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    79 ans de la Zone Franc et après …

    79 ans de la Zone Franc et après …
    Publié le
    Par
    Yaya Kanté
    Lecture 5 minutes
    Salon des banques de l'UEMOA et des PME

    Un anniversaire est le moment opportun pour dresser le bilan d’une existence : regarder en arrière pour évaluer le chemin parcouru et se projeter vers l’avenir afin de définir de nouvelles perspectives. Aujourd’hui, la Zone Franc célèbre ses 79 ans, une occasion idéale pour établir ce bilan, aussi critique soit-il, et envisager de nouveaux objectifs en faveur d’une union monétaire plus stable.

    Origine et évolution de la Zone Franc

    Le franc CFA est né le 26 décembre 1945, date à laquelle la France a ratifié les accords de Bretton Woods et procédé à sa première déclaration de parité auprès du Fonds Monétaire International (FMI).
    Initialement, CFA signifiait “Franc des Colonies Françaises d’Afrique”.

    La Zone Franc regroupe trois zones, chacune disposant de sa propre banque centrale :
    1. L’Union Monétaire Ouest Africaine (UMOA) : Sa banque centrale est la BCEAO (Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest). Cette zone inclut sept pays : Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée-Bissau, Niger, Sénégal et Togo.
    2. L’Union Monétaire d’Afrique centrale (UMAC) : Elle est desservie par la BEAC (Banque des États d’Afrique centrale) et comprend six pays : Cameroun, Congo (Brazzaville), Gabon, Guinée Équatoriale, République Centrafricaine et Tchad.
    3. L’Union des Comores : Cette union utilise le franc comorien, géré par la BCC (Banque Centrale du Comores).

    « La Zone Franc est une vieille histoire qui dure toujours, mais dont l’origine se perd un peu dans l’histoire de nos colonies. »   En effet, bien avant sa reconnaissance officielle, cette zone existait dès lors que les pièces et billets émis dans la métropole circulaient dans les colonies, notamment aux Antilles et au Sénégal dès 1820. Officiellement, la Zone Franc a été instaurée en 1945.
    Datant aujourd’hui de 79 ans, soit un peu plus de trois quarts de siècle, elle a été marquée par de nombreuses réformes, souvent critiquées comme préservant un lien néocolonial entre la France et ses anciennes colonies.

    Critiques et évolutions du franc CFA

    Les accords de mise en œuvre de la Zone Franc ont toujours conféré à la France un rôle prédominant notamment dans les instances politiques et monétaires des différentes banques centrales. Aussi, la monnaie était indexée au Franc français avant d’être arrimée à l’euro en 1999, avec un taux fixe (€1 = 655,957 CFA).

    De plus, l’impression des billets est réalisée en France (à Chamalières) par la Banque de France.
    Cependant, l’histoire a montré qu’« il est important que les États africains soient pleinement dépositaires de leurs politiques monétaires et économiques » .
    Cette prise de conscience a conduit à des initiatives visant à réformer la Zone Franc.

    Accord de réforme de l’UMOA

    La nécessité de réformes s’est intensifiée avec plusieurs événements :
    • Discours du Président français Emmanuel Macron (2017).
    • Interview accordée à Jeune Afrique (novembre 2020).
    • Sommet Afrique-France (octobre 2021).

    En 2019, un nouvel accord a été signé entre la France et les États membres de l’UMOA en Côte d’Ivoire. Cet accord prévoyait quatre axes majeurs :
    1. Changement de nom de la devise : Le franc CFA deviendra l’éco, une initiative pilotée par l’UEMOA.
    2. Suppression de la centralisation des réserves : Les réserves ne seront plus centralisées sur le compte d’opération au Trésor français.
    3. Retrait de la France des instances de gouvernance : Depuis cette réforme, la France n’a plus de représentants dans les instances monétaires de la BCEAO.
    4. Représentation minoritaire dans les autres zones : Au sein du BEAC, la représentation française est minoritaire (1 sur 7 membres), et pour la banque centrale des Comores, elle désigne 4 des 8 membres.

    Ces changements marquent une avancée significative vers la fin de « union-coopération » mais des défis persistent, notamment en ce qui concerne la monnaie éco.

    Perspectives : Les options pour l’ECO

    La monnaie Eco vise à établir une monnaie commune pour les États membres de la CEDEAO, prévoyant à terme une fusion avec l’UEMOA. Cependant, ce projet soulève des questions épineuses en raison des divergences économiques et politiques entre les États membres.

    L’économiste M. Nubukpo Kako, dans son article intitulé « Du franc CFA à l’éco en Afrique de l’Ouest » propose quatre options pour réconcilier les États membres de la CEDEAO autour de l’Eco :
    1. L’éco comme extension du franc CFA : Cette option maintiendrait l’éco comme un prolongement du franc CFA, avec une centralisation des réserves de change et une évolution progressive de la souveraineté monétaire, de la France à l’UEMOA puis à la CEDEAO.
    2. L’éco basé sur la convergence réelle : Cette monnaie serait fondée sur la convergence du PIB par habitant, avec un régime de change flexible axé sur le ciblage de l’inflation. Les États devraient converger vers les économies les plus performantes (Cap-Vert, Nigeria, Ghana). Le Nigeria pourrait jouer un rôle de locomotive, bien que cela pose des questions pratiques.
    3. L’éco-naira : Inspirée de la Zone Monétaire de l’Afrique de l’Ouest (ZMAO), cette option envisagerait une monnaie dirigée par le Nigeria pour contrer l’initiative francophone de l’éco CFA, conduisant à un système monétaire parallèle.
    4. L’éco comme monnaie commune, non unique : Une monnaie commune permettrait aux pays non prêts pour une monnaie unique de s’y associer via des accords de taux de change. Cette option vise à promouvoir le commerce intrazone et la spécialisation économique.
    Ces options reflètent la complexité des décisions autour de l’Eco, chacune ayant des implications politiques et économiques majeures. La création de l’éco constitue un véritable test pour l’intégration régionale et la souveraineté monétaire des États africains.

    En somme, pour atteindre une indépendance totale et garantir une place sur la scène mondiale, il est crucial de surmonter les divergences et de faire preuve d’une volonté politique ferme.

    Source :
    -Michel Lelart, « l’union monétaire en Afrique de l’Ouest » , Histoire de la zone Franc , in L’economie politique, P109-112, 2003
    -Histoire de l’UMOA TOME I
    -Histoire de l’UMOA TOME II
    -Histoire de l’UMOA TOME III

    – KAKO Nubukpo, Du franc CFA à l’éco en Afrique de l’Ouest , Etudes, P19-32 , 2021 , Cairn.info

    – Franc CFA | Histoire et informations | BCEAO

    -La coopération monétaire entre l’Afrique et la France : le franc CFA – Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères

    Euphrasie DJOUGBA
    Doctorante Droit Public, Finances communautaires comparées



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