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    Chronique du lundi – le gouvernement Achi 2 : un gouvernement de résultat

    Chronique du lundi – le gouvernement Achi 2 : un gouvernement de résultat
    Publié le
    Par
    Christian Gambotti
    Lecture 6 minutes
    Salon des banques de l'UEMOA et des PME

    La reconduction de Patrick Achi au poste de Premier ministre, après la démission de son gouvernement, le mercredi 13 avril 2022, était attendue. Ce premier gouvernement n’avait pas démérité, mais il fallait donner une impulsion nouvelle à l’action politique. Gouverner, en dehors d’un programme et des grandes orientations des politiques publiques, se situe toujours dans l’ordre du symbolique, afin de répondre aux exigences des circonstances, à l’effervescence des opinions publiques et à l’impatience des électeurs. Les deux symboles forts choisis par le Président Alassane Ouattara sont la reconduction de Patrick Achi, c’est-à-dire la continuité, et la nomination d’un gouvernement resserré, c’est-à-dire le renouvellement. 

    Premier symbole, la reconduction de Patrick Achi s’inscrit d’abord dans une logique de continuité avec la certitude absolue que la politique des réformes voulue par Alassane Ouattara, depuis son accession au pouvoir en 2011, serait poursuivie et que l’œuvre accomplie serait préservée. Fin connaisseur des rouages de l’État profond, gestionnaire compétent des politiques publiques et homme politique soucieux de l’unité nationale, Patrick Achi incarne véritablement la philosophie politique d’Alassane Ouattara. 

    Deuxième symbole, la nomination, le 20 avril 2022, d’un gouvernement resserré avec une feuille de route, qui obéit aux injonctions des circonstances et aux ruses de l’Histoire immédiate, montre qu’il ne s’agit plus simplement de gouverner comme avant. Gouverner, c’est toujours s’adapter aux circonstances, anticiper, prévoir. Ouattara, après avoir accepté la démission du gouvernement Achi I, déclarera : « j’ai décidé de la réduction du nombre de ministres du gouvernement. En effet, il est impératif de réduire les dépenses de l’État tout en les réorientant vers la résilience sociale et sécuritaire. » Le gouvernement qui sera nommé, « un gouvernement resserré d’une trentaine de membres », devra « renforcer l’efficacité de l’action du gouvernement ». L’objectif, face à l’effervescence des opinions publiques, est de tenir compte de la conjoncture économique mondiale actuelle et des risques sécuritaires.

    Faire de la politique, pour Alassane Ouattara, c’est agir afin de conjurer le pire à travers des résultats.  

    Lorsqu’il se présente à l’élection présidentielle, en 2010, Ouattara s’appuie sur le slogan « ADO solutions », un slogan efficace après des décennies d’instabilité politique et d’effondrement de l’économie ivoirienne. Ce sera, en 2015, le slogan « Avec ADO », décliné autour de l’ambition, la valeur travail et le rassemblement. Le leadership d’un Ouattara qui a fait ses preuves en quatre ans de gouvernance lui permet de remporter l’élection présidentielle de 2015. 

    En 2020, des circonstances exceptionnelles le conduisent à briguer un nouveau mandat. Mais, si depuis 2011, la Côte d’Ivoire évolue dans un contexte de forte croissance économique et de grands chantiers, appuyée par des institutions comme la Banque mondiale, le Fonds monétaire international et les bailleurs de fonds, la population doit faire face à d’énormes difficultés comme la cherté de la vie et un chômage fort. 

    Publié le 10 mars 2022, à Abidjan, le nouveau Mémorandum économique de la Côte d’Ivoire (CEM) de la Banque Mondiale sur l’économie de la Côte d’Ivoire, s’il note la résilience de l’économie ivoirienne, dont la diversité et le dynamisme lui permettront de rebondir dans l’Après-Covid 19, dénonce le caractère non-inclusif de la croissance. Il s’agit, pour le gouvernement Achi II, de maintenir la croissance à un haut niveau, en poursuivant la réforme des secteurs-clefs de l’économie, et de la rendre plus inclusive, notamment par la création d’emplois et une politique sociale plus affirmée.

