Difficile d’échapper à la question de savoir qui sera le leader de l’opposition ivoirienne depuis la proclamation des résultats de l’élection législative du 18 décembre 2016.
L’opposition est constituée , ( et est déterminée par ) , de l’ensemble des partis ou groupements politiques qui ne participent à la gestion des affaires du pays avec l’exécutif composé du Président de la République ( qui détermine la politique de la Nation ) , du vice-président , du Premier ministre et du gouvernement ( qui appliquent et exécutent ).
S’agissant du statut de l’opposition ivoirienne et de la désignation de son leader , l’option choisie par le gouvernement ivoirien avait consisté à faire du candidat arrivé en seconde position à l’élection présidentielle , le leader de cette opposition.
[ Affi oui mais…. ]
Pour la période allant de maintenant à 2020 , si la loi est adoptée selon ce dispositif , le chef de l’opposition serait le Président du Fpi. Personne ne sachant s’il sera candidat en 2020 , ni quel rang il pourrait occuper , il semble difficile d’affirmer que la loi a été faite pour profiter indéfiniment à Pascal Affi N’guessan.
Si au lieu de l’élection présidentielle , c’est l’élection législative qui sert de référence , il s’agira de dire que le chef de l’opposition est le leader du parti politique arrivé en deuxième position , tant par le nombre de sièges obtenus , que par le suffrage total recueilli .
Le premier cas favorise un homme , et son lien direct avec le peuple à travers la participation à l’élection présidentielle . Le second cas favorise un parti politique à travers le nombre de ses députés , sans oublier que le Président du parti peut lui-même ne pas être un élu.
On pourrait dans ces conditions avoir comme leader de l’opposition un non élu , un non-parlementaire alors que le parti tient sa position de leadership grâce aux députés.
[ De Gbagbo à Affi en passant par Bédié -Ouattara ]
N’y-a-t-il pas lieu de prendre en compte l’option de l’élection présidentielle , puisque cela semble être plus conforme à l’histoire de la Côte d’Ivoire à travers les Constitutions aussi bien des 1ère , 2ème et 3ème République qui privilégient le système présidentiel au détriment du système parlementaire ?
Laurent Gbagbo n’a-t-il pas d’abord acquis sa stature et sa posture de leader de l’opposition ivoirienne grâce à sa participation à l’élection présidentielle de 90 , avant les législatives ?
Face au pouvoir exécutif dont le chef était Houphouet Boigny , Laurent Gbagbo pour avoir participé à l’élection présidentielle , était alors devenu le chef de l’opposition de facto , et non de jure puisqu’a l’époque jusqu’à prochainement , aucune loi n’avait consacré ce statut de leader de l’opposition.
Face à Bédié après Houphouet , Gbagbo et ensuite Ouattara sont apparus leaders ou co-leaders de l’opposition sur la base de leur ambition présidentielle , et non pas compte tenu de la participation de leur parti respectif à une élection législative.
[ Cohérence avec la constitution et le système présidentiel ]
Sans qu’il y ait eu une loi sur la détermination du statut de l’opposition ni de son leader , il semble clair que c’est la posture ou la stature présidentielle , et non pas vraiment la présence au parlement , qui a toujours déterminé le poids et la désignation du leader de l’opposition.
Pourquoi cette situation de fait imposée par le système présidentiel qui a cours dans le pays , faisant du Président de la République , la clé de voûte , pose-t-elle désormais au moment où le gouvernement veut la matérialiser en faisant de l’élection présidentielle , ( en lieu et place de l’élection législative déjà utilisée pour repartir le financement public des partis politiques ) , le baromètre pour déterminer et désigner le leader de l’opposition en Côte d’Ivoire ?
En l’absence d’une loi sur le statut de l’opposition et de son chef , le leadership de l’opposition ne donne pour le moment , droit à aucune prérogative , ni à aucun avantage particulier.
[ Positions opposées des citoyens sur la question ]
Certains citoyens estiment que cette situation où il n’y a pas de loi , doit continuer car à côté des avantages d’une réglementation , ils craignent des obligations et contraintes qui pourraient lier l’opposition ; des obligations ou avantages dont le pouvoir exécutif pourrait se servir pour faire du chantage.
D’autres citoyens pensent par contre , qu’il faut effectivement une loi parce qu’il est utile d’assurer des moyens à l’opposition dont le chef ou un acteur principal ou prépondérant , peut ne pas un ex-ministre , un ex-PM ou un ex-PR ( Bédié et Ouattara face à Gbagbo et Affi face à Ouattara ) , mais un sans-grade ( pour ne pas dire un sans dent ) , qui a besoin d’être protégé par la loi , par les institutions de l’État et par la République avant d’accéder au pouvoir et d’incarner la majorité.
La qualité ou le statut de chef de l’opposition est lié à une personnalité et non à un parti politique. Ainsi un candidat indépendant – non affilié à un parti politique – arrivé deuxième à l’élection présidentielle, peut être le leader de l’opposition alors que dans le cas des élections législatives la majorité se fait exclusivement avec les partis politiques , et non les individus.
[ Comment combiner et concilier présidentielle et législatives ]
Quelques personnes proposent de combiner le poids à l’élection législative et le poids à la présidentielle des partis politiques pour trancher. Ainsi on dira de façon un peu complexe : est chef de l’opposition , le leader du parti ou le candidat du parti ou groupement politique qui , à l’issue des résultats combinés des élections présidentielle et législatives , aura recueilli le plus grand nombre de suffrages des électeurs et de sièges l , en dehors du parti ou groupement politique au pouvoir.
Affi N’guessan et le Fpi ont obtenu 3 sièges de députés. Si on prend en compte l’ensemble des suffrages recueillis par les candidats du parti ( qu’ils aient gagné ou non ) , le Fpi devance l’Updci malgré ses 6 députés ( 121365 voix contre 54887 , cf tableau ci-dessous ) . Si on considère également les suffrages obtenus par le même Affi et le Fpi à l’élection présidentielle d’Octobre 2015 , la place de leader de l’opposition que pourrait avoir Affi N’guessan ne semble pas encore menacée.
[ Président d’institution ou Ministre d’État ]
Selon les informations sorties des premiers débats parlementaires sur la question , le leader de l’opposition ivoirienne devrait avoir un rang de Président d’institution et non plus de Ministre d’État. Une position récusée par des députés. C’est dans cette circonstance que la loi avait été ajournée.
Ayant été lui-même Premier ministre , et pressenti pour bénéficier du statut de leader de l’opposition , Affi N’guessan n’avait pas apprécié une dégradation au rang protocolaire de ministre d’État.
Quel grade ou rang protocolaire prendre en compte entre ex-Premier ministre , Président du parti leader de l’opposition , chef de l’opposition et Ministre d’État , Président du parti leader de l’opposition , chef de l’opposition ? Ah ça !
Ce débat avait entraîné des réactions chez certains commentateurs qui , au delà du rang protocolaire , ont pensé qu’Affi N’guessan devait effectivement siéger dans le gouvernement en qualité de Ministre d’État , sous les ordres de Ouattara et de Duncan.
Charles Kouassi