Après Félix Houphouet Boigny et Henri Konan Bédié dont les interventions ont connu des fortunes différentes , Alassane Ouattara sera – avec son intervention prévue le 5 octobre 2016 – le troisième des quatre présidents élus de la Côte d’Ivoire moderne et indépendante , à s’adresser directement et solennellement au parlement ivoirien , qui a souvent reçu des chefs d’état étrangers pour des déclarations sans débats.
Il n’est pas prévu que l’adresse du chef de l’état ivoirien soit suivie de débats avec les députés , qui entreront aussitôt en session pour examiner le texte en faisant appel en cas de besoin , et comme d’habitude , aux commissaires du gouvernement.
Robert Guei qui avait assuré une transition sans parlement d’une part , et d’autre part Laurent Gbagbo qui a passé dix ans de pouvoir avec un parlement fort qui savait se faire entendre , n’ont pas eu l’occasion de parler devant les députés.
Le vendredi 30 septembre 2016 au cours d’une cérémonie , Guillaume Soro président du parlement ivoirien, a rappelé l’historique suivant : » Le Président Alassane Ouattara viendra à l’Assemblée nationale et s’adressera à partir de la maison du peuple au peuple de Côte d’Ivoire. Avant lui, vous vous souviendrez que c’était en 1960 que feu le Président Houphouët s’était adressé au peuple ivoirien depuis l’Assemblée nationale pour proclamer l’indépendance de la Côte d’Ivoire. La seconde fois que le Président Houphouët est allé à l’Assemblée nationale c’était en 1965. Vous vous souviendrez que le Président Bédié est allé à l’Assemblée nationale en 1999 » .
Au delà du sentiment de respect et de considération pour les députés que l’adresse du Président Ouattara véhicule , elle est perçue par l’opposition conduite par Affi Nguessan comme une tentative d’intimidation à l’encontre des parlementaires et une manière de tuer dans l’œuf toute contestation et tout débat au sujet du projet de nouvelle constitution.
Si en Côte d’Ivoire , les apparitions du président de la République devant les députés sont si rares au point de paraître un événement exceptionnel après 56 ans d’indépendance de la Côte d’Ivoire , et si le troisième président élu Laurent Gbagbo n’avait pas souscrit à cette démarche , l’article 82 de la future ex-constitution ivoirienne, mentionne pourtant expressément cette option en ces termes : » Pendant la durée d’une session ordinaire, une séance par mois est réservée en priorité aux questions des députés et aux réponses du Président de la République. Le Président de la République peut déléguer au chef du gouvernement et aux ministres, le pouvoir de répondre aux questions des députés « .
C’est cette possibilité de délégation aux ministres davantage favorisée sans doute par le fait qu’il n’y a jamais eu une majorité parlementaire hostile au Président de la République depuis 1960 , qui n’a pas trop donné l’envie du chemin de l’Assemblée nationale aux différents Chefs suprêmes des Armées de Côte d’Ivoire.
D’Houphouet qui y est passé deux fois ( pour ne pas dire véritablement une fois pour expliquer après la proclamation de l’indépendance, la position du pays par rapport à l’Afrique du Sud et à Israël ) en 33 ans de règne à Ouattara , ( la première fois le 5 octobre ) , en passant par Gbagbo ( zéro fois ) et Bédié ( une fois ) , dont la mésaventure du coup d’état survenue après la déclaration au parlement a pu décourager son prédécesseur , tous les Présidents ivoiriens ont laissé ministres et quelques fois , Premier ministre , assurer la liaison avec les députés. Laurent Gbagbo malgré toute la place occupée par l’Assemblée nationale n’avait pas effectué le déplacement à l’hémicycle parce que ses lieutenants savaient faire le boulot , dans qu’il ait besoin d’aller leur parler. Dans être superstitieux le souvenir de ce qui s’est passé en décembre 1999 après le message du Président Henri Konan Bédié.
Qu’en sera-t-il alors après la nouvelle constitution qui vise à couper tout cordon ombilical, tout lien entre le législatif et l’exécutif ?
La lecture du projet qui circule maintient les mêmes dispositions, avec la possibilité pour le vice-président de la République, de lire devant le Parlement le message du Président de la République. Les choses ne devraient donc pas beaucoup changer. Sauf peut être , en cas de majorité parlementaire hostile au Président de la République.
Charles Kouassi