Le mercredi 4 octobre 2017, la ministre du Plan et du Développement, Kaba Nialé a fait le bilan de la première année d’exécution du Plan National de Développement PND-(2016-2020). Elle s’est félicité au vu des résultats obtenus avec seulement 38% du taux de réalisation du plan, qui selon elle démontre la bonne santé de l’économie ivoirienne et l’attractivité de notre pays au regard du taux d’investissement privé (70%). Mais au fond, qu’est-ce qui a vraiment changé en Côte d’Ivoire au regard des objectifs de ce deuxième PND après celui de 2012-2015 ?
Pour le savoir, il faut parcourir les 133 pages (subdivisées en 4 chapitres de 523 paragraphes et 12 recommandations) du tome 1 du rapport intitulé « PND 2016-2020, Rapport de mise en œuvre-Année2016 » de la direction générale du plan et de la lutte contre la pauvreté (ministère du Plan et du Développement) édité en août 2017, dont Afrikipresse a obtenu copie.
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En effet, c’est depuis 2012 que le gouvernement ivoirien a mis en place un ambitieux programme de redressement et de développement pour faire de la Côte d’ivoire, un pays émergent à l’horizon 2020. Pour y parvenir, un premier Plan National de Développement (PND) couvrant la période 2012-2015 avait été élaboré. Sa mise en œuvre a permis la réalisation de résultats importants dans tous les secteurs permettant d’atteindre un taux de croissance économique moyen annuel de 9% du PIB. Cependant, le pays est resté toujours confronté à de nombreux défis face auxquels un nouveau plan couvrant la période 2016-2020 a été élaboré. Ce deuxième plan s’articule autour de cinq axes stratégiques majeurs :
1-Le renforcement de la qualité des institutions et de la bonne gouvernance
2-L’accélération du développement du capital humain et la promotion du bien-être social
3-L’accélération de la transformation structurelle de l’économie par l’industrialisation
4- Le développement des infrastructures harmonieusement reparties sur le territoire et la préservation de l’environnement
5-Le renforcement de l’intégration régionale et de la coopération internationale.
A-Au titre du renforcement de la qualité des institutions et de la bonne gouvernance
La Côte d’Ivoire a adopté une nouvelle Constitution par référendum le 30 octobre 2016. Elle a crée un cadre permanent de concertation entre l’Etat et les organisations de la société civile pour la prévention des conflits. Plus de 2520 ayants droit des victimes des crises passées ont été indemnisées. Plusieurs constructions et réhabilitations d’infrastructures ont été opérées dans l’administration centrale de la Défense et de la Sécurité.
B- Au titre de l’accélération du développement du capital humain et la promotion du bien-être social
Des améliorations significatives ont été faites dans le domaine de l’éducation et de la formation, avec un accroissement des capacités d’accueils, le recrutement des enseignants et la distribution gratuite des kits scolaires. Des réformes ont également été initiées et mises en œuvre pour répondre à la question de l’inéquation entre la formation et l’insertion des jeunes. Dans le domaine de la santé, des efforts ont permis le renforcement de la capacité d’accueil, l’amélioration de la lutte contre le VIH/ Sida, et le paludisme. En matière se sport, les interventions ont porté essentiellement sur les mises aux normes internationales des infrastructures culturelles et sportives afin d’accueillir les 8e jeux de la francophonie 2017 et préparer l’organisation de la CAN 2021.
C- Au titre de l’accélération de la transformation structurelle de l’économie par l’industrialisation
Le secteur de l’agriculture et du développement rural ont mis en œuvre des réformes qui ont permis d’améliorer les revenus des paysans. Le prix du kilogramme de cacao a connu une progression de +29,41% passant de 850FCFA en 2015 à 110 FCFA en 2016, celle de l’anacarde +27,7% de 275FCFA à 350FCFA et celui du café à 650FCFA. Une enveloppe de 100 milliards de FCFA débloquées pour la relance des productions vivrières de contre-saison. Environ 2 220 km de pistes agricoles réhabilitées, 14 territoires villageois délimités et 1621 certificats fonciers délivrés.
