40 jours après le sommet du G5 Sahel (Mali, Burkina Faso, Niger Tchad, Mauritanie) à Ndjamena, au Tchad, tenu le 16 février 2021, les djihadistes sous la pression des forces mixtes africaine et européenne, ont trouvé comme pays de retrait, la Côte d’Ivoire. Mais s’ils ont pu faire fortune au Sahel surpris, la Côte d’ivoire devrait être leur fin de course. Notre analyse.
Le 16 février dernier, le sommet du G5 Sahel tenu à Ndjamena, a été élargi aux pays du Golfe de Guinée. Motif, renforcer la coordination entre les pays du G5 Sahel et les Etats du golfe face au risque d’extension de la menace terroriste. Surtout depuis quelques incursions dans la région Ouest Atlantique, notamment en Côte d’ivoire.
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Un pays qui sort d’une crise postélectorale et où le tissu social est encore fragile. Comme ce fut le cas au Mali et au Burkina Faso lorsque ces deux pays connurent leurs premières invasions terroristes favorisées par des contradictions internes.
Le Mali et le Burkina Faso, du Sahel aux portes de la Côte d’ivoire
Le Mali et le Burkina Faso sont les deux pays frontaliers au nord de la Côte d’Ivoire. Le 24 janvier 2012, une centaine de soldats maliens sont exécutés dans la petite localité d’Aguelhok, près de la frontière algérienne. L’œuvre fut des indépendantistes Touaregs ( mouvement national de libération de l’Azawad, le Mnla) et Desperados salafistes (Ansar Dine, Aqmi, Mujao) , sorte d’appendice de Boko Haram implanté au Nigeria. Ces derniers défiaient le pouvoir du président Amadou Toumani Touré dit ATT.
Le 21 mars 2012, un groupe de soldats maliens conduit par le capitaine Amadou Haya Sanogo marchent sur le palais présidentiel de Koulouba pour exiger des explications suite à ce massacre. Ils finiront par chasser ATT du pouvoir. Depuis, le Mali n’a cessé d’essuyer la barbarie des djihadistes.
Le Burkina Faso quant à lui est devenu le théâtre d’attaques djihadistes réguliers depuis 2015. Que l’on soit au Mali ou au Burkina Faso, le climat de défiance de l’opinion nationale à l’égard du pouvoir central a été l’une des causes de cette incursion terroriste. Qu’en est-il pour la Côte d’ivoire ?
Les séquelles de la rébellion du 19 septembre 2002
Le 19 septembre 2002, la Côte d’ivoire connaissait sa toute première rébellion . Mais celle-ci était purement interne. Un conflit armé inter-ivoirien. Même s’il a contribué à fragilisé le pays avec des conséquences encore palpables aujourd’hui et surtout au Nord du pays. Coupé en deux, la partie Nord de la Côte d’ivoire aux mains des rebelles de Soro Guillaume s’est enfoncée dans la pauvreté durant plus d’une décennie.
Côte d’Ivoire 2016, Première attaque terroriste
Le 13 mars 2016, la Côte d’ivoire est attaquée pour la première fois par des terroristes sur son flanc sud-est. La ville balnéaire de Bassam, est attaquée en pleine journée. Bilan, 22 tués et 33 blessés. Elle fut revendiquée par AQMI ( Al Qaïda au Maghreb islamique). Étaient visés, les touristes européens.
L’État ivoirien qui a pris au sérieux cette attaque a multiplié ses efforts surtout au niveau du renseignement et en collaboration avec les forces européennes et onusiennes installées au Sahel.
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Aussi si les autorités ivoiriennes ont dit déjouer plusieurs attentats depuis l’attaque de Grand Bassam, le conseil national de sécurité ( CNS) présidé par le président de la république, Alassane Ouattara continue de se réunir tous les mercredis avant le conseil des ministres pour évaluer les risques de menaces terroristes sur le sol ivoirien.
