David Monsoh est un producteur d’artistes ivoirien , installé à Paris. Sa dernière production est celle de l’album Carrière d’Honneur (Retirada), de l’artiste congolais Héritier Watanabe, sorti depuis le 10 novembre 2016. De passage à Abidjan nous l’avons rencontré. Il explique les circonstances de cette collaboration et aborde dans la deuxième partie à lire mardi plusieurs autres sujets dont son histoire avec Fally.
Pouvez-vous nous présenter l’artiste Héritier Watanabe ?
Héritier Watanabe est la nouvelle pépite de la musique africaine. Je l’ai appelé Héritier parce que d’abord c’est son prénom , ensuite parce qu’il hérite de la musique de Papa Wemba et de bien d’autres artistes. C’est quelqu’un qui a un bon niveau d’étude et qui s’exprime très bien. Il a commencé à travailler à l’âge de 10 ans auprès de Werrason. Il était dans le groupe Wenge Musica Maison Mère, il a été recruté au départ par JB Mpiana, qui était avec Werrason avant de se séparer. Après la séparation, il a continué avec Werrason parce que ses parents ont exigé qu’il ait son Bac avant de se lancer entièrement dans la musique. Il est donc resté chez Werrason pour apprendre le métier tout doucement, ce qui fait de lui quelqu’un qui a un bagage musical énorme. Quand je l’ai rencontré en 2005, il était très jeune.
Comment s’est faite votre rencontre avec lui ?
En 2004 , j’étais en pleine promotion de Fally, Werrason faisait un concert au Zénith et c’est là que j’ai vu un petit jeune frêle, qui est venu chanter et qui m’a épaté. C’était mémorable. Comme par hasard j’étais à côté de l’un de ses amis, qui a ressenti les mêmes frissons que moi. C’est ainsi que je l’ai rencontré et je lui ai proposé de bosser avec moi. Il m’a dit qu’il venait de commencer avec Werrason et qu’il ne pouvait pas partir du jour au lendemain. Je lui ai donc dit de partir travailler , mais que j’avais l’œil sur lui. Héritier est la star que tout le monde attendait. Mais lui, il continuait d’hésiter. Je lui ai donc dit de continuer à bosser et que je vais l’attendre. Après le départ de Fally, je me suis consacré au lancement de ma chaîne qui m’a pris énormément de temps, parce que cela demandait beaucoup d’effort et de lucidité, et parce que je n’avais pas envie de m’éparpiller. Il est donc parti et tranquillement nous avons attendu le bon moment pour le signer et lancer le mouvement. Sachez que c’est un artiste, qui avant même que je ne le signe faisait des concerts et surtout le plein des salles.
Comment s’est fait le retrait d’Héritier du groupe Werrasson ?
Nous avons commencé l’album depuis l’année dernière. Alors avant son départ de Werrason, je ne voulais pas qu’il quitte avec fracas et Bagarre. Parce qu’en général, les vieux artistes, quand ils ont leurs poulains qui veulent partir, ils refusent. Avant qu’il parte, il a demandé à Werrason de le produire, mais Werrason a refusé. il m’a donc demandé d’appeler Werrason. Ce que j’ai alors fait poliment pour négocier, il ne voulait pas, il m’a presqu’envoyer balader. Donc quand je suis rentré des États-Unis , j’ai dit au petit que nous allons faire les choses avec beaucoup d’élégance et de class , pour qu’il perde pas une partie du public. Parce que l’artiste le plus populaire de Kinshasa ce n’est ni Koffi Olomidé, ni Papa Wemba, mais
Werrasson parce qu’il a tous les coins de show, donc lui c’était le chouchou et en même temps c’était le petit intello du coin. Il a donc ramené le public un peu élégant et class des enfants des beaux quartiers. Je lui ai demandé de faire une lettre dans laquelle il demande sa démission du groupe, qu’il ira déposer officiellement , mais en même temps qu’il postera sur tous les réseaux sociaux. Cela a donc créé le buzz un peu partout et ils ont répondu à la lettre pour refuser la demande. Et tout cela s’est fait l’année dernière, en avril 2015 je crois.
Racontez-nous l’histoire du single BM
Donc quelques temps après le buzz , je lui ai demandé de convoquer une conférence de presse, pour annoncer son retrait officiel parce que ce sont des choses qui n’ont jamais existé à Kinshasa. Je lui ai dit de ne pas annoncer le nom de son producteur, sinon ça risquait de tout gâter et qu’il devait garder ce buzz pour plus tard. Avant d’arriver à Paris, il voulait faire un spectacle, parce qu’il avait des chansons qui avaient du succès et que les gens avaient envie de le voir seul en concert. Je lui donc demandé de faire une émission télé pour présenter son orchestre et que nous devons faire les choses avec beaucoup de stratégie pour continuer le buzz. Il fait donc unspectacle à 100 dollars l’entrée dans une salle pleine à cracker. C’était une première dans l’histoire de la musique congolaise qu’un artiste sans album arrive à remplir une salle. C’est ensuite que nous avons signé le contrat devant toute la presse française et africaine à Paris et cela a encore créé le buzz. Je lui ai donné un an pour préparer l’album, mais comme il a la voix, je lui ai dit de ne pas faire un morceau , mais qu’il devait mettre en avant sa voix, pour ne pas ressembler aux nigérians,aux “coupé décaleurs” , ou pour ne pas faire Fally. Quand j’ai voulu balancer le single BM, il ne voulait pas, personne ne voulait. Ils disaient que les gens allaient nous insulter et traiter le titre de n’importe quoi. Je lui ai dit que je suis un stratège et j’ai fait un pari avec lui, en disant qu’on allait atteindre un million de vues, parce que par curiosité les gens allaient venir regarder pour comprendre ou pour juger.Quand j’ai dit que je le lançais à 18 heures, il a cru que je plaisantais. Le premier jour, nous avons fait plus de 100.000 vues. Après cela, tout le monde attendait maintenant l’album. Je suis content parce que l’album est sur le marché depuis le 10 novembre dernier. Nous avons plus de 15.000 album vendus , le streaming y compris. C’est le carton, parce que tout le monde l’attendait.
