Après plusieurs semaines de tensions avec les militaires, le gouvernement appelle à la réconciliation et annonce des mesures concrètes pour améliorer les conditions de travail des armées. La croissance du PIB ivoirien offre des marges de manœuvres budgétaires suffisantes à l’Etat pour répondre à cette grogne sociale.
Avec la lutte contre pour le pouvoir d’achat et la santé, la sécurité est un des dossiers prioritaires du gouvernement ivoirien pour cette rentrée. L’attaque de la brigade de gendarmerie de Songon, dans la nuit du samedi 2 au dimanche 3 septembre, a rappelé la vague d’incidents similaires visant des postes de police.
Les localités de Bingerville, Cocody, Azaguié, Fresco, N’Dotré et Adzopé ont en effet été touchées depuis le début de l’année. Selon le Conseil national de sécurité (CNS), présidé par Alassane Ouattara jeudi dernier, ces attaques « s’inscrivent dans un projet de déstabilisation impliquant notamment des responsables politiques aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays ».
Dans un communiqué datant du 7 septembre, le CNS a invité les forces de défense et de maintien de l’ordre à agir « avec la plus grande fermeté dans la traque des auteurs et des instigateurs de ces assauts afin de les traduire devant la justice ». Le CNS signale également que depuis le 6 août des évasions de prisonniers sont survenues dans les maisons d’arrêt et de correction de Gagnoa, Aboisso et Katiola, ainsi qu’au Palais de Justice d’Abidjan-Plateau.
Le CNS s’est réuni en urgence après l’évasion, dimanche 3 septembre, de 98 personnes de la prison de Katiola. Selon une source judiciaire, « ce sont des lieutenants du célèbre Yakou le Chinois (un ex-prisonnier qui a été tué) qui sont à la base de cette évasion massive », rapporte Jeune Afrique. La situation a cependant été immédiatement prise en compte par l’Administration pénitentiaire et les forces de Police et Gendarmerie, dont les recherches ont permis d’appréhender 36 détenus dès le début de leur cavale.
Réactivité et efficacité
Pour les autorités ivoiriennes, il s’agit de rassurer la population en faisant preuve de réactivité et d’efficacité. Quatre gardiens de prison de Gagnoa et un civil ont été arrêtés le 6 août après l’évasion de cinq détenus. Quelques jours plus tard, le 8 août, sept agents d’encadrement des établissements pénitentiaires ont été relevés de leurs fonctions et traduits devant la justice. La mesure faisait suite à l’évasion d’une vingtaine de personnes du tribunal d’Abidjan.
Conscient des craintes que ces événements font surgir parmi les Ivoiriens, Alassane Ouattara a tenu à les rassurer dans un discours retransmis le 6 août à la télévision nationale. « Je souhaite vous parler en toute franchise de sujets qui demandent une attention particulière de chacun d’entre nous, dans l’intérêt de notre nation. Tout d’abord la sécurité », a-t-il déclaré à l’occasion de la célébration de l’indépendance du pays.
Le chef de l’État a ensuite évoqué les mutineries menées depuis janvier par des ex-rebelles intégrés à l’armée. « Je sais que ces moments ont été traumatisants pour beaucoup d’entre vous », a-t-il reconnu. La présidence ivoirienne semble utiliser à la fois « la carotte et le bâton » : à l’écoute des rebelles près à déposer les armes, les autorités comptent bien mettre hors d’état de nuire ceux qui refusent de se rendre à la justice.
« Reprendre en main notre armée »
Les incidents récents ne peuvent se comprendre que s’ils sont replacés dans un contexte plus large impliquant notamment de nombreux membres de l’armée. Le mercredi 6 septembre, à l’issue d’une réunion extraordinaire du CNS, le ministre de l’Intérieur et de la Sécurité, Sidiki Diakité, accusait des proches de l’ancien président Laurent Gbagbo d’avoir mené les sept attaques contre les postes de gendarmerie et de police perpétrés dans le pays en juillet.
Pour le gouvernement, cela prouve que l’investissement dans l’amélioration des conditions de vie et de travail des militaires est indispensable pour consolider l’efficacité et la loyauté des troupes. « L’important travail de reprise en main de notre armée est plus que jamais nécessaire. À cet égard, nous accorderons une place de choix à la discipline et à la formation de nos soldats pour leur inculquer l’amour de la patrie et un sens civique élevé », a affirmé Alassane Ouattara le 6 août.
Le président a insisté sur l’importance de mettre sur pied « une armée véritablement républicaine, réconciliée dans ses différentes composantes, mais aussi avec les populations ».
Une transformation « culturelle » au sein des forces armées, conjuguée à des mesures concrètes pour améliorer leurs conditions de vie et de travail devraient se traduire par une plus grande efficacité face à des tentatives de déstabilisation comme celles constatées récemment. C’est la stratégie d’Alassane Ouattara pour rassurer les citoyens et protéger la continuité de bons résultats économiques affichés par la Côte d’Ivoire ces dernières années.
Idriss Aya
