En raison de la contestation populaire et de la méfiance de la communauté internationale, les jours de Joseph Kabila au pouvoir sont plus que jamais comptés… Mais en attendant la situation se cristallise et l’instabilité grandit.
Les Congolais ne décolèrent pas. Ces derniers continuent en effet de manifester leur ras-le-bol, et ce malgré la répression — particulièrement violente — du gouvernement. Vendredi 8 décembre à Goma, dans l’est du pays, une dizaine de personnes, qui manifestaient contre le calendrier repoussant les élections présidentielles à fin 2018, ont ainsi été arrêtées.
Dans la capitale, l’Association congolaise pour l’accès à la justice (Acaj) accuse la direction de l’université de Kinshasa d’être devenue « un instrument de répression politique ». La raison ? Le secrétaire académique de l’institution refuse de réintégrer les trois étudiants exclus début décembre pour avoir pris part au mouvement de manifestation du 30 novembre dernier.
« Le milieu universitaire est apolitique », déclare le secrétaire général de l’académie. « Nous n’empêchons pas les étudiants de pouvoir appartenir à des sensibilités de leur choix, mais ils ne peuvent pas exprimer cela sur le site universitaire », soutient-il. Aucun secteur ne semble échapper à la répression. Tout récemment, l’opposant en exil et président de la direction du club de football TP Mazembe, Moïse Katumbi, a été contraint de repousser d’un jour le retour en RDC de ses joueurs qui venaient de remporter, pour la seconde année consécutive, la Coupe de la Confédération africaine de football.
Initialement prévu le 26 novembre à 9 h, leur vol Johannesburg-Lubumbashi a été retardé à 11 h, puis à 15 h, puis à 19 h 30, et enfin à 23 h. Les footballeurs ont finalement dû prendre l’avion le lendemain pour Ndola, en Zambie voisine, puis traverser la frontière en bus. « J’invite les fans à braver la peur pour accueillir leur club à la frontière », a alors lancé Moïse Katumbi.
Les manifestations sont en effet régulièrement interdites en RDC et Joseph Kabila est soupçonné d’avoir retardé le retour des membres du club « pour décourager les milliers de personnes qui avaient prévu de faire un accueil triomphal aux joueurs de Katumbi ».
« Pas assez de confiance et de transparence »
Dès lors, au niveau national et international, ils sont de plus en plus nombreux à douter de la volonté du gouvernement d’organiser et financer des élections l’année prochaine. La Commission électorale nationale indépendante (Céni) dit avoir besoin de 427 millions pour les trois scrutins de décembre 2018. Or, « les partenaires de la RDC en proposent 35, mais réclament un budget précis, étape par étape. Il n’est toujours pas sur la table », révèle RFI. Un diplomate a même déclaré à la chaîne d’information qu’« il n’y a pas assez de confiance et de transparence pour consentir à un financement direct de la Céni ».
Et pendant ce temps, les accusations contre Kabila pleuvent. Human Rights Watch (HRW) a récemment accusé le régime d’avoir recruté d’anciens miliciens du M23 pour réprimer dans le sang les manifestations de décembre 2016, durant lesquelles 62 personnes ont trouvé la mort.
Très inquiets face à la situation des droits humains en RDC, le Groupe d’études sur le Congo (GEC) et HRW ont mis sur pied un « baromètre sécuritaire du Kivu » – une région particulièrement instable située à l’est du pays. Les résultats font froid dans le dos. Au moins 526 civils ont été tués de juin à novembre 2017 dans cette partie du pays. Au moins 1 087 personnes ont été enlevées ou kidnappées, et on dénombre au minimum « 11 incidents de viols massifs », rapporte RFI.
La Mission de l’Organisation des Nations unies pour la stabilisation en RDC (Monusco), a quant à elle rapporté la mort de 14 Casques bleus et cinq soldats des Forces armées de RDC (FARDC), victimes des rebelles ougandais musulmans ADF (Forces démocratiques alliées), l’un des nombreux groupes armés actifs dans la région du Kivu. Ces déplorables évènements démontrent une fois de plus que l’instabilité qui frappe le pays ne fait que s’aggraver, contrairement à ce qu’affirme le pouvoir en place.
Alain Tchombè