Pour mars 2023, le Printemps des Poètes des Afriques et d’Ailleurs a créé le Grand Prix Martial Sinda de la poésie francographe à destination des poètes résidant dans les Pays du Sud et dans les départements d’Outre-mer. Date de clôture le 31 octobre 2022. Thème : histoire, mémoire et résistance. Rencontre avec le poète et universitaire Thierry Sinda, fils du poète-historien de renom Martial Sinda âgé de 87 ans, et président-fondateur du festival qui fêtera bientôt ses 20 ans d’existence.
Comment le Printemps des Poètes des Afriques et d’Ailleurs a eu l’idée de créer un Grand Prix de poésie ?
En 2013, lors du 10e anniversaire du Printemps des Poètes des Afriques et d’Ailleurs, j’ai fixé la matière vivante de notre festival dans mon ouvrage Anthologie des poèmes d’amour des Afriques et d’Ailleurs (Orphie, 2013). Ce fut un événement littéraire ! Mon livre de 624 pages, qui est le manifeste de la Néo-Négritude parisienne, a été préfacé par le Président Abdou Diouf, la Ministre française George Pau Langevin et de manière posthume par notre parrain inaugural, le poète distingué et homme politique malgache Jacques Rabémananjara. Nous voulons réitérer un acte fort, en mars 2023, date de la commémoration du 20e anniversaire de notre festival. Pour ce faire nous préparons un certain nombre d’événements dont la remise du Grand Prix Martial Sinda de la poésie francographe.
Qu’est-ce qui vous a amené à nommer votre Grand Prix du nom de Martial Sinda, votre père ?
Il est grand temps que nous prenions la mesure de nos grands hommes. On ne peut plus resté dans le cercle vicieux et gluant de l’inexistence ingrate et maladive, laquelle contribue au mal développement intellectuel de nos pays et de ses habitants. Il faut donner à nos Grands homme des noms : de rue, de collège, de lycée, de centre culturel, etc., pour que les générations montantes aient présent à l’esprit l’apport de leurs Anciens qui ont marqué l’histoire de leur pays voire de leur région ou de leur continent. A notre petit niveau, nous avons eu, après la mort de notre parrain inaugural, Jacques Rabémananjara, pour successeur, le poète et historien de renom Martial Sinda. A l’époque coloniale, il est le premier poète francographe de l’Afrique Equatoriale française, en éditant en 1955, chez Pierre Seghers, l’éditeur de la poésie française par excellence : Premier chant du départ. En 1956 il est honoré par le Grand Prix littéraire de l’Afrique Equatoriale Française, créé en 1951 pour les écrivains français coloniaux. C’est la première fois qu’ils le remettront à un Noir. C’est ce Grand Prix de l’AEF et celui de l’AOF qui fusionneront, au lendemain des indépendances africaines, pour donner le Grand Prix Littéraire d’Afrique noire. En 1961, la première édition a couronné l’écrivain ivoirien Aké Loba pour son roman Kocumbo l’étudaint noir (Flammarion, 1960). Je vais être un peu dur, mais en dépit de ces itinéraires humains exceptionnels et vertueux, nous avons curieusement des prix sans patronyme, dénommés : Mokanda (Congo), Ivoire (Côte d’Ivoire), Carbet (Antilles), etc., qui font l’impasse totale sur les prestigieux précurseurs de la littérature négro-africaine francographe, en ayant pourtant pour noble mission de mettre sur pied une nouvelle génération d’écrivains francographes négro-africains !
Pourquoi avez-vous nommé le Grand Prix de poésie Martial Sinda en lui accolant l’étiquette « francographe » et non celle de « francophone » ?
Le suffixe grec « phone » renvoie à l’oralité, exemple : téléphone, magnétophone, etc. Le suffixe grec « graphe » renvoie à l’écriture, exemple : dactylographe, orthographe, etc. La littérature écrite francophone est donc un contresens flagrant. C’est comme-ci dans le français de Côte d’Ivoire, que je connais assez bien, « allocodrome » (de « alloco » et du suffixe « drome » : le lieu ; d’où le lieu où l’on mange de l’alloco) était remplacé par « allocologue » (de « alloco » et du suffixe « logue » : qui signifie : qui étudie, spécialiste ; comme dans cardiologue, anthropologue). L’énoncé : on va à l’allocologue de Cocody, signifierait que l’on irait chez le scientifique qui étudie les alloco, et non pas à l’allocodrome de Cocody pour manger de manière décontractée de l’alloco poisson en draguant les belles go (filles) d’Abidjan dignement célébrées au cinéma par les cinéastes de renom mondial Désiré Écaré et Henri Duparc.
