Jamais un sommet de l’Union Africaine n’avait été autant attendu. Rarement une rencontre de l’organisation panafricaine avait suscité autant d’intenses tractations en amont. On se demande bien pourquoi tout ce “vouvouzela“ ? la raison on peut le dire sans sourciller: c’est le sommet des gros enjeux. Et, l’un de ces enjeux va laisser des traces. C’est plus qu’une certitude.
En effet, les 17 et 18 Juillet, les chefs d’Etats et de gouvernements des pays membres de l’Union Africaine se réunissent à Kigali dans la capitale rwandaise pour le 27è sommet de l’organisation. Cette rencontre est attendue car elle revêt des enjeux de taille. Entre la désignation d’un nouvel président de la commission, la volonté affichée de certains pays de se retirer de la CPI, l’enlisement du conflit au Sud Soudan et le casse tête que constitue la lutte contre le terrorisme, on peut dire que le sommet sera tout sauf une partie de plaisir pour les participants. D’ailleurs, on a entendu dire que « ça sera une vraie bataille ce sommet ». Hummm… on en salive déjà. Surtout quand on sait un peu comment l’on se bat à l’UA, ça promet en effet.
Ce qui est clair, c’est que ceux qui ont pour dessein de venir en tourisme dans la capitale rwandaise devront passer leur tour. Le tourisme, ce n’est pas pour cette fois. Un calendrier bien remplir donc, mais qui se voit déjà aménagé.
CPI : sortira, sortira pas ?
Certainement pas. Du moins, pas maintenant. La décision ne sera en tout cas pas prise à l’issue de ce sommet rwandais. En effet, ce point a été retiré de l’ordre du jour des discussions. Pourquoi ? Parce que tous les chefs d’Etat n’ont pas la même lecture ni la même qualification de cette juridiction internationale. Pour la plupart des pays de l’Est du continent, il n’y a pas de doute. La Cour Pénale Internationale est une juridiction raciste, taillé sur mesure contre les africains et au service de ce qu’ils appellent l’impérialisme. Le Kenya demande donc un retraire collectif pur et simple. Quant au Rwanda, il a déjà fait savoir par l’intermédiaire de son Ministre des affaires étrangères qu’il n’a pas ratifié le statut de Rome. Par conséquent, il ne se sent pas concerné par les injonctions de cette cour. Le Président soudanais Omar El Béchir qui est sur le coup d’un mandat d’arrêt de la cour est donc plus que la bienvenue à Kigali.
Autre côté du continent autre son de cloche. A l’Ouest en effet, ce n’est pas la même chanson. La Côte d’Ivoire par exemple qui collabore avec la CPI depuis 2011, voit d’un mauvais œil une telle décision. Le Nigéria ne trouve pas « nécessaire » une telle démarche à l’état actuel et le Ghana s’y oppose simplement. Une question qui étale donc les divergences entre les pays au grand jour. Ainsi, ce qui devait être l’un des enjeux majeurs du sommet, ne le sera plus faute de consensus. D’ailleurs y a-t-il un sujet sur lequel ils sont d’accord ? Peut-être…
Le terrorisme, ce casse tête
Déjà confronté au terrorisme avec des pays comme le Nigéria, la Libye, le Tchad, le Cameroun, la Tunisie etc. de nombreux pays membres de l’organisation font leur entrée dans ce cercle macabre. Bamako, Ouagadougou et dernièrement Grand-Bassam près d’Abidjan, de nouveaux pays sont en effet touchés par cette barbarie. Face au phénomène, l’UA ne s’est pas encore vraiment montré à la hauteur. Seuls des communiqués laconiques après chaque attaque et plus rien ensuite. Pourtant tous semblent d’accord pour dire que seule une réponse collective pourrait être efficace et permettre de venir à bout de cette nébuleuse. Mais cette réponse collective se faire attendre toujours. Va-t-elle venir à l’issue de ce sommet ? C’est l’une des grandes questions.
Sud Soudan, la fin de la récré ?
