Au cours d’une rencontre avec le Ministre d’État, Ministre de l’Économie, du Développement Industriel et de la Promotion du Secteur Privé, Gilbert Ondongo le mercredi 3 Août 2016, les industriels du ciment local notamment, Sonoc, la Forspak, la Cimaf ainsi que ceux en cours d’installation (Diamond Cement et Dangote Cement) ont sollicité l’aide du gouvernement congolais , afin qu’un mécanisme soit mis en place pour sauver l’industrie du Ciment.
[ Dumping , mauvaise qualité , fausses déclarations ]
Tous pointent du doigt des importations illégales du ciment via le Port autonome de Pointe-Noire, le dumping et l’arrivée sur le marché national des ciments de mauvaise qualité. À ce jour, les techniques les plus utilisées par les fraudeurs sont : la fausse déclaration de la valeur à l’importation ; la sous-déclaration des coûts de Fret et de la valeur du FOB (FOB = Free On Board, c’est à dire « sans frais à bord) ; la minimisation des quantités de ciment dans les déclarations d’importation et la vente au public du ciment exonéré qui est destiné aux marchés de l’État.
[ Comment expliquer cela ? ]
En effet, pour réduire les droits et taxes de douanes dont ils doivent s’acquitter, certains importateurs optent pour la sous-déclaration des coûts réels du FRET et de la valeur du FOB ainsi que des quantités importées en profitant de l’absence du contrôle systématique par les douanes du poids de chaque navire à son arrivée par le relevé de draft initial avant déchargement et draft final après déchargement. Et ce n’est pas les exemples qui manquent.
[ Cas du navire Star Challenge de Congo Avenir ]
Le cas du navire « Star Challenger de CONGO AVENIR » est frappant. Ce navire a d’abord été interdit d’accoster par le Ministère du Commerce Extérieur et de la Consommation et il a fait l’objet d’une réquisition d’interdiction d’accostage et de déchargement par le Procureur Général. Mais, il a fini par accoster après avoir conclu une transaction avec le Directeur Général de la Concurrence et de la Répression des Fraudes Commerciales stipulant une amende de 100 millions de FCFA.
[ Amende de 40 millions Fcfa sur 100 ]
L’importateur n’a payé que 40 millions. Ce navire a été déclaré initialement avec une quantité de 40 000 tonnes, alors qu’il contenait 55 580 tonnes de ciment. La fraude qui porte sur 15 580 tonnes représente environ 300 millions de fcfa de chiffre d’affaires non taxés. Certains importateurs négocient auprès des services de facilités le déchargement direct de leurs cargaisons à l’arrivée des navires avant d’établir les déclarations définitives, ce qui devrait se faire après le déchargement complet des cargaisons dans les magasins portuaires mis à leur disposition. Cela ne laisse pas la possibilité de contrôle sur place.
Aussi, un système de déclaration de ciment avarié a été mis en place et les écarts tolérés peuvent aller jusqu’à 20% de la cargaison, équivalant à des centaines de millions de FCFA. Ces quantités importantes non déclarées qui sont justifiées par un rapport d’expertise, sont réutilisées directement dans certains chantiers ou ré-ensachés dans les emballages de ciment vides qui sont fournis dans chaque livraison de bateau.
[ Sur-declarations des valeurs ]
Pour ce qui est de la sur-déclaration des valeurs, certaines entreprises importatrices optent pour les sur-déclarations des coûts du Fret et de la valeur Fob, qui dépendent de leurs entreprises mères installées à l’étranger, afin de faciliter les transferts des marges vers leurs entreprises mères tout enbénéficiant d’avantages fiscaux (exonérations fiscales et douanières) qui permettent de ne pas avoir de taxations sur les valeurs sur-déclarées. Tout ceci contribue à la déstabilisation du système de l’industrie du ciment.
