A quelques semaines de l’ouverture officielle du XVème Sommet de la francophonie qui a lieu du 29 au 30 novembre prochain à Dakar, nous avons rencontré Mamadou Mbodj, coordonateur national du M23. Il n’a pas été tendre au sujet de cette grande rencontre socioculturelle de l’espace francophone.
« Vis-à-vis de ce Sommet, j’ai un point de vue contrasté. La francophonie est un moyen pour les peuples de se rencontrer et elle favorise aussi des actions pour des populations. C’est vrai que l’organisation est dirigée par un Sénégalais, c’est vrai qu’à la faveur de cet événement, il y aura la construction d’un palais de congrès flambant neuf, à Diammadio (le site où se tiendra le Sommet). C’est vrai que l’organisation se préoccupe des diversités culturelles, des choses multiples, telles que l’éducation, la formation, etc. Donc, il se passe des choses intéressantes au regard de la géopolitique mondiale. Seulement, je pense que cette forme d’intégration à travers la langue française est aussi une forme de maintien et de continuation de la colonisation », a-t-il lâché, le lundi 13 octobre, dans les locaux de ladite structure, à Dakar.
Puis, notre interlocuteur de poursuivre : « Je dis bien la colonisation parce qu’en vérité, une langue charrie toujours une culture. Et les catégories linguistiques sont fortement liées aux catégories culturelles. De ce point de vue, on sait toujours que dans une langue, on projette toujours la vision du monde, propre à une culture. Lorsque les colons ont voulu s’imposer, ils ont d’abord imposé leur culture et de ce point de vue, la francophonie, c’est clair, dans les textes, est de renforcer et de réconforter la langue française dans le concert des nations. Cette façon de concevoir les choses, se fait malheureusement au détriment de nos langues nationales. Si on prend le cas du Sénégal par exemple, le français est resté la langue d’enseignement. Alors que les cours préscolaires et élémentaires se font mieux à travers la langue maternelle plutôt qu’une langue seconde, une langue étrangère qui est apprise difficilement par les tiers. Voyez-vous, lorsqu’un enseignent quitte le pays Diola et part enseigné dans la région du Serere, il parle français aux enfants, vous voyez que ça passe difficilement. Et il lui faudra parfois un interlocuteur, un interprète. Ce qui fait parfois perdre à nos enfants un temps énorme », dit-il.
Pour le président de ce mouvement de la société civile sénégalaise, la francophonie prône une langue qu’elle veut garder en suprématie sur les langues nationales Et de ce point de vue, poursuit-il, « il y a quelque part, une difficulté à accepter ce maintien, cette primauté, ce privilège accordé à cette langue là, qui est un handicap dans l’éducation de nos enfants. C’est un handicap sérieux ». Pour Mamadou M’bodj, la francophonie devrait, en termes de réparation, poser un grand pas pour le mal qui selon lui, « a été fait à nos cultures, à nos langues en supportant les frais de la reconstitution et la revalorisation de ces langues-là ».
Evoquant ensuite le Projet Sénégal Emergent (PSE) cher à Macky Sall, il a salué le souci de développement qui anime le président sénégalais, toutefois il a regretté que ce dernier ait « calqué son projet sur le modèle occidental ».
Le M23 est le ‘’Mouvement des forces vives de la nation’’, comme on l’appelle au Sénégal, lequel mouvement est né à la faveur du projet de loi d’Abdoulaye Wade qui caressait le vœu de modifier la constitution et de briguer un troisième mandat. Ce mouvement a alors appelé toutes les couches sociopolitiques et s’est mobilisé de juin 2011 à mars 2012, dans la rue. Cette mobilisation a débouché sur l’élection de l’actuel Macky Sall, désormais lui-même, dans le viseur du Mouvement.
Claude D, à Dakar
