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    Chronique du lundi – la CAN organisée par la Côte d’Ivoire, les jeux olympiques et paralympiques organisés par la France : que valent des investissements lourds sans projets inclusifs et supplément d’âme ?

    Chronique du lundi – la CAN organisée par la Côte d’Ivoire, les jeux olympiques et paralympiques organisés par la France : que valent des investissements lourds sans projets inclusifs et supplément d’âme ?
    Publié le
    Par
    Christian Gambotti
    Lecture 6 minutes

    Les investissements lourds engagés par la Côte d’Ivoire pour l’organisation de la CAN et la France pour les Jeux Olympiques et Paralympiques ne sont que des bâtiments et des routes en plus, s’il n’y a pas des projets inclusifs et un supplément d’âme qui font que les populations se sentent concernées avant, pendant et après le déroulement ce type d’événements de portée mondiale. 

    La Côte d’Ivoire a parfaitement réussi l’organisation de la CAN. Des stades aux normes internationales ont été construits, des infrastructures économiques et des routes ont été réalisées. La Côte d’Ivoire a investi plus de 1 000 milliards de francs CFA (environ 1,6 milliard d’euros) pour des infrastructures « de classe Coupe du monde », ce qui a permis d’accueillir « la meilleure CAN jamais organisée en Afrique ». 

    En un temps record, à la demande du président de la République, Alassane Ouattara, et sous l’impulsion du Premier ministre, ministre des Sports, Robert Beugré Mambé, le 13 Janvier 2024, jour du premier match de la CAN, la Côte d’Ivoire était prête. 

    Pour l’organisation des Jeux Olympiques et paralympique, la France a rendu, en temps et en heure, une copie parfaite. Quels sont les grands gagnants de la CAN et des JO ? La réponse est évidente : les pays organisateurs, la Côte d’Ivoire pour la CAN, la France pour les JO. 

    La Côte d’Ivoire et la France ont montré leur capacité à organiser des événements de dimension internationale et de portée mondiale, ce qui accroît leur rayonnement et leur influence sur la scène internationale. Ouattara et Macron ont accueilli de nombreux dirigeants étrangers, le sport, qui est devenu l’un des outils essentiels du soft power, leur conférant une véritable puissance diplomatique. 

    Il faut ajouter les retombées économiques que rapportent aux pays organisateurs de tels événements : droits de diffusion, ventes de places, développement économique multisectoriel (tourisme, hôtellerie, restauration, services), partenariats internationaux, etc.

    Le sport, accélérateur de soft power

    Le soft power peut se définir comme la mise en œuvre, de manière douce, non-coercitive, de stratégies d’influence de façon à orienter les décisions des différents partenaires et acteurs de la scène internationale. La diplomatie était autrefois liée à la puissance militaire avec, comme finalité, la conquête de territoires et l’asservissement des populations. 

    La diplomatie est devenue ensuite une diplomatie économique avec, comme objectif, la prise de parts de marché. La diplomatie économique, avec le triomphe de la culture de Davos, entretient l’illusion d’une mondialisation heureuse, ce qui se traduit par l’affaiblissement de l’ONU au profit l’OMC (Organisation Mondiale de Commerce). Le traité commercial, nouvelle norme des relations internationales, remplace le traité de paix, signé à la fin d’une guerre. 

    La Chine l’a très bien compris. Son dirigeant, Xi Jinping, suit l’enseignement du célèbre traité de Sun Tzu, « L’Art de la guerre » : « ceux qui sont experts dans l’art de la guerre soumettent l’armée ennemie sans combat. Ils prennent les villes sans donner l’assaut et renversent un État sans opérations prolongées ». La Chine s’empare de l’Afrique par la diplomatie économique. 

    Aujourd’hui, la diplomatie passe par tous les outils du soft power : la culture, la mode, la cuisine, le sport, le tourisme, mais aussi le modèle de développement. La Chine présente son modèle de développement comme une alternative au modèle de développement occidental qui a échoué en Afrique.

    Elément devenu central dans le rayonnement d’un pays, le sport est un accélérateur du soft power. Le Qatar, un petit pays, est devenu un acteur incontournable des relations internationales en misant, très tôt, sur le sport, contrairement à l’Arabie saoudite qui est en train de rattraper son retard dans ce domaine. 

    La visibilité de tout événement sportif important s’est accrue de façon exponentielle avec l’émergence des nouveaux moyens de communication, la multiplication des chaînes de télévision et l’immédiateté que confèrent les réseaux à l’information. 

    Qui diffusait les matches de la CAN organisée en 1984 en Côte d’Ivoire ? Les matchs de la CAN 2021, qui se déroulait au Cameroun, ont été regardés par plus de 500 millions de personnes sur différentes chaînes de télévision et les réseaux sociaux. Ce sont 2 milliards de personnes ont regardé la CAN 2023 dans le monde entier. L’essor de l’usage des outils numériques et télévisuels permet aux pays organisateurs de mieux se faire connaître auprès de centaines de millions de personnes, des partenaires internationaux et des investisseurs. 

    Conclusion

    Le gain diplomatique et le gain économique, dans le cas de la CAN 2023 et des JO 2024, sont réels. La Côte d’Ivoire a montré sa puissance économique. Le gain politique est plus difficile à évaluer pour les dirigeants. 

    Alassane Ouattara peut défendre l’idée que la réussite de la CAN, en termes d’organisation, vient confirmer que la Côte d’Ivoire est bien installée sur la trajectoire du développement économique. Le triomphe de l’équipe nationale ivoirienne apporte ce supplément d’âme qui consolide le sentiment patriotique, – ce qui n’est pas un nationalisme étroit et belliqueux -, qui existe au cœur des grandes nations et des sociétés multiethniques dont les populations sont réconciliées entre elles. La CAN, incontestablement, sert les intérêts du camp présidentiel. 

    Quant à Emmanuel Macron, la trêve olympique lui  a permis de gagner du temps et de repousser la nomination d’un Premier ministre et la formation d’un gouvernement. Quelques mois après la CAN, deux semaines après la fin des JO, la classe politique des deux pays doit affronter un retour au réel. Les scènes politiques nationales ne sont jamais apaisées. La rue africaine, la rue française et les jeunes générations sont impatientes, ce qui est légitime. 

    Construire plus de routes et plus de bâtiments n’est pas suffisant, il faut que ce qui est construit profite aux assiettes des populations et contribue à l’amélioration des conditions de vie. La CAN pour la Côte d’Ivoire et les JO pour la France ont permis de consolider le soft power des deux pays, qui assument ainsi leur place dans le concert des Nations. Il reste à développer autour de ces événements, dans une démarche durable, ce supplément d’âme et ces projets inclusifs sans lesquels il n’est pas possible, pour un pays, de bâtir demain. L’organisation d’un événement majeur doit toujours intégrer, dans un plan global, des projets inclusifs qui répondent aux priorités et aux urgences aussi bien nationales que locales.

    Christian GAMBOTTI –  Agrégé de l’Université – Président du think tank Afrique & Partage –  Président du CERAD (Centre d’Etudes et de Recherches sur l’Afrique de Demain) – Directeur général de l’Université de l’Atlantique (Abidjan) – Chroniqueur, essayiste, politologue. Contact : cg@afriquepartage.org

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