transition ? Faut-il faire des yeux doux au niveau des futurs putschistes ou bien brandir des sanctions et les appliquer ? Parce qu’à la limite, l’article 30 de la charte de l’Union Africaine plus l’article 96 des Actes ACP-Union Européenne condamnent ces genres de pratique. Sans oublier la Cedeao. Attendons de voir s’ils peuvent résister à ces pressions là. Mais je ne pense pas parce qu’ils n’ont pas bonne presse.
Entretien téléphonique réalisé par Aliou BM Diallo, à Conakry