Après plusieurs heures de route d’Abidjan , la capitale ivoirienne vers Daloa ( au centre ouest de la Côte d’Ivoire, à 382 km d’Abidjan) , nous atteignons l’entrée du village de Zepréguhé.
Là se dresse devant nous 125 hectares de terrain agricole de l’Ong Amis et Natifs d’Afrique (AMINAA) basée à Angers (France). Le développement de ces terrains agricoles permet la création de valeurs ajoutées et d’emplois pour contribuer à l’éradication de l’ulcère de Buruli , maladie endémique de l’Afrique subtropicale qui se développe par une bactérie causant de graves lésions et provoquant des handicaps durables et touchant plusieurs enfants en Côte d’Ivoire et particulièrement dans la région.
La mise en place de cette organisation agricole locale est dirigée par Achille Kipré , qui en assure l’exploitation, la gestion, le développement, le production, la vente des productions végétales, animales et artisanales.
Elle a pour but d’engranger des fonds en vue de mener à bien cette mission. L’Ong AMINAA s’est entourée à cet effet de l’assistance agronomique de l’Ong internationale Agro Sans Frontières, pour son assistance au plan agronomique. Une structure bien connue dans le monde pour son combat contre la malnutrition, la pauvreté et l’exode rural.
Sur place Achille Kipré , le chef local du projet présente Cyprien Gueilly Bouabré, technicien agronome et Kah Djiria Pascal, l’un des ouvriers .
La plate-forme de production a pour objectif de mettre en place un processus de participation rémunérée dans le cadre de l’assistance à apporter aux personnes vulnérables, dans cette zone très affectée par l’ulcère de Buruli.
«Pour l’instant, nous avons près de 120 hectares, soit, 75 hectares en terre ferme et 45 hectares dans les bas-fonds. Et nous avons un demi-hectare de piment bec d’oiseau en production mais avec les pépinières que nous avons, nous allons faire un autre demi-hectare afin que nous puissions produire un hectare de piment de cette variété. Avec les fleurs que donnent les plants de piment, cela signifie que la semaine prochaine, nous aurons une bonne production. Cette année, nous avons été gênés parce qu’il n’y a pas eu de pluie mais, ça va. Car, nous avons déjà plus d’un hectare de manioc dont nous avons plusieurs plants. Concernant l’igname d’ici le 15 juin 2016, on aura fini de la mettre en bouture et on aura fini avec le gombo à la même période,» indique le patron des lieux.
Selon Achille Kipré superviseur général du projet, la structure aura, dans les semaines à venir, besoin de mains valides pour les prochaines cueillettes : «Quand on fait un hectare de piment de cette variété-là, vous pouvez avoir 10 tonnes. Pendant la production, on repasse chaque deux ou trois jours pour cueillir à nouveau le piment sur les plants où nous sommes déjà passés. Nous aurions donc besoin de main d’œuvre parce que cueillir un demi-hectare de piment, ce n’est pas facile ».
Le technicien agronome Cyprien Gueilly Bouabré parle des aspects techniques : «Au départ, cela n’a pas été facile parce qu’à cause du dérèglement climatique, il n’y a pas eu de pluie durant 6 mois ici. Aujourd’hui, nous avons mis en place une technique propre à nous avec l’installation d’un petit château d’eau, avec un bon système d’irrigation qui donne des résultats palpables. Nous sommes contents du travail. Voyez-vous, dans la culture du piment, le plus important, c’est le piquetage (bornage) parce qu’on ne le plante pas n’importe comment. Il faut des rangées et entre deux rangées, il y a un intervalle de 1,20 m. Et entre les plants, il faut un intervalle de 80 cm pour qu’ils puissent aisément se développement parce que plus les plants sont serrés, plus on perd des branches. Alors que lorsqu’ils respectent ces normes, ils prennent du volume et produisent beaucoup».
