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    Chronique du lundi – l’après CAN 2024 : bilan et perspectives

    Chronique du lundi – l’après CAN 2024 : bilan et perspectives
    Publié le
    Par
    Christian Gambotti
    Lecture 6 minutes
    Salon des banques de l'UEMOA et des PME

    Alassane Ouattara et la CAN

    La CAN 2024 aura été pour la Côte d’Ivoire une réussite totale. Le bilan, qu’il soit sportif, économique, social, diplomatique, mais aussi en termes de politique intérieure, est, pour le Président Alassane Ouattara, à la fois éminent économiste et fin politique, extraordinairement positif. 

    En préparant l’organisation de la CAN, le Président Ouattara savait qu’il devait être au rendez-vous de l’organisation du sacre sportif, du football business et du football soft power. Pour certains, la chance vient au secours d’Alassane Ouattara, depuis son accession à la présidence de la République. Il bénéficie d’un perpétuel alignement des planètes dans tout ce qu’il entreprend : « miracle économique » avec une croissance forte et régulière depuis 2011, « miracle sportif » avec le sacre des « Eléphants », « miracle politique » avec la création du RHDP qui a vu se multiplier le ralliement des élus de l’opposition. 

    Je ne crois pas à la chance. La chance n’est qu’un adjuvant nécessaire qui se provoque de façon à éviter le hasard. Il existe en réalité des circonstances qui offrent des opportunités qui vont permettre à certains, parce qu’ils en ont l’intelligence, l’intuition, la volonté et les compétences, d’atteindre les objectifs qu’ils se fixent. 

    Pour Alassane Ouattara, il n’existe qu’un seul objectif : reconstruire la Côte d’Ivoire et bâtir une nation unie et prospère. Pour cela, il faut conquérir le pouvoir politique. Il créera le RDR, il sera élu président de la République. Puis, parce que les circonstances le demandent, il créera le RHDP, parti présidentiel avec lequel il remportera toutes les élections. Est-ce de la chance ? Non. Il s’agit d’une formidable intuition, l’intuition étant cette musique intérieure que l’on écoute. 

    Il sait que l’organisation de la CAN ne relève pas d’un simple enjeu sportif. Il sait que la victoire attendue de l’équipe nationale de football ivoirienne n’est pas un simple sacre sportif dans un pays et un continent qui sont des terres de football. Sa compétence ? Choisir les meilleurs pour les mettre au bon endroit, à la bonne place. Tout le monde s’est étonné de la nomination de Robert Beugré Mambé au poste de Premier ministre en charge aussi du ministère des Sports. 

    L’intuition lui fait penser que Robert Beugré Mambé est l’homme de la situation, à la fois éminemment politique et formidable « ingénieur » des infrastructures économiques et sportives. Le ministre des sports, Robert Beugré Mambé, parle au Premier ministre, Robert Beugré Mambé : les choses vont plus vite. En même temps, Alassane Ouattara aura préparé, depuis des années, avec les gouvernements précédents, l’organisation de la CAN, mesurant les formidables retombées économiques, sociales et diplomatiques que peut rapporter un tel événement  de portée continentale et mondiale, s’il est réussi. Or, la réussite est totale.

    Émerse Faé et la CAN  

    Certes ancien joueur international, connu des seuls spécialistes du football ivoirien, mais entraîneur totalement inconnu au début de la CAN, il a été nommé sélectionneur par intérim après la déroute des « Éléphants » face à la Guinée Équatoriale. Le sacre des « Éléphants » le projette dans la lumière. Je ne crois pas à la chance qui serait venu au secours d’Émerse Faé. Les circonstances font qu’Émerse Faé est, le 24 janvier 2024, la bonne personne au bon moment au bon endroit pour remobiliser les joueurs ivoiriens. 

    Son intuition et ses compétences font qu’il va miser sur Sébastien Haller, arrivé blessé à une cheville et qui deviendra un héros national, sur Badra Ali Sangaré, Max-Alain Gradel, Serge Aurier et Seko Fofana, proches de leur retraite internationale, sur un tout jeune joueur de 22 ans, Simon Adingra, l’ailier ivoirien élu homme du match de la finale face au Nigeria. Peu bavard, Émerse Faé n’a pas tenu des grands discours à ses joueurs. 