    La rhétorique politique à l’épreuve des réalités sociales

    Personne ne conteste l’évolution suivante : la Côte d’Ivoire, depuis 1993, a vu s’aggraver la rupture du contrat politique et du contrat social qui prévalaient sous Houphouët-Boigny. Depuis le coup d’Etat de 1999 et celui manqué du 19 septembre 2002, entraînant une rébellion armée avec la partition du pays entre le nord et le sud, l’instabilité politique chronique s’est doublée d’une grave crise économique et sociale. L’élection présidentielle de 2010, loin d’être une sortie de crise, va connaître un dénouement violent avec, officiellement, plus de 3 000 morts. 

    Depuis 2011, malgré de fortes tensions politiques au moment des périodes électorales et une opposition qui refuse de participer au jeu démocratique (boycott des élections, appel à l’insurrection populaire et création d’un gouvernement de transition), la situation politique va progressivement se normaliser. Sous la décennie Ouattara, avant la crise sanitaire de la Covid 19, la Côte d’Ivoire, qui est devenue le pays le plus riche de l’Afrique de l’Ouest, n’est toujours pas parvenue à éradiquer la pauvreté et lutter efficacement contre la corruption. 

    Depuis 2020, la Côte d’Ivoire est entrée dans une ère nouvelle qui, « pour tenir compte de la conjoncture économique mondiale actuelle », a conduit le Président Alassane Ouattara à vouloir réduire les dépenses de l’Etat avec un gouvernement resserré et « réorienter les politiques publiques vers la résilience sociale et sécuritaire».

    Lorsqu’il s’est exprimé à Yamoussoukro, devant la représentation parlementaire, Ouattara a tenu à préciser la feuille de route du gouvernement Achi II. : poursuivre le deuxième programme social du gouvernement, accélérer l’industrialisation et la transformation locale des matières premières, favoriser l’emploi des jeunes, appliquer les principes de bonne gouvernance et lutter contre la corruption. La rhétorique gouvernementale ne peut pas dire autre chose. Mais, lorsqu’on interroge les populations et que l’on descend au cœur des territoires, le sentiment perdure qu’il existe un fossé entre la rhétorique politique et les résultats. 

    Alassane Ouattara et Patrick Achi mesurent pleinement l’écart qui peut exister, aujourd’hui, entre la rhétorique gouvernemental destinée à rassurer et les conséquences d’une crise sanitaire et sécuritaire inédite. La cohésion sociale ne se bâtit pas uniquement de manière normative et institutionnelle, elle se bâtit autour de la notion de confiance. La conflictualité démocratique est une réalité, car il existe, dans toutes les sociétés, une pluralité des opinions politiques, économiques, sociales et sociétales. L’instabilité politique apparaît, lorsque la conflictualité démocratique est excessive. 

    Dans un Etat moderne et une démocratie apaisée, la crise du politique est toujours une crise du résultat par rapport au projet de société que porte le gouvernement. Ouattara a toujours su désamorcer l’instrumentalisation, par des forces négatives et le militantisme partisan, de la conflictualité démocratique. Mais, il doit restaurer la confiance en répondant aux aspirations des populations : l’accès aux services de base et à l’emploi, l’amélioration des conditions de vie, la paix et la sécurité. 

    Le gouvernement Achi II ne peut pas se contenter d’être un gouvernement de combat, il doit être un gouvernement de résultat sur l’ensemble du territoire. Seuls les résultats peuvent permettre de rétablir la confiance entre les acteurs politiques et le corps social. 

    La 8ème  édition des Assemblées annuelles de l’Afcop-Grd a eu comme thème «  Pour une Afrique intégrée et solidaire : impulser une approche axée sur les résultats et centrée sur les citoyens ». Or, s’il existe une rhétorique gouvernementale du projet de société (une Côte d’Ivoire unie, solidaire et prospère), il manque une culture du résultat. Le gouvernement Achi II doit se soumettre à des processus de mesure des résultats : « J’attends de vous beaucoup plus d’initiatives et de célérité dans la mise en œuvre de notre programme », a précisé Alassane Ouattara. 

    À Madagascar, à travers l’« Initiative à résultats rapide qui porte sur 100 jours, « chaque ministre dépose un plan d’action avec des actes concrets à réaliser en 100 jours et, au terme, ils doivent rendre compte. Des sanctions sont prévues en cas de non atteinte des résultats fixés dans cette durée ».

    Christian Gambotti

    – Agrégé de l’Université – Président du think tank Afrique & Partage – Directeur général de l’Université de l’Atlantique

    Contact : cg@afriquepartage.org

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