À l’issue de la COP27, Antonio Guterres, le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies (ONU), qui demandait des actions plus rapides et plus ambitieuses, a déclaré : « Nous devons drastiquement réduire les émissions maintenant et c’est une question à laquelle cette COP n’a pas répondu ». Il avait, le lundi 7 novembre, dans son discours d’ouverture de la COP27, dressé un tableau très sombre de l’état de la planète confrontée aux conséquences du réchauffement climatique, affirmant : « Nous sommes sur l’autoroute vers l’enfer climatique, avec le pied toujours sur l’accélérateur », ajoutant « nous sommes en train de perdre » le « combat de notre vie ».
Pour Antonio Guterres, dans un monde de plus en plus divisé avec la succession des crises, notamment la guerre en Ukraine, les Etats doivent choisir entre « la solidarité » ou « un suicide collectif » : « L’humanité a un choix : coopérer ou périr. C’est soit un Pacte de solidarité climatique soit un Pacte de suicide collectif ». Parler de solidarité collective signifie pour le Secrétaire général de l’ONU, la création d’un « pacte historique entre les économies développées et en développement », un pacte pour « une énergie abordable et durable pour tous ». Antonio Guterrez pose ainsi le double enjeu de la COP27. Premier enjeu : la solidarité collective, nécessairement planétaire, pour lutter contre le réchauffement climatique. Second enjeu : la réparation financière des dégâts causés par les pays les plus riches, qui ont exploité pendant des décennies les énergies fossiles pour assure leur développement, dégâts que subissent les pays les plus pauvres, pourtant les moins pollueurs.
Pour Alain-Richard Donwahi, le président de la COP15, présent à Charm el-Cheikh, « Même si les résultats de la COP27 restent en-deçà des ambitions qui doivent être les nôtres dans la lutte contre le réchauffement climatique avec comme références la COP21 et l’Accord de Paris, les COP qui se succèdent depuis le Sommet de Rio (1992) ne sont pas inutiles. Il est faux de prétendre que les COP n’aboutissent jamais à rien. On peut regretter que les déclarations, qui expriment une prise de conscience planétaire, ne se traduisent pas, à chaque COP, par des textes juridiques contraignants, comme la signature du Protocole de Kyoto en 1997, qui a lancé les premiers engagements de réduction des émissions de CO2, et l’Accord de Paris, en 2015, signé lors de la COP21 organisée à Paris. Mais, la gouvernance internationale des biens communs se heurte à la souveraineté de chaque Etat, confronté à l’impératif économique et social. Aucune instance internationale ne peut demander à un Etat de renoncer à son développement ou lui interdire d’exploiter ses ressources naturelles. Le rôle des COP est donc de permettre à l’ensemble des pays de la planète de négocier la meilleure manière de gérer le climat ensemble. Ne jamais renoncer, poursuivre inlassablement les négociations, pas à pas (step by step), tel est le rôle des COP. » Selon l’ONU et l’Union Européenne, l’ambition climatique n’était pas au rendez-vous de Charm el-Cheikh. Mais, la conscientisation écologique progresse grâce aux COP, qui sont les seules leviers qui permettent de discuter au plus haut niveau politique, des nouvelles urgences à régler en amenant tous les chefs d’Etat à venir s’asseoir à la table des négociations.
Une résolution « historique » sur l’aide et les réparations financières accordées aux pays les plus pauvres ?
La question financière reste l’impensé radical des COP. Qui finance quoi ? Qui paie ? Quels sont les mécanismes de financement qui peuvent être mis en œuvre ? Les objectifs financiers des COP ne sont jamais atteints. Sur les 100 milliards de dollars d’aides promis chaque année aux pays en développement, seuls 80 milliards sont versés. Les retards de financement s’accumulent, alors que l’Afrique qui est l’un des continents les plus durement touchés par les conséquences du changement climatique ne produit que 3% des émissions mondiales de CO2. Au moment où s’ouvre la COP27, le dossier de la compensation des dégâts causés par le changement climatique subis par les pays les plus pauvres n’était pas initialement prévu à l’ordre du jour de la conférence sur le climat. Seul un compromis de dernière minute aura permis l’adoption d’une résolution emblématique, qualifiée « d’historique » par ses promoteurs, sur la question du financement de la lutte contre le réchauffement climatique et les réparations dues aux pays en développement. Selon Mohamed Adow, directeur de l’ONG Power Shift Africa : « Au début de ces pourparlers, les pertes et dommages n’étaient même pas à l’ordre du jour. Et maintenant, nous entrons dans l’histoire ».
