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    Chronique du lundi – le 5 decembre journée mondiale des sols : Des risques de famine à la « faim caché »

    Chronique du lundi – le 5 decembre journée mondiale des sols : Des risques de famine à la « faim caché »
    Publié le
    Par
    Christian Gambotti
    Lecture 6 minutes
    Salon des banques de l'UEMOA et des PME

    L’Afrique est aujourd’hui l’épicentre de tous les défis que l’humanité doit relever dans le domaine de la protection des sols en lien avec les risques de famine, la malnutrition et la « faim cachée ». Les risques famine sont connus, ils se sont aggravés depuis la guerre en Ukraine. La « faim cachée » est liée à l’appauvrissement des sols en nutriments, les sols dégradés perdant leur capacité à nourrir la vie, celle des humains comme celle de la biodiversité (plantes, animaux). 

    L’Ivoirien Alain-Richard Donwahi, ancien ministre des Eaux et Forêts, lorsqu’il a été élu au poste de Président de la COP 15, la Conférence des Parties de la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification, a inscrit, parmi les priorités de son action, la protection des sols et la restauration des terres dégradées afin d’améliorer la qualité nutritionnelle des aliments. Alain-Richard Donwahi insiste sur la perte de fertilité des sols qu’il décrit comme un processus majeur de dégradation menaçant la nutrition.  

    Selon la FAO, « il y a plus d’organismes vivants dans une cuillère à soupe de sol que de personnes sur Terre. Le sol est un monde composé d’organismes, de minéraux et de composants organiques qui fournit de la nourriture aux humains et aux animaux en permettant aux plantes de pousser. Comme nous, les sols ont besoin d’un apport équilibré et varié de nutriments en quantités appropriées pour être en bonne santé. Les systèmes agricoles perdent des nutriments à chaque récolte et si les sols ne sont pas gérés de manière durable, la fertilité se perd progressivement et les sols produiront des plantes déficientes en nutriments. (…) Au cours des 70 dernières années, la teneur en vitamines et en nutriments des aliments a considérablement diminué ; on estime que deux milliards de personnes dans le monde souffrent d’un manque de micronutriments, connu sous le nom de « faim cachée » car il est difficile à détecter. »

    Pour Justin Koffi N’Goran, Directeur général de l’ARRE (2), président du think tank ivoirien CRS (3), qui s’exprime en tant que professeur agrégé de médecine, « la lutte contre la perte d’éléments nutritifs des sols passe par une gestion durable de la terre. Lutter contre la dégradation des sols, ce n’est pas simplement une question de performance environnementale, c’est une question de santé publique. La « faim cachée » et l’utilisation abusive des pesticides constituent de graves menaces pour les populations en Afrique, les aliments manquant de qualité nutritionnelle et devenant toxiques pour les humains comme pour les animaux, la production agricole polluant l’environnement. »

     Le professeur Justin Koffi N’Goran constate la montée des maladies silencieuses provoquées par les pesticides. La liste des maladies qu’ils provoquent s’allonge : cancers, parkinson, mais aussi troubles cognitifs, maladies respiratoires, etc. Les conclusions des rapports d’expertise sur les effets des pesticides sur la santé s’avèrent de plus en plus inquiétantes.

    La FAO, à travers la « Journée mondiale des sols 2022 »  (#JournéeMondialedesSols) et sa campagne « Les sols, à l’origine des aliments », cherche à sensibiliser les décideurs politiques et le secteur agricole sur « l’importance de maintenir des écosystèmes sains et le bien-être humain en abordant les défis croissants de la gestion des sols, en luttant contre la perte d’éléments nutritifs et en encourageant les sociétés à améliorer la santé des sols. »

    Pression démographique, protection des sols et des forêts, stress hydrique

    La croissance démographique et les intérêts économiques font que la demande en nourriture est toujours plus élevée, ce qui augmente la pression sur les sols. Alors que l’importance d’une gestion durable des sols semble évidente, l’utilisation des terres montre qu’il existe de plus en plus d’intérêts divergents dans leur exploitation. On ne peut plus considérer les sols comme une ressource que l’on peut exploiter à l’infini. Mettre en œuvre des mécanismes de gestion durable des sols relève d’une urgence absolue, afin de préserver des écosystèmes essentiels à la fixation du carbone (les forêts) et à la régulation du climat.

