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    Pourquoi l’Afrique du Sud ne profitera-t-elle pas de la ZLECAf ?

    Pourquoi l’Afrique du Sud ne profitera-t-elle pas de la ZLECAf ?
    Publié le
    Par
    Charles Kouassi
    Lecture 5 minutes
    Salon des banques de l'UEMOA et des PME

    Le président africain, Cyril Ramaphosa, se fait de plus en plus entendre en soutenant la nouvelle zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf). Au début du mois de septembre, lors du Forum économique mondial tenu au Cap, Ramaphosa avait même qualifié la ZLECAf comme étant « la plus grande opportunité pour les économies du continent [africain] de générer de la croissance par le commerce ».

    De même, le mois dernier, lors du sommet du G7 en France, Ramaphosa avait confié avec fierté devant un parterre de dirigeants mondiaux: « qu’il est confiant que cet accord de libre-échange libérera le potentiel économique de l’Afrique [et probablement celui de l’Afrique du Sud]».

    Recul de la propriété privée

    Bien que Ramaphosa manifeste un tel soutien en faveur de la ZLECAf, il est tout à fait possible que l’Afrique du Sud n’en tire aucun avantage. En effet, jusqu’à présent, le gouvernement sud-africain était en croisade pour modifier l’article 25 de sa Constitution. Cette modification permettrait l’expropriation de terres sans compensation. Si le gouvernement fait avancer cet amendement, alors, contrairement aux espoirs de Ramaphosa, le pays ne tirera que peu d’avantages de la future zone de libre-échange. C’est dommage parce que la zone commerciale sera porteuse de plusieurs bienfaits.

    La clé réside dans la réduction des obstacles au commerce

    Jusqu’à présent, 54 des 55 pays de l’Union africaine (UA) ont signé l’accord et, bien que seuls 27 États l’aient ratifié par l’intermédiaire de leurs gouvernements nationaux, de nombreuses autres ratifications sont attendues dans les mois à venir. Si la zone de libre-échange est ratifiée par les 55 pays de l’Union africaine, ce sera la plus grande zone de libre-échange au monde, avec plus de 1,2 milliard de personnes et un PIB de plus de 3 billions de dollars, ce qui en fera le cinquième marché du monde.

    Lors de son introduction, la zone de libre-échange vise à supprimer immédiatement 90% des droits de douane sur les biens échangés entre les États membres. Chris Hattingh, chercheur à la Free Market Foundation, a récemment noté que l’une des méthodes les moins compliquées et les plus rapides pour accroître le PIB de l’Afrique consiste à réduire autant que possible les barrières au commerce. L’opinion de Hattingh s’aligne sur les prévisions des Nations Unies, selon lesquelles la réduction des barrières commerciales dans la zone de libre-échange pourrait stimuler le commerce intra-africain jusqu’à 52% et injecter des milliards à l’économie du continent en quelques années seulement.

    Les coûts de l’article 25

    Deuxième économie de l’Afrique et la plus industrialisée, l’Afrique du Sud aurait clairement beaucoup à gagner de la nouvelle zone commerciale. Cependant, le désir de l’ANC (Congrès national africain) de mener une politique d’expropriation des terres menace de saper les avantages de la ZLECAf. Une semaine seulement après la dernière intervention de Ramaphosa en faveur de la zone de libre-échange, le comité spécial du président chargé de rédiger l’amendement au titre de la section 25 s’est réuni pour la première fois depuis les élections de mai. Mathole Motshekga, présidente du comité, une politicienne de l’ANC, a annoncé que le projet de loi relatif à l’amendement devrait être présenté d’ici la fin du mois de juin de l’année prochaine, date qui coïncide avec celle de l’entrée en vigueur de la zone de libre échange (1er juillet 2020).

    L’année dernière, le professeur Ilse Botha de l’Université de Johannesburg et Roelof Botha, économiste à l’Université de Pretoria, ont réalisé une évaluation de l’impact économique des dommages que causerait vraisemblablement l’amendement de l’article 25. Les chercheurs prévoient une combinaison cauchemardesque de «dégradation de la notation de la dette souveraine du pays au statut de titres sans valeur, des taux d’intérêt plus élevés, une baisse assez brutale des recettes fiscales et une profonde récession». En bref, les deux chercheurs mettent en garde contre un «désastre socio-économique imminent pour l’Afrique du Sud en cas d’expropriation sans compensation».

    Les investisseurs ne voudraient tout simplement pas investir dans une Afrique du Sud où leur capital n’est pas suffisamment protégé. Pour qu’une nation puisse bénéficier du libre-échange, elle doit d’abord avoir quelque chose à produire. Sans droits de propriété solides, les fruits du travail ne sont pas protégés, il n’y a plus d’incitation à investir, ni à produire pour les particuliers et les entreprises.

    Le coup de grâce.

    Avec un taux de chômage déjà de 29% et une économie bloquée dans un cycle baissier, le plus long depuis 1945, tout nouveau recul causé par une politique d’expropriation de terres serait probablement le coup de grâce pour une économie déjà handicapée. En effet, les mauvaises conditions économiques associées à l’incertitude liée à la législation sur l’expropriation des terres commencent déjà à avoir un effet négatif. Selon un nouvel indice établi par la Chambre de commerce et d’industrie sud-africaine, la confiance des entreprises est actuellement à son plus bas niveau depuis 1985, année où l’ONU a appelé les États membres à désinvestir de l’Afrique du Sud pour protester contre le régime de l’apartheid. En bref, l’économie sud-africaine a besoin de toute l’aide possible et imaginable.

    Bien que la ZLECAf ne soit pas une solution rapide aux problèmes de l’économie sud-africaine, elle a le potentiel de donner à la nation un élan bien nécessaire. Mais hélas, étant donné que l’ANC a passé la dernière année à formaliser l’amendement sur l’expropriation de terres, il semble peu probable que le gouvernement fasse marche arrière de si tôt. Dans ce cas, bien que Ramaphosa puisse aimer l’idée d’une zone de libre-échange, il peut dire adieu aux avantages que l’Afrique du Sud aurait pu en tirer.

    Alexander Hammond, chercheur au Washington D.C.think tank – Article initialement publié en anglais la la Foundation for Economic Education – Traduction réalisée par Libre Afrique.

    Article publié en collaboration avec Libre Afrique.

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