J’ai décidé de faire la critique de la ” Critique de la tragédie Kamerunaise”, de Franklin Nathan Nyamsi. Ce philosophe, intellectuel et auteur franco-camerounais, parle dans son ouvrage, du désespoir de la jeunesse camerounaise. Un livre qui se veut essai, mais qui pourrait être classé parmi les pamphlets.
Le Cameroun, ou “Kamerun”, comme choisit délibérément de l’orthographier l’auteur, en référence au protectorat Allemand qui fut l’embryon de l’Etat actuel, est ce pays d’Afrique centrale comptant plus de 250 groupes ethniques et culturels. Un pays dirigé par Paul Biya, d’une main de fer, depuis plus de 35 ans.
C’est un nouveau Cameroun qu’appelle de ses vœux Franklin Nyamsi, un Kamerun dont le socle repose sur les valeurs d’humanisme universel. Et pour cause! Le Cameroun actuel, selon le constat de l’auteur, est un vaste champ de ruines. Avec émotionnalité, et intellectualité, comme à son habitude, Franklin Nyamsi dénonce le tribalisme, les crimes politiques, les malversations financières, ainsi que la démocratie de façade, à travers une opposition alimentaire qui sévit dans son pays d’origine, se joignant ainsi à de nombreux intellectuels acerbes, et ce depuis plusieurs décennies, envers le régime actuel. Parmi ceux-ci, citons l’écrivain Mongo Beti. Ce dernier ne dénonçait-il pas avant Franklin Nyamsi, dans son ouvrage “La France contre l’Afrique. Retour au Cameroun”, la vie quotidienne aride de femmes et d’enfants dans la brousse, puis le chômage et la misère sévissant dans les grandes villes camerounaises, et enfin la “corruption des élites trop longtemps tenues à bout de bras par l’Etat français” , pour paraphraser le résumé du livre fait dans le quotidien Libération, à la sortie de ce dernier? L’on pourrait conclure après la lecture “La France contre l’Afrique. Retour au Cameroun”, que la ville cruelle dont parlait Mongo Beti, à travers l’un de ses ouvrages portant le même titre, lu dans toute l’Afrique, n’est qu’une description de Yaoundé, Douala, ou d’on-ne-sait quelle ville camerounaise.
Revenons à Franklin Nyamsi. L’intellectuel met en avant dans son ouvrage, les valeurs dont il rêve d’habiller son pays, à savoir les valeurs de justice, de mérite et de solidarité nationale. “Le vrai chemin de la révolution camerounaise du XXI ème siècle, dit-il à la page 203 de sa Critique de la tragédie camerounaise , est une lutte civique organisée et populaire pour la nouvelle république”
Dur envers le pouvoir de Paul Biya, qu’il accuse d’être à l’origine de cette tragédie, autant qu’il est bienveillant envers son pays natal, Franklin Nyamsi met à nu de façon détaillée, documentée, les manœuvres et les dérives du régime du Président camerounais actuel, le fossoyeur de son pays, selon le ressenti de l’essayiste. L’oeuvre, sous la plume au vitriol d’un “enfant” amoureux de son pays et contraint à l’exil par un régime dictatorial, révèle la fange de ses compatriotes.
Parcourons plutôt la page 142 avec l’auteur: ” Et comment comprendre que les Camerounais meurent en moyenne à 44 ans, en 2009? (…) Que les retraités n’aient toujours rien perçu de leurs indemnités? Bon philosophe, Biya?”
Les solutions que propose Franklin Nathan Nyamsi? Nous en avons fait une esquisse plus haut. A la corruption et aux malversations financières, il propose la justice. A l’affairisme, il propose le mérite. Au tribalisme et à l'”ethnicisme revanchard”, selon ses propres termes, il propose la solidarité nationale. A la violence et à la guerre civile, il préfère la lutte civique organisée et populaire.
L’homme passionné et partisan du “travail humanisant” qu’est Franklin Nathan Nyamsi , expose ainsi dans son livre, sa vision pour son Kamerun natal, inscrite au plus profond de son combat pour la justice et la liberté. Un combat qui marque l’ADN de l’auteur au fer rouge, rouge et douloureux comme l’exil et le constat d’un pays à l’échec. Partant de cette critique de la tragédie du pays natal de Franklin Nyamsi, nous pouvons ajouter, en tant qu’analyste, l’interdiction absolue que doivent s’imposer les opposants camerounais et africains en général, autant que les dirigeants de nos pays, d’instrumentaliser la misère de leurs peuples.
Cette démarche d’engagement sincère, Franklin Nyamsi l’a adoptée, menant un combat acharné contre un régime qu’il juge despotique, au prix de sa liberté d’aller et venir sur la terre de ses aïeuls, où demeurent ses parents, qui lui sont pourtant si chers. Au prix de la privation de la jouissance de respirer l’air de cette terre qui l’a vu naître et grandir.
Et c’est l’intensité, la sincérité de cet engagement qui touche l’analyste et l’écrivain que nous sommes.
La démarche de dénonciation de la situation actuelle au Cameroun, de nombreux intellectuels camerounais, africains, l’ont adoptée, payant leur engagement au prix le plus fort pour les penseurs camerounais. En témoigne l’épisode récent dont le monde entier a été spectateur, et prenant pour victime l’écrivain Patrice Nganang. Radical, Franklin Nyamsi? Non, profondément inscrit dans un engagement. Marqué par des rêves légitimes et réalisables pour son pays.
Par la Docteure Aïcha Yatabary, Médecin, Ecrivain, Abidjan, Côte d’Ivoire.