Pour se conformer aux exigences du marché mondial et faire face à la montée grandissante de l’économie souterraine, le Maroc s’est doté depuis l’an dernier d’un nouveau plan d’actions en matière de douanes. Visant à la fois à faciliter le commerce extérieur et à lutter contre la fraude, cette stratégie quadriennale doit également accompagner le développement des secteurs phares du royaume.
Interfaces privilégiées entre l’Europe, l’Amérique et l’Afrique, les 13 ports de commerces que compte le Maroc assurent 98 % des échanges extérieurs de marchandises du pays. Face à une demande portuaire qui devrait être multipliée par trois à quatre entre 2010 (92 millions de tonnes) et 2030 (290 à 370 millions de tonnes), l’Administration des Douanes et Impôts Indirects (ADII) a lancé, en janvier 2017, une réflexion pour mettre en place un plan d’actions de quatre ans, qui s’inscrit dans la stratégie nationale du ministère de l’Équipement et des Transports à l’horizon 2030.
Suite à un diagnostic mené en interne ainsi qu’auprès de ses partenaires publics et privés, les douanes marocaines ont émis leurs propres propositions lors d’un séminaire réunissant ses cadres, organisé début janvier 2017. Moins de trois mois plus tard, la nouvelle stratégie 2017-2021 est exposée avec, pour mener à bien ce défi d’envergure, un nouveau directeur général nommé en novembre 2017 à la tête de l’administration douanière, en la personne de Nabyl Lakhdar. À 47 ans, cet ingénieur de formation est tout sauf un inconnu puisqu’il a déjà officié pendant 17 années au sein de l’ADII. Ancien responsable adjoint de la programmation puis directeur de la facilitation des systèmes d’information en charge de moderniser l’administration des douanes, il fut notamment à l’origine de l’instauration du système de dédouanement en ligne Badr.
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De retour au sein de l’institution douanière après une parenthèse de deux ans et demi à la direction générale des impôts, Nabyl Lakhdar arrive aux commandes d’un navire poussé par des vents puissants. En 2017, les douanes marocaines ont perçu 5,1 % de droits et taxes de plus qu’en 2016, soit 95 milliards de dirhams. Le nombre de déclarations douanières a ainsi dépassé pour la première fois le cap du million l’an dernier. Une performance, quand on connait la part de l’économie informelle à l’échelle nationale. 170 milliards de dirhams échapperaient ainsi à tout contrôle étatique. C’est l’une des raisons pour lesquelles les Douanes marocaines se sont équipées du SAMID, un système de traçabilité mis en place par l’entreprise vaudoise SICPA visant à apposer un label pour suivre et distinguer le tabac et les boissons alcoolisées légaux des produits contrefaits. Une mesure qui a permis d’améliorer les recetteseto de la taxe intérieure de consommation (TIC) avec des recettes de 10,48 milliards de dirhams en 2017, soit une progression de près de 7% en un an.
À l’échelle mondiale, le transport maritime représente 80 % des marchandises échangées (8 milliards de tonnes en 2010) et connaît une croissance annuelle soutenue. Il s’agit également du moyen de transport le plus respectueux de l’environnement, produisant cinq fois moins d’émissions de CO2 que par la route et 13 fois moins que dans les airs. Le secteur portuaire revêt donc des enjeux économiques et environnementaux majeurs pour la planète, comme pour le Maroc. Puissance phare du nord de l’Afrique et troisième pays du continent au classement Doing business 2018 de la Banque mondiale, le royaume chérifien a fait de ses ports, à travers son nouveau plan douanier 2017-2021, un véritable pilier de son développement national. La Stratégie Portuaire Nationale 2030 s’articule ainsi autour de plusieurs autres secteurs prioritaires : l’énergie, la compétitivité logistique, le tourisme ainsi que les plans d’émergence industrielle, Halieutis (pêche) et Maroc Vert.
Formalités simplifiées, mais mesures de contrôle accrues
Véritable épicentre de l’émergence marocaine à l’international, les ports de commerce du Maroc ont vu, notamment sous l’action de Nabyl Lakhdar avant son bref intermède à la direction générale des impôts, les procédures douanières se simplifier depuis 2010 afin de faciliter le commerce et de réduire les coûts de fonctionnement. Un enjeu de simplification vital pour faire face à une concurrence internationale féroce. Les formalités ont été allégées, voire supprimées pour certaines d’entre elles, dans un objectif d’uniformisation et d’harmonisation. Plusieurs mesures de facilitation pour accélérer l’enlèvement des marchandises ont ainsi contribué à une réduction des délais de séjour de 50 %, comme la suppression du dépôt physique des déclarations sommaires – à présent dématérialisées –, la dispense du visa de reconnaissance, ou encore l’assouplissement de la liquidation des droits de chancellerie. D’autres initiatives ont été prises à l’égard des entreprises situées en zones franches ou exerçant dans certaines branches d’activité afin de simplifier les démarches et de limiter les contraintes financières (ex : octroi de facilités de cautionnement).
Afin d’anticiper l’explosion de l’activité douanière à l’horizon 2030, la nouvelle Stratégie Portuaire Nationale élaborée par le ministère de l’Équipement et des Transports permettra non seulement de continuer à accompagner l’évolution de l’économie marocaine, mais aussi de saisir de nouvelles opportunités économiques. Objectif : doper encore plus la compétitivité mondiale du Maroc, dont le PIB devrait maintenir une croissance dynamique entre 3 et 4 % par an d’ici 2020, selon la Banque mondiale. La vision portuaire pour 2030 prévoit notamment un agrandissement de la capacité théorique de l’offre globale actuelle, qui se situe autour de 200 millions de tonnes, soit 90 à 170 de moins que les prévisions d’activité d’ici là. Elle aspire également à un rapport plus harmonieux et fluide avec les villes marocaines pour faire rayonner la compétitivité économique des ports dans toutes les régions du pays. Reste donc, en parallèle, à poursuivre la réforme de l’appareil douanier en matière de contrôle de la production et de l’importation des marchandises soumises aux taxes intérieures de consommation (TIC). Là aussi, les méthodes évoluent rapidement pour garantir une concurrence saine et lutter contre la fraude grâce, notamment, à l’adaptation de l’arsenal législatif et réglementaire pour l’étendre à l’ensemble des produits visés et au choix d’un système de marquage fiscal sécurisé. Autant de mesures qui doivent permettre, in fine, de diminuer les risques de sous-facturation, de contrefaçon et de contrebande qui privent l’État marocain de millions, voire de milliards de dirhams de taxes chaque année.
Idriss Aya