Le chef de l’État ivoirien avait pris l’habitude de rendre publiquement des hommages appuyés à son gouvernement pour l’excellent travail réalisé selon lui. Il a dérogé à la tradition et ne l’a pas fait lors de son message à la Nation du 31 décembre 2015.
Alassane Ouattara a plutôt fait l’inventaire des secteurs d’activités dans lesquels des résultats positifs ont été obtenus, et a dégagé les perspectives , sans jamais évoquer l’action du gouvernement encore moins la contribution du premier ministre ni des membres du gouvernement.
Cette option faite par le président ivoirien est perçue par certains comme un signe supplémentaire de l’imminence du remaniement ministériel . Ils croient voir à travers ce silence , un refus du président d’adouber et de couvrir de lauriers des collaborateurs qui sont déjà sur le départ.
Selon les tenants de cette façon de voir, donner à nouveau un satisfecit , c’est surtout se donner aussi des raisons et des prétextes de ne pas virer les ministres , alors que rien n’urge concernant le moment des hommages à rendre lorsque la décision de départ aura été prise.
Si on s’en tient donc à cette lecture des faits, rien n’a changé : le remaniement aura lieu pian ! Et se fera bel et bien.
Toutefois le remaniement qui fait trembler à Abidjan n’a pas que des des partisans. C’est ainsi les anti-remaniement perçoivent autrement le silence autour de la question.
Ils disent que Ouattara dit ce qu’il fait et fait ce qu’il dit. Ils s’en tiennent au fait qu’Alassane Ouattara n’a pas pris le soin d’évoquer le cap et l’agenda de l’an 2016 avec une nouvelle équipe gouvernementale , pour en déduire qu’il ne peut faire ce qu’il n’a pas dit.
Selon eux c’est parce que le chef de l’État ivoirien peut avoir renoncé [ ou tout au moins peut avoir revu à la baisse l’ampleur annoncée du remaniement dont tout le monde parle à Abidjan depuis deux semaines ] qu’il n’a pas voulu annoncer un quelconque changement.
Présenté comme le remaniement de tous les dangers , dont pourrait enfin sortir le premier vrai gouvernement Ouattara, un gouvernement totalement débarrassé des contraintes subies et de pesanteurs supportées depuis les gouvernements successifs d’après 2011 , la future formation ministérielle post réélection annoncée ne pourrait-elle pas finalement pâtir des mêmes paramètres qui avaient pesé sur le gouvernement post-Avril 2011 de Guillaume Soro , sur le non-gouvernement Ahoussou ( un nouveau premier ministre sans nouveau gouvernement), et aussi sur l’actuel gouvernement Duncan ?
Les anti-remaniement estiment donc que le « vrai vrai » remaniement possible, sera celui de l’après législatives à venir. Un remaniement qui devra , selon eux, tenir compte des résultats issus des urnes et de la configuration qui sera celle prochain du parlement .
« Alors qu’on est encore loin de cette échéance, quelles sont les armes et les hommes dont le chef de l’État veut disposer pour mener et gagner la bataille du référendum, ainsi que celle la majorité parlementaire » interroge un anti-remaniement qui ne cache pas son trouble, devant l’ampleur du changement annoncé et du risque de démobilisation des cadres et de l’électorat.
Selon cette façon de voir, c’est seulement après avoir passé les étapes du référendum et des législatives, que le président Ouattara, désormais sans aucune autre pression de candidature personnelle à une election , devrait faire le grand et mémorable ménage dans le gouvernement, et dans les administrations en les débarrassant de tous les carriéristes, qui y logent depuis 5 à 15 ans.
Pour les tenants de cette perception, le chef de l’État ivoirien peut donc bien ne pas tout chambouler, entre autres raisons parce que tout simplement , il n’a pris aucun engagement public dans le sens d’un remaniement quelconque. Ils prennent justement à témoin le fait que rien n’ait été dit dans ce sens, le 31 décembre dernier.
Le président Ouattara va-t-il agir vraiment ainsi ? Rien n’est moins sûr. Juste une semaine de sursis semble avoir été accordé.
À défaut d’une surprise et d’un mode opératoire inattendu, les membres de l’actuel gouvernement seront demain à la cérémonie des voeux. Ils seront également au conseil des ministres prévu le mercredi 6 janvier 2016 . Tout se jouera peut-être ensuite entre le 6 janvier 2016 et le 15 janvier 2016 . Des échéances qui passionnent le peuple et l’opinion publique aux aguets , avides de voir des têtes «ministérielles» tomber.
Sans vraiment croire à l’efficacité de ces pratiques et méthodes , un interlocuteur commente avec humour la situation et les éventuelles pressions ou incantations mystiques sur la question autour du président Ouattara : « Pas facile d’être chef et président. Imaginez au moins un marabout par ministre et par haut fonctionnaire. Ce sont près de 1000 marabouts qui travaillent en ce moment, pour empêcher le président de faire son travail de remaniement et de changement. Ajoutons à cela, la riposte des cadres qui ne sont pas ministres, mais qui veulent le devenir, et dont les marabouts sont aussi à l’oeuvre. Et puis il n’y a pas que l’Islam ! Il y’a tous ces pasteurs, prêtres qui conseillent de jeûner à leur « client » pour que le Seigneur inspire dans leur sens le président. Des prières sur prières, des boeufs enterrés, des canaris, toutes les sortes de sacrifices…Je n’aimerais pas être à la place de Ouattara , même si on ne devient pas président sans avoir été blindé et préparé soi-meme au sujet de ce monde parallèle et invisible » . Voire !
Alice Ouédraogo, avec L’Intelligent d’Abidjan
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