Le poète et universitaire Thierry Sinda était, en novembre dernier, l’invité de l’université de Tuléar (sud-ouest de Madagascar) pour y faire une conférence sur la littérature au féminin. Il a par la même occasion fait à l’Alliance française de Tuléar une conférence sur l’économie sociale et solidaire en présentant son concept de micro-crédit-relais. Il nous livre pendant tout le mois de février ses impressions de voyage dans sa chronique Poétiquement vôtre diffusée tous les dimanches à 14 h (heure de Paris) sur la web radio : globe-radio.org. Ces Billets poétiques de Madagascar sont également accessibles en replay hebdomadaire. Nous l’avons rencontré.
Vous avez dernièrement fait une conférence à l’université de Tuléar intitulée Mémoires d’ébène et révolte au féminin. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette thématique ?
Elle prend appui sur l’Anthologie de recueils Mémoires et Révoltes au féminin cinq lauréates du Grand Prix Martial Sinda de la poésie francographe que j’ai publiée dans le cadre du 20e anniversaire du Printemps des Poètes des Afriques et d’Ailleurs. Elle correspond grosso modo à la préface de cette anthologie que j’ai rédigée : « Comme les amazones vont boire à la source d’ébène ». L’interrogation porte sur les rrecueils deces 5 poétesses : Cœur en chœur de Valiha Rakotonirainy ( (Madagascar Drapeau dans l’âme de Marie Annick M’Nemosyme (Réunion), Vers-Tiges de Naelle Nanda (Gabon), Silence on décolonise ! de Yonban Ladouce (Cameroun), Antécédents guadeloupéens de Sarah Sambin (Guadeloupe). La problématique, encore peu étudiée dans les universités francophones, est la spécificité d’une écriture féminine tant dans le style que la thématique où dans le traitement de la thématique. L’écrivain est habité par sa place (sociale, ethnique, genrée…) dans une société donnée qui a une culture spécifique.
Vous avez fait cette conférence devant un parterre de professeurs d’université et d’étudiants, quelle a été la réceptivité ?
Très bonne puisque c’était un sujet tout à fait nouveau pour les enseignants et les étudiants. D’après leur dire j’ai amorcé de nouvelles perspectives de recherches scientifiques qu’ils appliqueront à l’étude des écrits de la femme malgache. Le débat fut littéraire mais également social puisqu’on a débattu de sujets comme l’excision, la polygamie, la polyandrie, le polyamour, la place des femmes dans les sociétés africaines, etc. J’ai bien mis l’accent sur le fait qu’il existait deux féminismes : le féminisme blanc, où la femme cherche souvent à prendre le pouvoir sur l’homme ; et le féminisme noir, où la femme s’émancipe pour mener aux côtés de l’homme noir un combat pour le développement de l’Afrique ou pour la dignité des Noirs dans le monde.
Vous nous revenez avec un carnet de voyage de Madagascar que vous avez appelé Billets poétiques de Madagascar. D’où vous est venue cette idée ?
Le livre de bord du navigateur, le carnet de voyage, le cahier d’un retour au pays natal (à la Aimé Césaire) ou au pays de ses ancêtres (de son cœur, etc.) sont des témoignages, un état des lieux de société à moment donné vu à travers les yeux d’un auteur au sens large. Ils sont intéressants pour découvrir un pays, une ville, une région, le souffle d’un peuple. Ils peuvent être avec le temps très précieux pour les curieux avisés et pour les historiens, les chercheurs. J’ai appelé mon carnet de voyage « billets » (terme de radio) équivalent de « papier » (article) dans la presse écrite. Ces billets de voyage sont poétiques puisqu’ils sont en prose littéraire et que j’y insère des poèmes de mon cru ou d’autres poètes pour illustrer mes dires. C’est un genre tout à fait novateur auquel je suis arrivé tout naturellement puisque que tout cela s’est fait au sein de ma chronique radiophonique Poétiquement vôtre que j’anime sur la web radio internationale globe-radio.org fondée par feu le journaliste et écrivain guadeloupéen Jean-Jacques Seymour.
Quels est l’architecture de vos Billets Poétiques de Madagascar ?
Il y a dix volets de 10 minutes chacun. Je scrute Tananarive, la belle un peu déglinguée (comme toutes les capitales africaines) avec sa ville haute et sa ville basse, ses escaliers aux mille marches, son rythme de capitale. Lorsque je prends le taxi-brousse pour aller à Tuléar, je fais un road movie, en dégageant l’ambiance qui se crée entre les différents voyageurs qui passeront 24 heures ensemble. Lorsqu’ on arrive à Tuléar la nuit, je fais part de sa cacophonie musicale nocturne. Le lendemain matin, je décris l’ambiance du marché de Tuléar avec ses pousse-pousse en pagaille qui envahissent la rue du marché. Le surlendemain je me décris dans une recherche obsessionnelle de voir la mer dans une ville de bord de mer sans mer ; puis viendra l’épisode cocasse de dons de médicaments de la Fondation Abbé Fulbert Youlou ; puis celui de la conférence à l’université, puis celui encore de la conférence à l’Alliance française sur le micro-crédit-relais (concept que j’ai initié) ; et pour finir le plaisir de la découverte de la mer à Mangily. Tout cela bien pimenté avec un peu de politique en pointillé puisque c’était le moment de l’élection présidentielle.