Quelques coups d’éclat permettent de mettre en lumière les livres écrits par des auteurs africains d’expression française : en 2006, le Prix Renaudot attribué à Alain Mabanckou pour « Mémoires de porc-épic » ; en 2021, le Prix Goncourt, le plus prestigieux des Prix littéraires français attribué, pour la première fois, à un écrivain d’Afrique subsaharienne, le Sénégalais Mohamed Mbougar Sarr, pour son roman « La plus secrète des mémoires d’homme ». Mais, éditer et diffuser des écrivains africains reste, pour les éditeurs de l’Afrique subsaharienne, un défi permanent. Le livre de Mohamed Mbougar Sarr permet de mettre en lumière le remarquable travail de la maison d’édition Jimsaan.
L’édition en Afrique subsaharienne doit constamment prouver deux choses : sa viabilité économique et sa légitimité littéraire. Sa viabilité économique pose la question des coûts de production et de diffusion du livre ; sa légitimité littéraire, celle de la qualité des productions écrites (œuvres fictionnelles ou essais). Une autre question se profile : celle du marché du livre. Ce marché existe-t-il ? Existe-t-il un marché unique ? Non, si l’on se réfère à la multiplicité des espaces, espaces linguistiques et espaces géographiques. Les acheteurs de livres sont-ils au rendez-vous ? Par commodité, je m’en tiendrai à l’espace francophone, qui essaie de donner des chances aux écrivains africains, car cet espace participe à la mondialisation du livre.
Les dynamiques qui sous-tendent l’édition africaine sont alors de trois ordres : économiques (production et commercialisation du livre), culturelles (l’intérêt pour la production africaine) et institutionnelles (les politiques publiques en matière de subventions et de fiscalité). Elles demandent une réflexion accrue depuis les années 1980 avec ce moment charnière que représente la Foire du Livre de Francfort 1980 et son évènement central « L’Afrique, un continent qui doit affirmer son identité ».
Le paradoxe des années 1980 est, pour l’édition africaine, le suivant : d’un côté, les « plans d’ajustement structurel » mis en place par la Banque mondiale et le FMI qui vont provoquer une véritable austérité et réduire, en Afrique, les investissements dans les secteurs culturels ; de l’autre, une demande réelle de la part des lecteurs, ce qui va conduire les maisons d’édition françaises à multiplier les collections dédiées à l’Afrique et publier de plus en plus d’écrivains africains francophones qui recevront de multiples prix. Conséquence : la création littéraire africaine devient la propriété des éditeurs français, y compris dans le secteur-clef de l’édition scolaire.
Pour la jeunesse africaine, il est tout aussi important de lire Alain Mabanckou ou Mohamed Nbougar Sarr que Voltaire ou Camus. Les maisons d’édition africaines ont un rôle essentiel à jouer pour le rayonnement culturel du continent à travers ses écrivains.
Doit-on songer à des États généraux en Côte d’Ivoire, afin de lever les obstacles à la production et à la diffusion du livre !
Par Wakili Alafé