Kafolo: entre pleurs et hantise
Le 11 juin 2020, soit quatre ans après l’attentat de Grand Bassam, la Côte d’ivoire renoue avec le terrorisme sur son sol. L’attaque du camp militaire de la petite localité de Kafolo non loin de la frontière avec le Burkina Faso à fait 13 morts côté ivoirien.
9 Mois plus tard, les djihadistes sont revenus sur le même lieu.
Dans la nuit du 28 au 29 mars 2021, ils attaquent simultanément la localité de Kafolo et celle de Kolobodougou toutes deux situées au Nord-est près du Burkina Faso. Bilan, 2 militaires ivoiriens tués, 3 victimes coté assaillants et des interpellations. La psychose installée dans les esprits, les populations tout comme les forces militaires paniquent depuis.
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Le 1er avril 2021, les réseaux sociaux prennent le relais et annoncent d’abord une explosion d’engin improvisé ( EEI) à 7 km de Kafolo puis une nouvelle attaque le 4 avril à Kafolo. Contrairement à Grand Bassam, toutes ces dernières attaques au Nord n’ont pas encore été revendiquées. Ce qui met les autorités ivoiriennes en alerte maximale.
Le parc national de la Comoé (1.148.756 ha), le nouveau nid des djihadistes
Après leur forfait et bientôt leur défaite au Sahel précisément au trois frontières ( Burkina Faso-Mali-Niger), les djihadistes qui ont pris leurs jambes au cou pourraient trouver refuge dans le parc national de la Comoe près de la frontière avec le Burkina Faso.
Selon le site de OIPR (office ivoirien des parcs et réserves), le Parc national de la Comoé est le plus vaste de Côte d’Ivoire et l’un des plus grands d’Afrique de l’Ouest. Il est à cheval sur les départements de Téhini et Doropo au nord, de Bouna au nord-est, de Nassian au sud et Dabakala au sud-est, ainsi que Kong à l’ouest et au nord-ouest. Avec une superficie de 1.148.756 hectares, il est classé en 1983 au patrimoine mondial de l’UNESCO comme réserve de biosphère.
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L’accès à ce site est facilité par un réseau routier très dense et un fleuve navigable à pirogue avec des affluents qui l’irriguent. Malheureusement, cette zone frontalière du nord de la Côte d’ivoire très poreuse pourrait devenir le prochain nid des djihadistes.
La Côte d’Ivoire sous haute surveillance
Comme décidé au sommet du g5sahel à N’djamena le 16 février 2021, les forces Barkhanes, la Minusma et les la force conjointe militaire africaine du G5SAHEL (FC-G5sahel) seront bientôt renforcées par la Task Force Takuba venue de plusieurs pays européens.
Mais avant, le FC-G5sahel (5000 hommes ) connaîtra un renfort de 1200 hommes issus du bataillon tchadien et 3000 hommes promis par l’union et (UA).
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A Ndjamena, il a été également question d’une coordination désormais au niveau du renseignement entre toutes ces forces et les forces armées nationales dans les pays du golfe de Guinée, notamment en Côte d’ivoire, qui abrite déjà une académie internationale de lutte contre le terrorisme. Et où les chefs d’états ont promis la création d’un centre régional de fusion et de renseignement face à l’incursion de groupes armés, le trafic de drogue, d’armes ou l’immigration clandestine.
Les djihadistes peuvent-ils échapper à tous ce dispositif sécuritaire pour prendre pied au nord de la Côte d’ivoire ?
Enfin, si plusieurs groupes terroristes ont été neutralisés, à l’instar du groupe EIGS ( état islamique dans le grand Sahara), il reste encore le RVIM (rassemblement pour la victoire de l’islam et des musulmans) à surveiller de près. Il serait selon une source élyséenne toujours très actif dans la zone de Lipkato-Gourma aux trois frontières.
Philippe Kouhon