Concernant l’environnement des affaires en 2016, la Côte d’ivoire s’est classée dans le top 10 des meilleurs pays réformateurs au monde, tout en se maintenant à la 142e place au classement global. Par ailleurs, elle est classée 17eme parmi 47 pays Africains.
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Concernant le secteur minier, un code d’investissement a été adopté par l’arrêté N°002 du 11 janvier 2016 relatif aux procédures d’attribution des autorisations et titres miniers avec la fermeture de 110 sites illicites ; 66 orpailleurs clandestins ont été interpellés et 41 sites recolonisés ont été déguerpis. Grâce aux mesures incitatives prises en faveur des investisseurs en 2016, la Côte d’Ivoire est devenue le premier broyeur de cacao (500.000 tonnes de fèves broyées) devant la Hollande, les Etats-Unis. En outre, 62 ha à PK24 ont été aménagés en vue de l’extension des zones industrielles. Enfin concernant l’énergie et l’électrification rurale, la capacité énergétique de 1805 MW en 2015 est passée à 1924 MW en fin 2016 avec un taux de couverture passant de 53,21% à 80,5%.
D-Au titre du développement des infrastructures harmonieusement reparties sur le territoire et la préservation de l’environnement
Il faut noter plusieurs réalisations à travers le pays. Notamment, le prolongement de la route Abobo-Anyama longue de 5 km et le renforcement de la section Adzopé-Fleuve Comoé (C2D) longue de 80 km ; la route Boundiali-Frontière mali longue de 124 km a été aménagée. Concernant le transport ferroviaire, les activités dans ce secteur se sont accrues avec une augmentation de 1,1% du volume, soit 804 793,4 tonnes de marchandises en 2016. La réhabilitation de l’axe « Comoé-Abengourou-Agnibilekro » long de 87,5km financée par l’Union européenne.
Concernant le transport aérien, le cumul du nombre de voyageurs commerciaux enregistre un accroissement de 16% pour se situer à 1 829 000 passagers à l’aéroport Félix Houphouêt-Boigny d’Abidjan. Le niveau des vols intérieurs a connu une croissance de 54,5%.
Concernant le sous-secteur portuaire et fluvio-lagunaire, du matériel de plongée subaquatique et AIS (automatic identification system) ont été acquis. La libéralisation du transport lagunaire a permis la création de deux sociétés (la société de transport lagunaire STL et la compagnie Ivoirienne de Transport Lagunaire CITRANS). En termes de trafic, le port enregistre une bonne tenue des marchandises générales qui ont augmenté de 4,6%. En termes d’échanges commerciaux, les exportations ont connu une hausse de 1,7% tandis que les importations ont reculé de 2,0%.
Au niveau de l’accès à l’eau potable, 16 systèmes HVA (hydraulique villageoise améliorée) du projet Kfw8ont été réalisés. Pour rappel, face au constat du difficile accès à l’eau des populations notamment en zone rurale, l’Etat de Côte d’Ivoire et la KfW , une banque allemande, ont depuis 1973 créé un cadre de coopération et de partenariat pour l’amélioration des conditions de vie des populations rurales. Ainsi en 2016, ce sont 100 nouveaux forages ont été équipés de pompe à motricité humaine (PMH). 100 autres PMH obsolètes remplacées, 500 comités féminins de gestion des points d’eau installés.
Concernant le domaine de la salubrité urbaine, des infrastructures de gestion de déchets solides, ménagers et assimilés dans les 31 régions et 2 Districts autonomes du pays ont été construites. De plus un centre de santé, ainsi que 3 sites de substitution sont crées et une convention a été signée pour l’ouverture de décharge d’ordures ménagères dans le District d’Abidjan.
Concernant l’assainissement, l’amélioration du cadre institutionnel a permis l’actualisation du schéma directeur d’assainissement et de drainage (SDAD) des villes de Yamoussoukro, Bouaké, San Pedro, Daloa ainsi que la réalisation de celui de Korhogo et d’Abengourou. Quant à la ville d’Abidjan, le diagnostic de son schéma directeur d’assainissement a été réalisé en vue de son actualisation.