     Il convient aussi de préserver des ressources naturelles comme l’eau, le stress hydrique augmentant partout dans le monde et s’aggravant dans les régions semi-arides. Le stress hydrique est une menace réelle pour l’Afrique. Confrontée à une sécheresse de plus en plus forte, l’Afrique doit faire face aux défis urgents de la pénurie d’eau. 

    Pour l’OMM (Organisation Mondiale Météorologique), le stress hydrique qui sévit en Afrique touche 250 millions de personnes sur le continent, ce qui risque d’entraîner le déplacement de 700 millions de personnes d’ici à 2030. On sait aujourd’hui que, selon toute probabilité, quatre pays africains sur cinq ne disposeront pas de ressources en eau gérées de manière durable d’ici à 2030.

    Les sols sont aussi un enjeu politique à travers la question du foncier et géopolitique avec les déplacements des populations, fuyant les terres dégradées, la désertification et la sécheresse, cherchant des terres exploitables qui sont de moins en moins nombreuses. Les restrictions de disponibilité des terres et les difficultés d’accès à l’eau déclenchent des conflits entre des populations qui sont déjà aux prises avec des difficultés économiques.

     Les conflits entre agriculteurs et éleveurs, sur fond de différences culturelles et religieuses, sont instrumentalisés par les groupes djihadistes. Comme le préconise l’ONU, à travers les COP, il convient d’accélérer les coopérations transnationales, améliorer les échanges de données, le partage des connaissances et des expériences, développer les politiques locales d’investissements, afin de permettre une gestion durable des terres et des ressources en eau. L’objectif qui est de protéger et d’utiliser de façon durable les sols, doit être partagé par tous les Etats et toutes les populations.

    Le partenariat mondial sur les sols

    Ce partenariat mondial a été créé en décembre 2012. Il s’agit de mettre en œuvre des mécanismes destinés à améliorer la collaboration et les synergies entre tous les acteurs de l’exploitation des sols, afin de promouvoir la gestion durable des terres auprès des décideurs politiques et des acteurs privés (exploitations agricoles et industrie agro-alimentaire). En décembre 2013, suite à la demande de la FAO, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté une résolution qui proclame le 5 décembre Journée mondiale des sols à compter de 2014. 

    _____________________________

    (1)COP 15 – La COP15 mène une action pour préserver la terre, afin qu’elle continue de profiter aux générations présentes et futures. Ses principaux enjeux sont les questions de sécheresse et de restauration des terres. La COP15 constitue également un point d’étape pour l’Accélérateur de la Grande Muraille verte,  lancé lors du « One Planet Summit » (janvier 2021), et pour l’initiative protéines végétales annoncée lors du Sommet Union Européenne-Union Africaine (février 2022).

    (2)L’ARRE – Autorité de Régulation du Système de récépissés d’Entreposage. L’ARRE est dirigée par Justin Koffi N’Goran, qui met en oeuvre une politique volontariste de transformation locale de l’anacarde. La gestion durable des terres et l’amélioration de la productivité dans ce secteur ne peuvent pas être détachées du financement des acteurs des chaînes de valeurs agricoles et agro-industrielles et de la transformation locale des matières premières agricoles.

    (3)Le CRS, Centre de Réfléxion Stratégique, est un think tank ivoirien. Le CRS organise, le 19 décembre 2022, de 8 h à 16 h, à Abidjan, au Radisson Blu Hôtel, un colloque sur le thème : « Quelle stratégie de résilience agricole des pays africains ? ». Lien pour l’inscription au colloque https://forms.gle/SmCnQnojJCG8NbbE6.  

    L’inscription est gratuite.

    Christian GAMBOTTI –  Agrégé de l’Université – Président du think tank Afrique & Partage –  Président du CERAD (Centre d’Etudes et de Recherches du l’Afrique de Demain) – Directeur général de l’Université de l’Atlantique – Chroniqueur, essayiste, politologue. Contact : cg@afriquepartage.org

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