Dans ce témoignage recueilli le lundi 12 avril 2021, avant l’explosion d’une ancienne mine, Bamba Tiemoko, chef du village de Kafolo fait l’état des lieux.
Afrikipresse était à Kafolo le lundi 12 avril 2021, jour même de la détonation d’une ancienne mine au même endroit ( 8 km de Kafolo) que la mine qui avait explosé le 1er avril 2021 dernier.
Profitant de notre présence , nous avons recueilli le témoignage exclusif du chef du village de Kafolo, Bamba Tiemoko.
L’autorité traditionnelle revient sur les événements de juin 2020 et mars 2021. Il plaide également pour le renforcement des infrastructures économiques et sociales, et le renforcement de la présence de l’État pour , selon lui, garantir la sécurité et la paix du lieu dit. Témoignage.
[ Que s’est-il passé ici à Kafolo ? ]
Cela fait deux semaines exactement aujourd’hui que ce cas de terrorisme est arrivé à mon village, et cela pour une deuxième fois. La première fois c’était du 10 au 11 juin 2020 et récemment dans la nuit du 28 au 29 mars 2021. Je ne sais pas qui sont ces terroristes, ce qu’ils veulent, qu’est-ce qu’on a fait ?
Toutes ces deux attaques se sont faites dans la nuit. Celle de 2020 a commencé à 3 heures du matin jusqu’à 5 heures.
Nous n’étions pas habitués à ça et en tant que citoyen vivant en campagne, on a peur. Dans le deuxième cas, là, ils ont reculé un peu le temps, ils ont commencé à 00 heure et jusqu’à 1 heure du matin, vraiment on a entendu beaucoup de détonations d’armes lourdes.
Il faut noter que depuis la première fois, la sécurité veille beaucoup sur nous, c’est pourquoi nous n’avons pas été surpris en mars dernier comme en juin.
Il y a eu une riposte très forte de la sécurité. Et grâce à cela il n’y a pas eu beaucoup de pertes en vie humaines pour la deuxième fois. Toutefois nous avons déploré 3 morts dont 1 civil. Mais toujours est-il que les menaces sont toujours là.
C’est la période des anacardes, mais ils sont vraiment rares et courageux ceux qui arrivent à aller à leurs champs pour faire les récoltes. Ce n’est pas facile jusqu’à présent. Malgré que la sécurité y soit nuit et jour. Voilà un peu le point dans un premier temps et je vous dis merci d’être là à Kafolo.
[ La situation sociale de Kafolo ]
Il y’ a des profiteurs qui viennent compte tenu de la pauvreté. Heureusement que depuis 2014, Kafolo a reçu de l’état de Côte d’Ivoire une bonne part du développement. Le village a pu être électrifié, merci à Dieu et à la République. On avait une école de 3 classes devenue désormais une école de 6 classes, un dispensaire est en construction avec des logements pour les infirmiers et les sages-femmes.
Hier, les ouvriers nous ont confirmé qu’ils sont venus pour achever le travail.
[ La situation économique de Kafolo ]
Dans le domaine économique, comme on le sait dans notre région, ici c’est l’agriculture. Les terres étant pauvres, avec le changement climatique mais aussi avec certains problèmes d’irrigation, les cultures ne sont pas favorables comme auparavant.
Aussi, étant à côté du fleuve de la Comoé certains habitants sont devenus des pêcheurs. Malheureusement avec la longueur du fleuve qui a attiré plusieurs personnes dans le domaine, les résultats ne sont pas aussi positifs que ça.
Au niveau de l’élevage , ce sont des gens venus d’autres régions qui en sont les leaders. Les ivoiriens n’ayant que quelques bêtes.
Enfin, en matière de projet de développement et de financement de micro projets, nous n’avons jusqu’ici pas bénéficié d’un seul soutien.
[ Kafolo zone frontalière avec le Burkina Faso ]
La localité de Kafolo , dans la sous-préfecture de Sikolo, est située à la frontière Nord de la Côte d’ivoire avec le Burkina Faso. Elle compte 2.198 habitants. Elle est à 30 km du fleuve Comoé qui constitue la frontière naturelle avec le Burkina Faso. Après 1km de traversée, vous êtes au Burkina Faso.
Il devient donc facile de traverser le fleuve pour les trafiquants ou les malfrats surtout en ces temps de sécheresse et même sans pirogue à d’autres endroits.
Le parc national de la Comoé, lui, est du côté Est du village. D’après les informations il y a encore des terroristes dans cette zone tout comme autour du fleuve.
[ Les besoins et doléances des habitants de Kafolo]
Nous avons un problème d’eau malgré notre proximité avec le fleuve Comoé. Le village n’a qu’une seule pompe hydraulique pour plus de 2000 âmes.
Nous avons un problème de communication. C’est tout récemment, il y a seulement 4 mois que nous avons pu avoir accès à une antenne de relais MTN , qui déconne souvent. Je ne sais si c’est au niveau de l’emplacement.
Nous souhaiterions avoir les trois réseaux MTN , Moov Africa et Orange.
[ Sécurité et administration du territoire ]
Nous souhaiterions que Kafolo soit érigé en sous-préfecture afin de bénéficier de toutes les infrastructures appropriées à son développement et à sa quiétude.
Avec un poste de gendarmerie nationale de commissariat de police
Enfin, vivant désormais avec la peur de revivre le traumatisme des attaques djihadistes, il est souhaitable que des ONG ou l’État ivoirien nous amène des équipes pour la sensibilisation, pour encourager et rassurer nos populations à la reprise de leurs activités. Car nous sommes en permanence sous le choc.
Témoignage recueilli par Philippe Kouhon, envoyé spécial à Kafolo