Au niveau du secteur de la construction et urbanisme, un code est élaboré. Aussi, pour permettre l’amélioration du traitement des actes, 12 nouveaux guichets sont construits et le Système d’Information Géographique (SIG) du foncier rural urbain est rendu opérationnel.
Au niveau de l’environnement et du développement durable, l’OIPR est équipé en matériels techniques de surveillance et de suivi écologique. Pour mesurer la qualité de l’air, une station semi mobile et 3 stations fixes sont acquis. Dans le secteur des eaux et forêts, un poste forestier est construit à Pacobo.
Enfin au niveau des PTIC (poste et télécommunication), la capacité de l’Ecole Supérieure Africaine des TIC (ESATIC) est renforcée ; Une unité d’Exécution (UEP) dans le cadre du projet d’aménagement de la zone franche de Grand Bassam (VITIB) est opérationnelle.
E-Au titre du renforcement de l’intégration régionale et de la coopération internationale
Un port sec, l’usine de Bio larvicides et des marchés de bétail sont construits à Ferkessedougou, Ouangolodougou et Niélé.
Le gouvernement a assuré le retour de 560 ivoiriens de l’extérieur en détresse. Par ailleurs, les opérations de rapatriement des refugiés ivoiriens se sont poursuivies avec le retour en 2016 de 18.014 réfugiés.
En matière de diplomatie, le gouvernement a participé activement à 18 fora internationaux à caractère économiques. S’agissant de la modernisation de l’outil diplomatique, trois (3) nouvelles ambassades (Australie, Kenya et Congo Brazzaville) ont été ouvertes. La Côte d’Ivoire désormais est présente dans 138 pays sur 197 pays membres de l’ONU, soit 17,13% de taux de couverture.
En matière de renforcement du cadre de coopération bilatérale et multilatérale, 68 accords générateurs de ressources additionnelles pour le développement ont été signés et le pays a participé à 57 réunions et rencontres internationales dont 10 sommets des Chefs d’Etat et de Gouvernements. Notons par ailleurs que le conseil de sécurité de l’ONU a levé définitivement l’embargo imposé sur les armes à la Côte d’ivoire et décidé de la fin du mandat de l’ONUCI depuis le 30 juin 2017 consécutive aux progrès réalisés sur la voie de la paix et de la stabilité.
Aussi, le rapport, après la présentation des résultats globaux obtenus en 2016, met aussi en lumière les contraintes majeures rencontrées dans la mise en œuvre du plan et formule des recommandations afin d’envisager les ajustements nécessaires permettant de poursuivre de manière plus satisfaisante la mise en œuvre des actions au cours des prochaines années, notamment la faible dotation budgétaire pour le suivi-évaluation et la production des statistiques au niveau sectoriel et l’absence de parquet financier autonome placé sous l’autorité du président de la république plombe fort bien l’efficacité de la répression des actes de corruption et d’infractions assimilées. Trois ministères ont été interpellés, à savoir, le ministère en charge de l’Economie, des Finances et du Budget (il faudra rendre accessible les ressources dédiées), ministère en charge du Plan et du Développement ( il faudra organiser une large diffusion publique du PND 2016-2020), ministère des Eaux et Forêts ( introduire les actions du ministère dans la matrice d’actions prioritaires du PND).
A l’endroit des partenaires au développement, le rapport recommande une amélioration des capacités de décaissement des financements alloués par les partenaires et la coordination des appuis selon les acteurs. Enfin à l’endroit de la primature, le rapport recommande l’amélioration du dispositif légal et réglementaire en ce qui concerne les modalités d’application de la déclaration de patrimoine afin de lui permettre d’atteindre les objectifs de prévention et de lutte contre la corruption et les infractions assimilées et renforcer l’autonomie financière de la haute Autorité pour la Bonne Gouvernance.
Philippe Kouhon