    Ses compétences : la composition et les choix tactiques, le jeu de l’équipe, une connaissance de l’âme ivoirienne et de l’orgueil de ses joueurs, la certitude que la Côte d’Ivoire est une bonne équipe. Il a choisi de faire travailler tactiquement l’équipe, sachant que les joueurs étaient capables de puiser dans leur orgueil pour se surpasser et éviter une nouvelle humiliation.

    Alors que le président de la FIF avait évoqué une mission d’intérim, il vient de nommer Émerse Faé sélectionneur-entraîneur de l’équipe nationale. Faé travaillera avec le même staff technique, dont Guy Demel qui l’avait rejoint et avec qui il avait évolué en sélection nationale. On ne change pas un staff technique qui gagne. Faé et Demel devront qualifier la Côte d’Ivoire pour la CAN 2025 au Maroc et pour la Coupe du monde 2026, qui se déroulera aux États-Unis, au Canada et au Mexique. 

    Pour Emerse Faé, « notre nouveau statut de champions d’Afrique nous oblige à nous qualifier ». En juin, la Côte d’Ivoire, jouera contre le Gabon et le Kenya des matches de qualification pour la Coupe du monde. Tout va très vite. Mais, Émerse Faé ne compte pas sur la chance pour se qualifier, il mise sur le travail, la qualité de ses joueurs et leur volonté de se surpasser. 

    Premier test : la Côte d’Ivoire rencontrera, dans un match amical, en Chine, l’Argentine de Lionel Messi, l’équipe championne du monde. Ce n’est pas uniquement un match de prestige, mais un véritable test.

    Le bilan économique, social et diplomatique, voire politique  

    La CAN a permis trois choses : 1) la consolidation de l’économie ivoirienne, c’est le bilan économique avec des opportunités offertes dans tous les secteurs d’activité en lien avec la réhabilitation et la construction des infrastructures (routes, stades, lieux d’hébergements, etc.), le développement de nombreux écosystèmes (tourisme, restauration). 2) la fierté d’être ivoirien en montrant au monde une Côte d’Ivoire qui évolue et se transforme, ce qui renforce la cohésion sociale 3) le rayonnement de la Côte d’Ivoire dans la sous-région, sur le continent et sur la scène internationale, c’est le bilan diplomatique J’ai parlé aussi de gain politique plus difficile à évoluer. 

    Personne ne sait quelles seront les circonstances politiques en 2025, lors de l’élection présidentielle, alors que l’Afrique de l’Ouest connaît aujourd’hui de profonds bouleversements avec la multiplication des zones de conflictualité. La promesse faite par Alassane Ouattara d’organiser « la plus belle CAN de l’histoire » a été tenue. 

    Tous les Ivoiriens et toute la classe politique vivent des moments de communion autour d’une cause commune, le football, avec fierté d’être Ivoiriens. Laurent Gbagbo, l’un des leaders de l’opposition, salue « un effort collectif et un vibrant esprit de patriotisme ». Pour Tidjane Thiam, devenu le patron du PDCI, cette victoire est une « leçon de résilience et de détermination ». 

    Le gain politique est incontestable pour Alassane Ouattara et le camp présidentiel. Les populations vivent pour l’instant un rêve éveillé. Alassane Ouattara est dans la position qui lui permet d’avancer dans les réformes et de préparer avec encore plus de sérénité les prochaines échéances électorales. Il est suffisamment intelligent pour ne pas être victime du syndrome d’Aladin. Aladin possède cette lampe merveilleuse qu’il suffit de frotter pour voler au-dessus du réel. Lorsque s’estomperont les effets de l’euphorie provoquée par le sacre des « Éléphants », le camp présidentiel sera obligé de redescendre sur terre et de se confronter au réel.

    Christian GAMBOTTI –  Agrégé de l’Université – Président du think tank Afrique & Partage –  Président du CERAD (Centre d’Etudes et de Recherches sur l’Afrique de Demain) – Directeur général de l’Université de l’Atlantique (Abidjan) – Chroniqueur, essayiste, politologue. Contact : cg@afriquepartage.org

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