3 cas d’école : la Côte d’Ivoire, le Gabon, la République Démocratique du Congo (RDC)
Claude Boisson, le directeur général de la société CERENE, a fait de la cartographie l’outil indispensable pour une gestion durable des forêts et la valorisation des ressources forestières. Historiquement, la cartographie et les cartes ont toujours été des outils essentiels de la puissance des nations. Adossées à la révolution digitale qui permet le stockage et la gestion des données, les cartes offrent une représentation précise et pertinente de phénomènes complexes. Elles permettent d’appréhender rapidement les réalités d’un territoire, que ces réalités soient politiques, géographiques, économiques, sociales, culturelles ou environnementales, etc. Aujourd’hui, la cartographie permet de répondre efficacement au défi de la gestion durable de la forêt africaine. Désormais conscients de l’importance de leurs forêts, de nombreux Etats africains ont choisi d’en établir la cartographie à des fins de meilleure gestion. Réaliser une cartographie se déroule en quatre étapes : 1) Définition du projet cartographique (domaine sur lequel porte le projet de carte) 2) Collecte d’informations à représenter 3) Sélection de ces informations en fonction de l’objectif à atteindre 4) Création de la carte avec ses composantes iconographiques et ses légendes.
Cartographe de la Côte d’Ivoire
Depuis 2020, une « armée verte » de 650 « soldats » livre une bataille contre les activités clandestines qui détruisent le couvert forestier du pays. « Nous avons perdu plus de 80 % de notre forêt depuis 1960, il y avait feu en la en la demeure », souligne Alain-Richard Donwahi, ministre des Eaux et Forêts depuis juillet 2017. La forêt ivoirienne est en voie de disparition. Le pays a vu son couvert forestier passer de 12 millions d’ha au moment de l’indépendance, en 1960, à 2 millions d’ha, aujourd’hui. La désertification, provoquée par la déforestation, menace la Côte d’Ivoire qui se retrouve en situation de catastrophe écologique. Le gouvernement a mis en place un plan d’action, inclusif et durable, avec trois objectifs : mettre un frein à la déforestation, atteindre 20% de reboisement en 2030 et promouvoir une gestion durable de la forêt. Le potentiel de reboisement national est estimé à environ 35 000 ha par an. Nous sommes encore loin de l’objectif officiel de 3 milliards d’arbres sur dix ans. En octobre 2016, à Abidjan, un atelier de travail, soutenu par le programme ONUREDD, a permis de valider la cartographie forestière ivoirienne sur les périodes historiques 1990-2000 et 2000-2015. Il est urgent, pour la Côte d’Ivoire, de poursuivre ce travail de cartographie, afin d’avoir une idée précise de son couvert forestier, qui représente un « boucler écologique », une source d’emplois et de revenus.
Cartographie du Gabon
Impulsée par le Président Ali Bongo et son ministre de l’Environnement Lee White, la gestion durable de ses forêts par le Gabon est un exemple pour les pays d’Afrique centrale. Fer de lance de la lutte contre le réchauffement climatique, le Gabon avait été désigné comme porte-parole de l’Afrique, lors de la COP26, à Glasgow. Le pays s’est à nouveau engagé à préserver sa forêt, qui couvre 85% de son territoire. Ces dernières années, face à la baisse de ses revenus pétroliers, le Gabon s’est retrouvé dans l’obligation d’exploiter cette ressource économique. Ministre intransigeant et rigoureux, Lee White est le garant d’une politique forestière qui voit le jour lors du Sommet de Rio sur la Terre en 1992, lorsque le président Omar Bongo mesure le coût environnemental d’une politique forestière mal planifieé.
Cartographie de la forêt de la RDC
Réparties sur 155 Mo d’hectares, les forêts couvrent 67 % du territoire national, mais la contribution du secteur forestier à l’économie congolaise reste encore marginale. La RDC s’est engagée dans un vaste programme qui doit permettre une meilleure gestion de ses forêts pour l’industrie du bois et dans le cadre de la REDD (Reducing emissions from deforestation and forest degradation) qui instaure un marché international de carbone. La RDC, qui souhaite devenir un acteur incontournable sur les marchés internationaux de la compensation Carbone, a fait appel à une société française, CERENE, ex-filiale cartographique d’Electricité de France (EDF) et de Gaz de France (GDF), leader français des services et systèmes d’informations géographiques (SIG) depuis plus de 50 ans, ayant réalisé une grande partie des inventaires forestiers régionaux pour le compte de l’ONF (Office National des Forêts) en France.
Pour Claude Boisson, le Directeur Général de CERENE, « il s’agit de fiabiliser et sécuriser les données géographiques forestières dans une base numérisée, unique, homogène, et fiable, de mettre en place les outils et mécanismes qui vont permettre la valorisation de la ressource forestière congolaise, d’effectuer un inventaire forestier national et une évaluation de sa biomasse en tonnes de carbone évitées (tCO²e) qui sera commercialisée sur les marchés internationaux de carbone. » Conscient des enjeux environnementaux, le Président Félix Tshisekedi veut consolider le positionnement de la RDC comme puissance forestière mondiale et acteur majeur sur un marché Carbone en plein essor. Ce marché représente pour la RDC des recettes fiscales durables d’au moins 2,8 Md$ sur la période 2020-2030.
Financements
Afin d’aider les pays en développement à intégrer les préoccupations environnementales à leur politique de développement, les crédits REDD sont apportés par les pays industrialisés et riches. Les bailleurs de fonds interviennent aussi dans le cadre du REDD, la Banque mondiale dispose d’un fonds de 300 millions de dollars dédié aux aspects « carbone », le Forest Carbon Partnership Facility (FCPF). Le Partenariat pour le carbone (PCF), une autre institution de la Banque mondiale, concerne les domaines de l’énergie, des transports, du développement urbain et l’ensemble des secteurs liés au développement de l’efficacité énergétique afin de lutter contre le réchauffement climatique. Le recours aux crédits-carbone, insuffisamment utilisés, permettrait aux Etats africains de financer leur trajectoire de développement.
Christian GAMBOTTI,
Agrégé de l’Université,
Président du think tank Afrique & Partage – CEO du CERAD (Centre d’Etudes et de Recherches sur l’Afrique de Demain) –
Directeur des Collections L’Afrique en Marche, Planète francophone –
Directeur de la rédaction du magazine Parlements & Pouvoirs africains
Directeur général de l’Université de l’Atlantique