Avec une plume fertile et affuté d’une dextérité dont lui seul a le secret, Tierno Monénembo, expose dans ce roman la vie de l’Afrique par ricochet celle de l’africain lui-même. Tierno Monénembo retrace ici le parcours d’un jeune Sierra-Léonnais et les siens de celui-ci avec l’évolution politique de son pays. En effet, celui-ci passe notamment du statut de boy d’une famille européenne à celui de militant pour le parti de l’indépendance, avant de participer à la dictacture.
Qui est donc ce Tierno Monémobo ?
Tierno Monénembo (de son vrai nom Thierno Saïdou Diallo, né le 21 juillet 1947 à Porédaka en Guinée) est un écrivain guinéen francophone, lauréat du prix Renaudot en 2008. Il a rejoint la France en 1973 afin de poursuivre ses études. Il est nommé docteur ès sciences après avoir présenté une thèse en biochimie à l’université de Lyon. Il a par la suite enseigné au Maroc et en Algérie.
Dans les écailles du ciel, avec le maniement de la langue malinké à travers l’expressionnisme de la griotique incarné par Kouloum, le plaisir de vivre, un Cousin samba, personnage principal, maudit dès le premier jour, chassé de son village, échoue à Leydi Bondi, bas quartier de la capitale pour souffrir les mille morts du pouvoir colonial puis celle du nouveau régime de l’indépendance.
Tierno Monénembo était en résidence d’écrivain à Cuba lorsqu’il apprit qu’il était le lauréat 2008 du Prix Renaudot pour un livre d’une grande rigueur historique et sociologique mais qui, assez paradoxalement, manque de souffle littéraire, comme si l’Histoire avec un grand H avait étouffé, bridé la créativité de l’auteur. Sa récompense a toutefois mis en lumière la place grandissante qu’occupent les écrivains français d’origine africaine dans la littérature francophone. Elle souligne également, même si M. Monénembo vivait en Normandie comme sur les traces du poète-président sénégalais Léopold Sédar Senghor, que l’avenir de la Francophonie, du “parler français”, se trouve au Sud.
Dans les écailles du ciel, Héros malgré lui, voici, le personnage principal, Kouloum, écartelé entre l’appel du passé et les confusions de l’Afrique. Au demeurant, de l’origine de la création de la cité imaginaire de kolisoko, possible métaphore de l’Afrique, à sa résurrection en passant par son déclin, sa chute, il a su allier et exprimer la vie de cette Afrique, notre Afrique ; à savoir, l’époque précoloniale, et post coloniale. Époque symbolique comparable à l’âge d’or, de bronze et de fer. Dans cette oeuvre, tout y est, le mythe, la régénérescence, le désastre voire le bas corporel, l’imaginaire mythique et valeurs culturelles.

Revenant à l’auteur, comme pour faire une étude comparative avec son personnage principal, en 1969, ce fils de fonctionnaire quitte la Guinée, fuyant la dictature de Ahmed Sékou Touré et rejoint à pieds le Sénégal voisin. Il va ensuite en Côte d’Ivoire poursuivre ses études avant de rejoindre la France en 1973. Il est nommé docteur ès sciences après avoir présenté une thèse en biochimie à l’université de Lyon. Il va par la suite enseigner au Maroc et en Algérie. Il publie son premier roman en 1979.
Ses romans traitent souvent de l’impuissance des intellectuels en Afrique, et des difficultés de vie des Africains en exil en France. Il a récemment consacré un roman aux Peuls et une biographie romancée à Aimé Olivier de Sanderval, un aventurier et explorateur français, admirateur de leur civilisation et devenu un “roi” Peul.
A cette occasion, cet écrivain à la double culture, française et africaine, revisite l’histoire coloniale, loin des diatribes idéologiques de certains, pour faire entrer cette période controversée dans l’imaginaire romanesque.
Il travaille actuellement sur la vie d’un Peul guinéen, héros de la Résistance en France, fusillé par les Allemands, ainsi que sur les liens unissant la diaspora noire d’Amérique avec l’Afrique.
Il a vivement critiqué le coup d’Etat militaire du 23 décembre 2008 en Guinée ayant porté au pouvoir la junte menée par le capitaine Moussa Dadis Camara, juste après la mort du président Lansana Conté, qui dirigeait le pays d’une main de fer depuis 1984. Il est resté relativement discret en 2009, tant sur le plan politique que littéraire, jusqu’au massacre de plus de 150 civils par l’armée le 28 septembre à Conakry.
Il écrit alors une tribune dans Le Monde intitulée “Guinée, cinquante ans d’indépendance et d’enfer” pour condamner cette tuerie et appeler la communauté internationale à agir. “La Guinée se meurt, le monde a le droit de le savoir, le monde a le devoir de s’en indigner. Les Guinéens méritent la compassion des autres nations”, écrit-il. Le jugement de Dadis Camara et ses acolytes ne vient-il pas une fois de plus lu donner raison ?
En réalité, l’auteur « parvient à négocier avec l’indicible, à voler la parole au silence qui aurait dû être la réponse attendue face à l’abjection que suscite la perversion des valeurs normatives »
“Les écailles du ciel” Tierno Monénembo les éditions Seuil. 1986.