‘’Carrière d’Honneur (Retirada)’’, pourquoi ce titre ?
Retirada , c’est en espagnol et ça veux dire retiré, en retraite , se retirer. Être en retrait , en retraite ou a la retraite. Il est resté plus de 17 ans dans un groupe donc il fallait qu’il se retire. C’est pourquoi il a appellé l’album Retirada. J’ai ajouté le titre Carrière d’Honneur, parce que c’est une nouvelle carrière qui commence pour lui, une nouvelle vie. Une carrière d’honneur. Du coup , il devient lui aussi un chef, parce qu’il a un orchestre qu’il doit entretenir.
Combien de membre compte son staff ?
Je crois qu’ils sont près de 25 personnes. Ils ont nombreux vous savez que les musiciens congolais ont des doublures. Donc, il a 25 personnes à sa charge. Voilà pourquoi nous avons appelé l’album Carrière d’Honneur. Il comprend 14 titres.
Quels sont les thèmes qui sont généralement développés ?
C’est l’amour. Il parle d’amour tout en donnant un peu de conseil aux jeunes. Comme quoi, il faut être courageux, ne pas trop surfer sur les réseaux sociaux. Parce qu’aujourd’hui, n’importe qui se lève et écrit n’importe quoi sur les gens. Les gens n’ont pas compris que sur ces réseaux sociaux, il y a d’autres qui profitent pour se faire de l’argent. Il y a beaucoup de belles choses à faire. Il ne faut pas rester derrière son écran pour écrire du n’importe quoi sur les gens. Sur ce album, il chante en Lingala, Français et Anglais.
Au-delà du titre BM, quel autre titre qui vous a marqué ?
‘’Tout en noir’’ par exemple, est un mélange de Rap, RNB, Rumba. C’est un chef-d’œuvrequ’il faut prendre le temps d’écouter. Le genre musical c’est la Rumba, mais lui, a fait un mélange de Rap, RNB. Le titre ‘’Give me’’donne l’impression que c’est une musique nigériane, pourtant ça n’a rien avoir. Ce sont les influences du moment, donc il en a profité. ‘’Tout en noir’’ est magnifique. Il y a ‘’Marlène de rêve’’. Il y a ‘’Adrénaline’’, une chanson qui rend hommage à Samuel Eto. Il ya ‘’D de D’’ qui est chef-d’œuvre, c’est là où il a mis sa voix en valeur. Il ya ‘’Abeti Faux’’.
A quand l’arrivée d’Héritier Watanabe à Abidjan, pour que la Côte d’Ivoire puisse s’imprégner de sa belle voix ?
Bientôt ! On va d’abord laisser le temps aux Ivoiriens de découvrir l’album calmement. Je pense qu’on pourra le faire pour l’été prochain ou en fin d’année 2017. Il viendra ici pour faire deux grands concerts, un à l’ivoire et un autre au palais de la culture. Mais pour l’instant, il faut qu’ils découvrent ce nouveau prodige de la musique congolaise, qui fait rêver.
Après le BAC aujourd’hui, est ce qu’il est carrément dans la musique ou fait-il des études ?
Non, il est carrément musicien à part entière. C’est après ses études (BAC), que ses parents ont accepté qu’il voyage avec Werrasson. Parce qu’aujourd’hui, les parents se disent qu’il faut aider son enfant à avancer jusqu’au BAC. Le plus important pour les parents est qu’il ait au moins le minimun de bagage intellectuel. Quand il a le bac et qu’au niveau de la musique ça ne marche pas, il pourra aller faire autre chose après. Ce qui est rare chez les artistes congolais.
Pourquoi ce choix de produire des artistes congolais ?
C’est l’impression que vous avez, sinon j’ai toujours aussi produit des artistes ivoiriens. Quand vous regardez bien, c’est seulement quatre artistes congolais que j’ai produit, Fally, Koffi Olomidé , JB Mpiana et aujourd’hui Héritier. En Côte d’Ivoire, il y a Gadji, Joel C, Nayanka, Arafat, Beynaud, la liste est longue et je suis même sur le point de produire un nouvel artiste ivoirien pour 2017.
Apparemment vous avez le nez creux pour décrocher les bons artistes, quel est le secret ?
Le secret c’est le travail, je travaille avec le coup de cœur. C’est-à-dire plusieurs artistes peuvent passer pour chanter, mais il faut qu’un d’entre eux me donne un peu de frisson. Dès que je ressens cela, je me dis qu’on peut essayer. Mais, il y a des artistes que j’ai produits et qui n’ont pas marché. Je préfère taire les noms pour ne pas vexer, mais il y en a plein.
Si vous devez définir Héritier en quelques mots, que direz-vous ?
C’est quelqu’un qui est intelligent, élégant, respectueux et qui écoute.
Par CK , avec ROK et OS