Mohamed Adow a-t-il raison de s’enthousiasmer pour une résolution de dernière minute qui acte le principe de la création d’un fonds financier spécifique, alors que le cadre de cette résolution reste suffisamment général pour ne contrarier personne sur des sujets controversés parmi les pays riches qui ont à s’acquitter de la dette climatique ? Chacun sait que les pays en développement ont un besoin urgent de ressources financières. Réponse de la COP27 : la création d’un « fonds de réponse aux pertes et dommages » que réclamaient les pays en développement, sachant que, pour l’instant, un comité spécial sera chargé de régler les détails opérationnels des financements et des réparations, – qui recevra et qui paiera ? -, d’ici la prochaine COP28, dans douze mois, à Dubaï. De COP en COP, les bonnes résolutions vertueuses s’accumulent et les promesses d’engagement de tous les Etats dépassent de 40 % les objectifs à atteindre d’ici 2030. Mais, les objectifs qui devaient être atteints en matière de lutte contre le réchauffement climatique en 2022 sont inférieurs de 20 % aux objectifs prévus.
L’Afrique, qui a su faire bloc, considère qu’elle a pu enfin se faire entendre sur la question des réparations, après avoir passé 30 ans à essayer de mettre ce sujet à l’ordre du jour des COP. Collins Nzovu, ministre de l’Environnement de la Zambie, considère qu’il s’agit d’un énorme progrès. Il n’hésite pas à dire : « Historique. Je crois vraiment que c’est historique ». Vanessa Nakate, une jeune militante ougandaise, considère que le résultat est « très positif pour 1,3 milliard d’Africains », ajoutant que « les pertes et dommages dans les pays vulnérables ne peuvent désormais plus être ignorés » par les pays riches, qui sont, historiquement, les principaux utilisateurs des énergies fossiles et les plus gros émetteurs de gaz à effet de serre responsables du réchauffement climatique. Parmi les 140 chefs d’État et de gouvernement présents à Charm-el-Cheikh, les dirigeants africains ont appelé les pays riches à assumer leurs responsabilités en versant les financements promis aux pays pauvres. D’autant plus que ces pays rendent d’immenses services climatiques, notamment grâce à leurs forêts. Pour Macky Sall, le dirigeant sénégalais, président en exercice de l’Union Africaine, l’Afrique doit recevoir les financements promis au nom de la dette climatique et des services qu’elle rend avec ses forêts. Il a précisé « qu’avec la forêt du bassin du Congo, notre continent abrite un quart de ce qui reste encore de forêt tropicale, offrant à la planète un de ces rares poumons verts. Nous voulons aussi aller de l’avant dans l’adaptation au changement climatique. Nous en supportons le coût avec le développement de projets verts financé souvent par recours à la dette, alors même que la mise en œuvre doit être financée par des dons conformément aux engagements convenus. » Ce qui doit être reconnu, c’est le droit des pays pauvres à adapter la transition écologique à leur niveau de développement et leur besoin de croissance. L’accélération des changements climatiques ne doit pas conduire à une guerre entre le Nord et le Sud, telle est la conclusion que l’on peut tirer de la COP 27.
Christian GAMBOTTI – Agrégé de l’Université – Président du think tank Afrique & Partage – Président du CERAD (Centre d’Etudes et de Recherches du l’Afrique de Demain) – Directeur général de l’Université de l’Atlantique – Chroniqueur, essayiste, politologue. Contact : cg@afriquepartage.org