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    Chronique du lundi – la coopération et la solidarité entre les États de la sous-région : rétablir la confiance entre la CEDEAO et l’ AES

    Chronique du lundi – la coopération et la solidarité entre les États de la sous-région : rétablir la confiance entre la CEDEAO et l’ AES
    Publié le
    Par
    Christian Gambotti
    Lecture 5 minutes
    Salon des banques de l'UEMOA et des PME


    Les difficultés d’être ensemble pour une sous-région forte

    La CEDEAO (Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest), établie par le traité de Lagos signé le 28 Mai 1975, regroupe quinze pays : Bénin, Burkina, Côte d’Ivoire, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée-Bissau, Liberia, Mali, Niger, Nigeria, Sénégal, Sierra Leone, Togo. L’objectif de la CEDEAO est de renforcer les coopérations entre les pays membres en créant un marché intégré à l’échelle sous régionale pour le commerce des biens et des services, la libre circulation des personnes et des capitaux, la coopération en matière de sécurité, la mise en œuvre des dispositifs de lutte contre les crises climatiques et la défense des institutions démocratiques. Mais, il est toujours difficile d’être ensemble.


    ● Le domaine économique – Le point faible de la CEDEAO, comme de toutes les CER (1), est l’insuffisance en matière d’intégration productive et de mise en place de capacités productives qui se complètent entre les pays membres. L’intégration commerciale sous régionale se heurte à l’insuffisance des infrastructures de transport et à des législations qui, dans chaque pays, créent des barrières commerciales destinées à protéger les marchés nationaux de la concurrence régionale.


    ● Le domaine politique – Longtemps reconnue comme un pôle de stabilité, la CEDEAO est aujourd’hui contestée. Trois pays, – le Burkina Faso, le Mali et le Niger -, ont quitté, le 29 janvier 2025, la CEDEAO pour des raisons politiques largement documentées et ont créé l’AES (Alliance des Etats du Sahel). La création de l’AES est une réponse directe aux prises de position de la CEDEAO contre les putschistes militaire : menace d’une intervention militaire, lourdes sanctions économiques et financières, absence de soutien dans la lutte contre le terrorisme. La CEDEAO étant accusée d’être le soutien des anciennes puissances coloniales, l’impact négatif des sanctions économiques (ralentissement économique, pénuries alimentaires et de médicaments) ont alimenté au Sahel un sentiment anti-CEDEAO amplifié sur les réseaux sociaux et par les guerres informationnelles.


    ● Le domaine sécuritaire – L’Afrique de l’Ouest et le Sahel sont confrontés à des menaces terroristes aggravées par la porosité des frontières dans toute la sous-région et, dans certaines Etats, par l’instabilité politique et l’étendue des territoires à sécuriser. Les causes qui ont conduit à l’échec des politiques de développement et de sécurité au Sahel sont multifactorielles : mauvaise gouvernance nationale et locale, sous-emploi massif, difficultés économiques et sociales, pauvreté extrême, litiges fonciers (guerres des terres et de l’eau), dégradations environnementales, corruption, etc.).


    ● Le domaine de l’ordre constitutionnel et des institutions démocratiques – La CEDEAO observe une tolérance zéro à l’égard des coups d’Etat militaires et des prises de pouvoir anticonstitutionnelles. Elle ne pouvait que condamner les coups d’Etat militaires au Sahel et poser la question du retour à l’ordre constitutionnel et du maintien des institutions démocratiques. De leur côté, les militaires putschistes ont dénoncé l’échec des gouvernements civils dans la lutte contre la pauvreté, l’insécurité et la corruption

    La nécessité d’être ensemble pour bâtir une sous-région forte

    L’Afrique de l’Ouest, l’Afrique en général et le monde sont entrés dans une ère nouvelle, de plus en plus instable. Les coups d’Etat militaires au Sahel sont les indices de l’instabilité régionale liée à des fragilités politiques, économiques et sociales. Aucun Etat de l’Afrique de l’Ouest n’est à l’abri d’un coup d’Etat militaire ou de la menace terroriste. Aujourd’hui plus que jamais, il est nécessaire pour tous les Etats de l’Afrique de l’Ouest d’être ensemble, au-delà des divergences idéologiques, pour bâtir une sous-région forte, ce qui suppose une collaboration entre les Etats membres de la CEDEAO et les Etats de l’AES.

    ● Vers une alliance entre la CEDEAO et l’AES
    En se rendant au Burkina Faso, au Mali et au Niger, du 8 au 10 mars 2025, le président ghanéen, John Dramani Mahama, a jugé que l’AES est désormais une « réalité irrévocable » dont la reconnaissance est une « nécessité » pour la CEDEAO. Il plaide alors pour un renforcement de la coopération économique entre la CEDEAO et l’AES, les économies et les peuples de la sous-région étant interdépendants. L’AES, qui n’a pas quitté l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), est sur cette ligne, le Mali, le Burkina Faso et le Niger affirmant leur « ferme volonté de renforcer, dans un esprit panafricain (2), les mécanismes visant à faciliter la libre circulation des personnes et des biens dans l’espace ouest-africain ». Fait nouveau : la prise en compte de la coopération militaire. La mission de la force militaire conjointe des Etats membres, créée pour intervenir afin de rétablir l’ordre constitutionnel en cas de passation forcée du pouvoir, pourrait être réorientée afin de venir en appui aux armées nationales des pays du Sahel pour lutter contre le terrorisme djihadiste qui gagne du terrain dans la sous-région.


    ● Le pouvoir décisionnel de la Côte d’Ivoire au sein de la CEDEAO – Le Togo, le Ghana et le Sénégal militent pour un rapprochement et une coopération renforcée avec les pays de l’AES. La Côte d’Ivoire est sur cette ligne. Le temps où le président ivoirien était accusé par Bamako d’avoir incité la CEDEAO à durcir les sanctions contre les militaires maliens est révolu. Une diplomatie proactive doit lui permettre de pacifier ses relations avec le Burkina Faso et le Mali. Principale puissance économique de la sous-région et îlot de stabilité, la Côte d’Ivoire dispose d’un important pouvoir décisionnel au sein de la CEDEAO. Dans l’intérêt des Etats et des populations de l’Afrique de l’Ouest, mais aussi pour sa propre sécurité, la Côte d’Ivoire doit s’investir dans le rétablissement d’une confiance rompue sur fond de rivalités géopolitiques. La logique de coopération entre la CEDEAO et l’AES, dans le respect de la souveraineté de chaque État, loin de la bataille des narratifs idéologiques, est une nécessité absolue (3).


    (1)Les CER sont des Communautés Economiques Régionales. L’Union Africaine reconnaît huit CER.
    (2)Si le panafricanisme politique est un mythe trompeur, le panafricanisme économique pragmatique sous régional ou continental doit devenir une réalité.
    (3)La bataille des narratifs idéologiques appartient au vieux monde. Cette bataille, orchestrée par des puissances étrangères, a toujours conduit l’Afrique à porter et subir le lourd fardeau de l’Histoire.

    Christian GAMBOTTI – Agrégé de l’Université – Président du think tank Afrique & Partage – Président du CERAD (Centre d’Etudes et de Recherches sur l’Afrique de Demain) – Directeur général de l’Université de l’Atlantique (Abidjan) – Chroniqueur, essayiste, politologue. Contact : cg@afriquepartage.org

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