[ Mise sur le marché et vente au privé du ciment destiné à l’État et au marchés publics ]
Une autre technique de fraude utilisée par ces importateurs est, la vente au secteur privé du ciment destiné aux marchés publics. Cette pratique frauduleuse est l’œuvre des importateurs du ciment qui bénéficient du régime privilégié avec des exonérations spéciales pour certains marchés de l’État. Une grande partie de ce ciment exonéré, voire la totalité, initialement destinée aux marchés publics, est vendue à d’autres entreprises BTP et à des distributeurs qui en tirent profit à leur tour.
Concernant la fraude sur la qualité, il n’existe au Congo aucune norme régissant la qualité du ciment, sa tenue (fissures, expansion, aspect, etc.), la tolérance de poids du sac, etc. Certains importateurs vendent ainsi des quantités importantes de ciment frelaté dès son origine, à cause d’un transport maritime inadéquat ou à des conditions de stockage inappropriées.
[ Une perte de 8 milliards Fcfa ]
Tout ceci n’est pas sans conséquences sur l’économie et l’industrialisation du pays comme on peut le constater. En 2016, les exemples de fraudes présentés portent sur un volume de ciment importé d’environ 450.000 tonnes avec une perte sèche pour les caisses de l’État de plus de 8 milliards Fcfa de base à taxer. Cette situation et ces mauvaises pratiques sont un frein pour le développement du Congo, n’enrichissent que certaines entreprises et quelques individus, elles mettent en péril l’’existence même des emplois (plus de 2000 emplois) et la capacité de fournir du ciment « Made in Congo » pour les chantiers du pays.
[ Face à tous ces problèmes posés, l’État est une fois de plus interpellé ]
Le gouvernement congolais devrait s’engager, à créer un cadre légal permettant au secteur industriel local d’accompagner toutes les stratégies de développement du pays, de créer de nombreux emplois et de contribuer à la richesse nationale. Ce secteur devrait être règlementé par des textes législatifs. Ces actions contribueront à la mise en place d’un système de prévention des fraudes et de régulation des importations de ciment au niveau des différentes administrations concernées, notamment les douanes, les finances, le commerce et l’industrie. Les mesures à prendre doivent également exiger les résultats des résistances à la compression à 28 jours au débarquement (port du Congo) et avant déchargement du navire.
[ Exiger le contrôle des poids des navires, auditer des comptes…]
L’État doit aussi exiger le contrôle des poids des navires à l’arrivée par un expert maritime nommé par les douanes, mettre un frein aux importations, auditer des comptes, des déclarations douanières des coûts réels (CFR, FOB et Fret) et des quantités déclarées de tout le ciment rendu au port autonome de Pointe Noire et en première priorité pour les quantités de ciment en stock actuellement. Il faut également effectuer un audit de la situation fiscale des entreprises concernées par ces importations. Puis enfin, ouvrir une enquête sur les circuits de distribution et des prix de vente pratiqués. La justice doit prononcer des peines exemplaires contre les fraudeurs (amendes, retrait de licences d’importation, etc.)
La fraude est, en Afrique, malheureusement, une monnaie courante. Toutefois certains pays ont pu s’en sortir, en mettant sur place des mesures qui ont permis d’éradiquer ces pratiques à l’instar de la Côte d’ivoire, la Guinée et le Cameroun. Ces pays doivent être un exemple à suivre. Car lorsque la fraude est massive et qu’elle met en péril la survie d’une industrie stratégique pour le pays et des milliers d’emplois, l’État doit vite réagir.
[ Un frein à l’émergence dans laquelle s’est engagé le président de la République ]
Par la volonté du chef de l’État SEM Denis SASSOU NGUESSO , la République du Congo s’est engagée sur la voie de l’émergence et l’industrialisation. La fraude constitue un frein à cette volonté légitime de conduire le pays vers un mieux être social et économique. Dans cette perspective la mise en œuvre un modèle de développement économique durable , est en cours . De ce développement économique durable, dépendent les politiques sociales, selon les priorités inscrites dans la nouvelle constitution.
[ Des États généraux de l’industrie du ciment ]
L’organisation des États généraux de l’industrie du ciment s’impose pour un lendemain meilleur du secteur qui contribue à la diversification de l’économie en cette période où la chute des cours du baril du pétrole bat son plein.
Charles Kouassi
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