D’où vient le mot « francophonie » ?
Le mot « francophonie » a été créé au 19e siècle par le géographe français Onésime Reclus. Il l’a créé et employé pour théoriser le rayonnement de la France par son extension dans le monde via sa langue, son économie, sa culture, et sa manière d’être et de faire. Lorsque l’on parle de francophonie ce sont toutes les communautés, en dehors de la France, qui ont le français comme langue de communication quotidienne totale ou partielle. C’est-à-dire les anciennes colonies d’Afrique, d’Asie et d’Amérique. Le mot « francophonie » est donc chargé historiquement et politiquement. Il prend tout son poids dans la Francophonie institutionnelle, qui de nos jours inclus dans ses programmes, en qualité de partenaires, les langues nationales africaines en voie de normalisation graphique.
A qui s’adresse le Grand Prix Martial Sinda de la poésie francographe et quelles en sont les modalités de participation, et quelle en est la dotation ?
Le Grand Prix Martial Sinda de la poésie francographe s’adresse à tout poète francographe résidant dans un Pays du Sud (Afrique, Asie, Amérique latine) et dans les départements d’Outre-Mer quelle que soit sa langue de communication quotidienne (créolophone, dioulaphone…). C’est ainsi qu’un anglophone francographe originaire du Ghana, ou un lusophone d’Angola francographe, pourra y prendre pleinement part, avec un recueil d’une vingtaine de poèmes inédits écrits en français, et ayant pour thème : mémoire, histoire et résistance. Le lauréat sera édité par un éditeur parisien et sera promotionné par nos soins. Le tapuscrit en word et en PDF devra nous être transmis par mail.
Qui sont les membres du jury ?
Les membres du jury sont des membres actifs du Printemps des Poètes des Afriques et d’Ailleurs, ils sont tous poètes et ont publié, sauf Moa Abaïd qui est acteur et metteur en scène d’origine algérienne. Nous avons trois poétesses : Francine Ranaivo, d’origine malgache (nièce du poète révéré Flavien Ranaivo), Marie-France Duparl Danaho, d’origine guyanaise (auteure d’une dizaine de recueils de poèmes et épouse du poète-économiste Raoul-Philippe Danaho de l’Académie des Sciences d’Outre-Mer), Denise Chevalier, d’origine martiniquaise (bibliothécaire de profession). Nous avons trois poètes : Habib Osmani, d’origine algérienne (auteur entre autres d’Abécédaire de l’Algérie colonisée, éditions Marsa, 2017), Henri Moucle, d’origine martiniquaise (auteur entre autres de Chant du Black Paname suivi de Le cocotier irascible, Delatour France, 2017) et moi-même qui suis président du jury.
Quels sont les autres événements que vous projetez pour marquer le 20e anniversaire de votre festival ?
Il en a beaucoup que je ne vais point égrainer ici. Le plus important, pour nous, est de trouver un pays partenaire en dehors de la France, pour y installer, avec tam-tams, vahalis, trompettes et conques marines, notre 20e Printemps des Poètes des Afriques et d’Ailleurs où se mélangeront : récitals de poésie, performances de slam, débats, conférences, réflexions sur l’environnement, peinture, prestations de musiciens, atelier d’écriture, délégations d’artistes, d’hommes de culture voire d’hommes d’affaires venant des quatre coins du monde. Cela amènera à la découverte du pays partenaire au niveau touristique, culturel et à l’exploration de ses divers potentiels. Nous offrirons en quelque sorte au pays d’accueil partenaire une vitrine à l’international bénite par la poésie. A État bon entendeur salut !
Envoyer une vingtaine de poèmes inédits sur le thème mémoire, histoire et résistance en word et PDF : prixpoesiemartialsinda@gmail.com