Nous publions une tribune dont le titre initial est « Nyamsi et les pro-Ouattara ». Elle est signée de Moh Laumet-Djè, et a été transmise à notre rédaction par Franklin Nyamsi. Contrairement à certaines de ses propres tribunes, celle-ci ne porte pas la mention expresse de « Tribune internationale ». Le titre « Rupture consommée entre Soro et le RDR ou défense et illustration de Nyamsi par Moh Laumet-Djè » est de la rédaction d’Afrikipresse. Excellente lecture !
La rupture entre le président de l’Assemblée nationale et le camp RDR semble bel et bien consommée. Il ne se passe plus un jour sans que l’on n’assiste à une attaque entre les anciens alliés. Hier adulés et considérés comme des héros de la nation, Guillaume Soro et ses partisans vivent le revers de la pièce avec leurs amis d’il y a peu. Ils sont diabolisés et traités de tous les noms. Grave, ils sont accusés de nombreux les maux particulièrement de tentatives de renversement du pouvoir. Les soulèvements des ex-combattants de Bouaké en début d’année sont mis sur le compte des actes de déstabilisation du pouvoir fomentés par GKS et ses compagnons.
En plus de ces accusations, le RDR et certains de ces militants se livrent à des propos xénophobes à l’encontre de certains membres du cabinet Soro. En particulier envers le professeur Franklin Nyamsi.. Celui qui a usé de sa belle plume au cours de la lutte pour l’accession d’Alassane Ouattara au pouvoir est, aujourd’hui, jeté en pâture. Après l’âpre combat qu’il a vaillamment livré contre le régime de Laurent Gbagbo, on dit à présent de lui au RDR qu’il est un Camerounais, question de lui faire comprendre qu’il n’a pas le droit de se mêler de la vie politique ivoirienne. Il est accusé d’injurier le Premier ministre, Amadou Gon Coulibaly quand, à l’opposé, les affidés du 1er ministre couvrent d’injures le PAN, en toute impunité, avec l’assurance qu’ils ne seront point inquiétés.
Franklin Nyamsi traité d’étranger par le camp Rdr. Le monde à l’envers. N’est-ce pas le même Camerounais qui ruait dans les brancards pour défendre Alassane Ouattara ? N’est-ce pas le même Camerounais qui défendait à ses risques et périls le Rdr au plus fort de la lutte contre l’ex-président Laurent Gbagbo. De toute évidence, à cette époque, la nationalité d’origine du Pr Nyamsi importait peu. Il avait le droit de s’impliquer dans le débat politique ivoirien. A ce que je sache, Nyamsi n’a pas changé de nationalité ni de couleur. Il est resté fidèle à ses convictions.
L’autre cible et non des moindres du Rdr est le PAN. Depuis le désamour entre les clans Ouattara et Soro, le PAN semble devenu l’ennemi de la nation, celui par qui tous les malheurs arrivent à la Côte d’Ivoire. La preuve : les astuces mises en place pour l’évincer, sans le dire, au récent congrès du Rdr. Certains de ses proches ont été démis de leurs postes pour avoir créé un mouvement d’obédience soroiste. D’autres sont accusés de détenir des armes. Dans cette guéguerre Soro-Gon, qui du PAN et du premier ministre mérite respect et considération ? La situation mérite d’être analysée à plusieurs niveaux.
Origine de la primature en Côte d’Ivoire
A son accession à l’indépendance en 1960, la Côte d’Ivoire a adopté un régime présidentiel caractérisé par la séparation des pouvoirs (présidentiel, législatif et judiciaire). Seul le président de la république exerçait le pouvoir présidentiel dans un régime de parti unique. Dans les années 1980, le pouvoir du président Félix Houphouët-Boigny est affaibli à la suite d’une crise économique survenue à la fin des années 1970 suite à la baisse des cours du cacao. Cependant, malgré les difficultés financières et la pression des bailleurs de fonds et de l’opposition ivoirienne avec à sa tête Laurent Gbagbo, il a fallu attendre les années 1990 pour mettre fin à ce régime et initier un poste de premier ministre dont le premier à occuper cette fonction est Alassane Ouattara. Depuis lors, les différents gouvernements qui se sont succédés comptent des Premiers ministres. Amadou Gon est le 8e premier ministre, si l’on ne tient pas compte du gouvernement, illégal, de Laurent Gbagbo après la crise post électorale.
Le Premier ministre de Côte d’Ivoire n’est qu’un ministre nommé par le président de la République devant lequel il est responsable, et qui met fin à ses fonctions. Il est le chef du gouvernement. Il ne détient, au regard de la constitution, aucun pouvoir exécutif propre. Il supplée le Président de la République lorsque celui-ci est absent du territoire. Contrairement à la pratique prévalant en régime parlementaire, le Premier ministre ivoirien n’est pas issu de la majorité parlementaire. Les membres du gouvernement, placés sous son autorité, sont nommés sur sa proposition par le Président de la République.
Depuis la constitution de la 3e République, le premier ministre est la 3e personnalité de l’exécutif du pays. Il peut remplacer le PR en cas d’empêchement de celui-ci et du vice président. Toutefois, cela ne fait pas de lui une personnalité supérieure au PAN. Contrairement au PM qui est nommé par le PR, le PAN doit sa position à sa qualité d’élu du peuple. GKS est le député de Ferké et président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire. En tant que PAN, il est doublement élu puisqu’il été par les élus du peuple. Porter donc atteinte à son honorabilité, c’est manquer de respect au peuple qui lui a confié la mission de le représenter au parlement. Il bénéficie d’une immunité parlementaire. A la différence du PAN qui est un élu du peuple, le premier ministre n’est qu’une autorité nommée par le Chef de l’Etat. C’est un choix arbitraire. Sa nomination est faite selon le pouvoir discrétionnaire du président. Elle n’émane d’aucune volonté populaire du peuple. Ce choix n’est basé sur aucune objectivité.
Paradoxalement, celui qui est devenu aujourd’hui le souffre douleur du RDR a pendant les grands moments de la rébellion incarné l’espoir de ce parti. C’était le modèle, l’exemple de courage et j’en passe du RDR. Il incarnait il y a un passé récent le héros de la nation. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle certains l’appellent « Tiéni Gbanani l’enfant terrible ». C’est par son courage et son charisme qu’il a pu arracher le pouvoir à Gbagbo pour le donner à Ouattara. Il est certes jeune, mais à plusieurs niveaux de la vie publique ivoirienne, il a su s’imposer, imposer ses idées et les défendre. Il explique d’ailleurs dans son livre les raisons qui l’ont poussé à la rébellion. À l’opposé, Amadou Gon, en dehors d’être une progéniture de Gon Coulibaly et un militant du RDR, n’a posé aucun acte politique majeur. Il a plutôt bénéficié de l’État à travers ses différentes nominations aux postes de décisions. Il doit sa position actuelle à sa loyauté à Alassane Ouattara. Le poste qu’il occupe est la récompense à sa fidélité à un homme. Il y a lieu que le RDR sache reconnaître les mérites des hommes comme GKS, Franklin Nyamsi et autres qui ne lésinent pas sur les moyens pour défendre leurs convictions.
Par Moh Laumet-Djè