Peut-être bien. Cette fois, la dame de fer semble déterminer. Elle a tapé du poing sur la table. En affirmant que « ce qui se passe au Soudan du Sud est totalement inacceptable », on est en droit de penser que c’est la fin de la récréation. D’autant qu’elle a ajouté que le sommet de Kigali doit dire « trop, c’est trop ». On voit bien la détermination et la volonté affiché de la présidente de commission sur ce dossier. Au moment où elle effectue ses derniers jours à la tête de l’organisation panafricaine, va-t-elle en faire une affaire personnelle de sorte à marquer le coup et finir son mandat en beauté ?
La succession de Madame Dlamini Zuma
Justement, la fameuse question de la succession de Madame Dlamini Zuma dont le mandat à la tête de l’organisation arrive à son terme reste l’enjeu principal du sommet. On a encore en tête le feuilleton entre le gabonais Jean Ping et elle même en 2012 où elle a été désignée finalement. Mais que ce fut dur.
Quatre ans après, comme si cet épisode n’avait pas servir de leçon, un nouveau clash au sommet sur la même question se profil. Le combat pour la succession de celle qui avait été désigné après un bras de fer sans nom risque d’être encore plus coriace, plus dur, plus impitoyable. Et seuls les durs devraient en survivre. Comme toujours dira-t-on. Quoi que…
Pourtant, l’on pouvait se dire que cette fois, les choses seront plus simple, plus tranquille. Sauf qu’on est en Afrique. J’allais dire malheureusement. Mais, la réalité est qu’en Afrique, même les choses qui semblent les plus simples au monde sont compliquées. Rien ne se fait donc simplement, tranquillement. Parce qu’on a cette fâcheuse tendance à ne pas respecter les règles du jeu. On cherche toujours à changer les règles au cours du jeu. Et forcément, cela fait désordre.
Un désordre qui ne semble déranger personne. Au contraire, on aurait dit qu’il plait à tous tant d’énormes efforts sont déployés pour qu’il en soit ainsi. La question reste donc la même. Qui succédera à la Sud-Africaine Nkosazana Dlamini-Zuma au poste de président de la Commission de l’Union africaine (UA) ?
Officiellement, la liste a été arrêtée le 31 mars, et il y a trois candidats : l’Équato-Guinéen Agapito Mba Mokuy, la Botswanaise Pelonomi Venson-Moitoi et l’Ougandaise Speciosa Wandira-Kazibwe. Mais la réponse pourrait se faire attendre. Car nombre de chefs d’État ne cachent pas le peu d’enthousiasme que leur inspirent ces personnalités peu connues. Ils souhaiteraient que la liste des candidatures soit rouverte pour permettre à des candidats dits d’envergures d’émerger. Et pour cela, des noms circulent comme le Sénégalais Aboulaye Bathily ou l’ancien président Tanzanien Jakaya Kikwété. Dans ce bazar, l’élection pourrait être reportée à janvier 2017.
Mais on n’en est pas là. On en est loin même d’ailleurs. Car à l’Union Africaine, les choses peuvent aller vite. Souvent même très vite voire trop vite. On l’a vu avec ce revirement spectaculaire il y a peu et le volte face sur la crise burundaise. Les chefs d’Etat avaient fini par renoncer à envoyer des troupes dans ce pays déchiré par une guerre civile. Pourtant cette option semblait actée quelques jours auparavant. A l’UA, chacun se bat avec ses armes. Et l’une des armes les plus redoutables, est bien évidemment le chéquier plus que le carnet d’adresse. Et Dieu seul sait combien de feuilles compte celui du président l’Equato-guinéen Obiang, qui, selon toute vraisemblance, ne devrait pas rester les bras croisés et regarder ce coup de force se produire.
Une chose est sûr, c’est le peuple africain qui devra encore une fois “trinquer“. Car il est évident que toute cette guéguerre n’est pas sans conséquences sur les relations entre les pays. A suivre donc…
Traoré Bakary