L’Afrique du Sud a besoin de se rendre à l’évidence : le temps où les compagnies aériennes nationales étaient une source de fierté est révolu. Certains transporteurs nationaux, comme South African Airways (SAA), s’illustrent par leur mauvaise gestion. Ils doivent être liquidés pour préserver la fierté de la nation.
Partout dans le monde, la représentation des compagnies aériennes nationales comme un symbole des Etats-nations est sur le déclin. Les entrepreneurs privés ont envahi le marché et le succès de quelques transporteurs nationaux, comme Ethiopian Airlines, Emirates et Singapore Airlines s’explique par des conditions particulières. A quelques exceptions près, la situation dans les pays en développement est telle qu’ils ne peuvent plus supporter le fardeau financier de compagnies aériennes nationales. L’Afrique du Sud, qui fait face à des difficultés économiques, est un exemple typique. L’agence internationale Standard and Poor a d’ailleurs averti que, compte tenu de la fragilité des entreprises publiques, dont la SAA, le pays a manqué de justesse d’être rétrogradé à une position défavorable.
Si la SAA est actuellement maintenue à flot, c’est grâce aux garanties financières fournies par le gouvernement, soit un montant de 14 milliards de rands qui pèsent sur les contribuables. Ce n’est pas la première fois que la compagnie est en difficulté mais, maintenu sous perfusion de fonds publics, elle est toujours là et empêche une concurrence saine de s’installer.
Une concurrence déloyale
La compagnie aérienne a encore une fois fait la une de l’actualité pour son implication dans la disparition de Nationwide Airlines, l’un de ses rares concurrents sur les lignes intérieures. Cette situation n’est pas du tout à l’avantage des clients.
La Nationwide a été liquidée puisqu’elle ne pouvait pas rivaliser avec la SAA. Le tribunal Gauteng High Court South a jugé que l’abus de position dominante sur le marché de la SAA entre 2001 à 2006 a contribué à cette liquidation. En conséquence, il a condamné la SAA, le 9 août 2016, à payer à Nationwide Airlines une amende de 104 millions rands. Si l’intérêt est ajouté aux dommages-intérêts, le montant peut doubler pour atteindre 200 millions rands. Apparemment la SAA n’a pas l’argent pour payer cette amende. Cela est évident du fait que, même avant le procès, elle avait demandé au gouvernement une garantie supplémentaire de 5 milliards rands.
Il n’y a pas de doute que la SAA va faire appel de la décision du tribunal. Après tout, lorsque les contribuables soutiennent des entreprises défaillantes telles que la SAA, faire appel est toujours une option facile. C’est coûteux, mais ce sont les autres qui payent.
Une compagnie mal gérée
Cette compagnie aérienne nationale de l’Afrique du Sud est dans un tel état de précarité qu’elle a retardé la publication de ses états financiers quatre fois au cours des 10 derniers mois. Aucune raison convaincante n’a été avancée. Le défaut de publication de ses états financiers à temps est en partie le reflet de l’incompétence de la direction qui a conduit la compagnie aérienne vers la déroute au cours des dernières années. Elle a d’ailleurs connu, au cours des 10 dernières années, une instabilité du leadership sans précédent avec des changements fréquents au conseil d’administration et au poste de chef de la direction.
Le détenteur actuel du mandat de président du conseil, Dudu Myeni, a atteint à nouveau un niveau de gouvernance scandaleuse. Il est clair que Myeni n’est pas qualifiée pour le poste de présidence du conseil d’administration de la SAA et a gardé son poste uniquement en raison de sa relation étroite avec le président Jacob Zuma.
Les citoyens ordinaires sont les grands perdants
Les clients sont les grands perdants dans tout cela. Beaucoup sont aussi des contribuables, et ce sont leurs contributions fiscales durement gagnées qui fournissent des garanties à la SAA, lui donnant ainsi le pouvoir d’évincer de manière déloyale les concurrents. Tout cela augmente le coût des billets d’avion au détriment du même groupe de personnes qui finance la SAA par l’impôt. C’est terriblement frustrant pour les usagers et la seule voie acceptable serait un retrait du gouvernement sud-africain dans la SAA, si toutefois quelqu’un était intéressé à la reprendre.
Mais la SAA n’a manifestement aucune valeur. Le simple fait qu’elle soit maintenue grâce à une garantie de 14 milliards rands et qu’elle ait demandé une rallonge de 5 milliards rands le confirme. Le gouvernement sud-africain ne peut plus se permettre de renflouer sa compagnie aérienne nationale, ni les contribuables sud-africains d’ailleurs.
Jannie Rossouw, Directeur du School of Economic & Business Sciences, Université de Witwatersrand.
Article publié en collaboration avec Libre Afrique.