Le kilo du piment plus cher sur le marché que celui de l’hévéa , du café et du cacao
Nos interlocuteurs révèlent que sur le marché, le piment est une denrée au coût très élevé. « Il est plus cher que l’hévéa, le café et le cacao et toutes les autres cultures que vous pourrez imaginer. Au niveau de Daloa ici, on vend le kilo du piment à 2000 Francs cfa mais si on a un marché à Abidjan, on peut le vendre jusqu’à 5000f, voire 6000f le kilo. En fait, dans la région, c’est le Réseau des producteurs de piments (Repropi) qui est l’un de nos partenaires parce qu’il nous accorde une assistance technique qui l’achète avec nous à ce prix. Grosse revendeuse, cette structure livre ensuite le piment sur le marché national à un prix élevé. Mais parallèlement à Repropi, nous avons des marchés où nous vendons le kilo du piment à des prix normaux », explique Achille Kipré.
Le technicien agricole fait cette précision : «Souvent, nous suivons à la Télé et lisons dans la presse des personnes affirmer que lorsque vous plantez un hectare de piment, vous gagnez 10 à 20 millions de Francs Cfa. Mais, ils ne disent pas les actions nécessaires à mettre en place pour arriver à un tel résultat. Il faut d’abord mettre les moyens et le matériel. Le plus important, c’est d’abord la main d’œuvre. Sinon, c’est vrai il y’a de l’argent dans la production du piment. Un hectare peut prendre trois ans mais après 6 mois, la pépinière commence à produire. Ce sont des millions, ça, c’est vrai. Mais pour avoir un million, que faut-il faire ? Pour un hectare de piment, vous pourrez au minimum investir 4 millions de Francs Cfa parce que c’est un gros travail. Et il n’y a rien à négliger : en plus de ce que j’ai énuméré plus haut, il faut mettre en place une technique afin d’avoir de l’eau sur place pour l’arrosage des plantes puisqu’avec le dérèglement climatique, et la pluie qui se fait de plus en plus rare, il faut se mettre à l’abri de toute surprise désagréable. Ensuite pour un hectare de piment, il faut un bon superviseur qui aime bien ce travail, comme mon patron, un technicien agronome et une douzaine de manœuvres qu’il faut régulièrement payer par mois. En tant que technicien agronome si vous avez respecté toutes les normes, à un an déjà les résultats se feront sentir. Dieu merci, vous-même vous êtes arrivé, nous sommes au 7ème mois et nous commençons déjà la cueillette du piment».
En plus du piment, il évoque la variété des cultures en vue d’élargir les sources de financement d’AMINAA qui fait face à des demandes de plus en plus croissantes de malades ainsi que de leur famille. Aussi, évoque-t-il, la culture de la tomate (déjà mise en vente), l’igname et du manioc qui sont en bouturages, sans oublier le riz et la carotte qui sont pour bientôt.
Achille Kipré nous conduit dans la rizière du terrain agricole : « Ici, nous sommes dans le champ de riz. Nous n’avons pas vite commencé la semence à cause de la saison parce qu’il faisait tellement chaud. Toutefois, nous avons semé l’autre côté de la rizière. Les ouvriers ont désherbé et nous avons commencé à faire le travail. Très bientôt, des femmes viendront semer cette autre partie et nous allons évoluer ».
La visite prend dans un champ de manioc d’une rare variété. « En ce qui concerne la culture du manioc, je vous signale qu’il y a plusieurs variétés dont celle qu’on appelle boko qui est très rare. En bouture, lorsque vous voulez faire un hectare de la variété en question, il revient cher. Elle est généralement achetée par des entreprises comme Nestlé parce qu’elle rentre dans la fabrication de plusieurs de leurs produits comme par exemple, des cubes d’assaisonnement et autres ».
En plus des champs de culture, l’Ong AMINAA annonce dans le cadre de ses actions humanitaires, un gala de charité le 6 août 2016 à Abidjan.
Claude Dassé