AFRIKIPRESSE – Guinée. Baidy Aribot, opposant et secrétaire exécutif de la troisième force politique de Guinée, le parti de l’union des forces républicaines (UFR), dirigé par Sidya Touré, parle de la stratégie que l’opposition guinéenne entend utiliser pour battre Alpha Condé à la présidentielle de cette année. Interview !
AFRIKIPRESSE : Qu’est-ce qui vous oppose aujourd’hui au régime actuel dirigé par Alpha Condé?
Baidy ARIBOT : En tant qu’opposant, tout m’oppose au régime actuel. Non seulement le régime ne répond pas aux attentes des populations, mais ce qui est grave, depuis l’avènement d’Alpha Condé à la tête du pays il y a cinq ans, dans tout ce qu’il a promis à la population, rien n’a été fait. De surcroit, ce qui était de mieux dans l’ancien temps est en train de décliner fortement. C’est pourquoi nous parlons d’un régime de déclin national. De par son incurie et de par son incompétence, le régime a mis la Guinée dans une situation fragile, sur le plan politique, économique, sociale et surtout sur le plan sanitaire, expliquée par la propagation du virus Ebola.
Qu’est-ce qui explique concrètement la fragilité politique que vous évoquez?
Fragilité politique, parce que ce sont les élections qui fondent les démocraties dans les pays africains. Aujourd’hui, nous sommes à 5 ans de la gestion de ce pouvoir, mais notre démocratie qui devrait évoluer de façon linéaire, reste toujours au stade du processus électoral. Même les pays limitrophes qui ont été en guerre sont très loin. Ils ne se disputent plus autour du processus électoral, voir des organes chargés de gérer les élections. Ça fragilise notre système politique et notre démocratie.
Aujourd’hui, on n’a pas mis en place les institutions qu’il faut pour ce pays. On est même enclin à modifier les statuts de certaines institutions : tels les droits de l’homme. La cour constitutionnelle et la cour des comptes tardent toujours à être mises en place, alors que c’était prévu de les installer six mois après la mise en place du Parlement.
Pourtant, c’est la politique de décentralisation qui est le crédo de tout régime qui veut réformer l’Etat et aller vers le développement à la base. Et ce régime d’Alpha Condé reste incapable de satisfaire les besoins des populations à la base. Ce sont quand même les populations à la base qui leur permettent de manière inclusive de participer au développement national.
Ça veut dire que jusqu’à présent, nous subissons des réflexes d’antan (communistes et centralistes) qui font qu’aujourd’hui on impose les chefs de quartiers, les présidents des délégations spéciales dans une illégitimité et une illégalité sans précédent.
L’année 2015 est une année présidentielle en Guinée. Mais avant la tenue de ce scrutin, l’opposition réclame l’organisation des élections locales, ceci est-il possible avant la présidentielle ?
Si le gouvernement est de bonne foi, cela est possible.
Pourtant depuis 2005, cela n’a pas été possible !
Mais le pouvoir devrait les organiser avant même les élections législatives ! Le pouvoir n’a pas voulu, parce qu’il a compris que les populations ne sont plus dupes. Il est en déclin. Les populations n’ont rien à cirer avec ce pouvoir. Et le pouvoir en a conscience.
A qui profite une telle situation ?
Le pouvoir sait qu’en organisant les élections locales, une fois qu’il perd au niveau des communes, il n’a plus les moyens de tricher les élections présidentielles. C’est pourquoi le pouvoir refuse de les organiser. C’est tout le problème. Le régime s’en fout du devenir des citoyens. Ce qui l’intéresse, c’est comment rester dans l’illégalité et conserver le pouvoir dans le trucage des élections à venir.
L’opposition acceptera-t-elle d’aller au scrutin présidentiel avant les locales ?
Ça jamais ! Il faut qu’on organise les élections communales avant les présidentielles et on refuse le couplage.
Est-ce possible que tout cela se tienne avant…
C’est possible si les gens sont de bonne foi. On peut aller aux élections communales dans les meilleurs délais en mettant en place un chronogramme qui permet à toutes les parties prenantes des acteurs politiques de notre pays d’y participer. Puis, de gérer ensemble la transparence de ces élections.
Le chronogramme électoral n’est pas encore fixé, mais le Président Alpha Condé a déjà annoncé sa victoire dès le premier tour. De quoi est-il sûr d’après-vous ?
Le Président de la République est très futé en politique. Il a fait cette annonce, juste pour voir la réaction des politiciens afin de savoir sur quel pied danser lors des élections à venir. C’est quelqu’un qui sait mieux que quiconque qu’il est impopulaire. Il sait que les populations ne sont plus prêtes à renouveler son mandat en 2015.
Mais il a deux piliers sur lesquels il se repose. C’est l’administration et les forces de l’ordre. Et à travers ça, il veut organiser des trucages pour s’autoproclamer dès le premier tour.
Mais nous, nous disons que nous n’accepterons plus des élections truquées, nous n’accepterons pas un chronogramme qui ne va pas dans le sens de la transparence des élections communales et présidentielles.
Vous réclamez une alternance du régime en 2015, mais quelles stratégies compte mettre en place l’opposition pour battre le ”président sortant” ?
Aujourd’hui, nous avons une opposition qui travaille dans l’unité, même étant venus des partis divers. Nous parlons d’une même voie, parce que nous avons un objectif commun : l’alternance.
Cela dépend du contexte dans lequel les élections vont être organisées. Nous pensons qu’il est impératif que l’opposition travaille en synergie, sur le plan humain, mais aussi sur le plan financier pour arriver à une alternative crédible, souhaitée par le peuple de Guinée.
Sachant que la majorité est derrière nous, tout dépend de notre entente. La manière d’aller dans ces élections avec intelligence, et de façon concrète, à relever le défi. Ces populations souhaitent qu’on donne un gage de développement et de prospérité en 2015.
Depuis des années vous posez des préalables pour l’organisation des élections. Avec les meetings que vous organisez depuis le depuis le début d’année, allez-vous continuer ?
Ça va continuer. On était dans les meetings, mais bientôt, on organisera les marches, même si la date n’est pas fixée. Parce que nous pensons qu’avec ce régime, il est impossible de négocier de manière paisible. Il aime toujours l’épreuve de la force. Et nous allons lui montrer.
Si le pouvoir ne fléchit pas, jusqu’où comptez-vous aller ?
On ira jusqu’au bout.
Le bout c’est où ?
Le bout c’est le changement. On se battra pour qu’il y ait un changement et que le peuple le sache par lui-même.
Réalisée par Mamadou Aliou BM Diallo