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    Interview Exclusive – Depuis Paris : Newton Ahmed Barry sans pitié pour capitaine IB 

    Interview Exclusive – Depuis Paris : Newton Ahmed Barry sans pitié pour capitaine IB 
    Publié le
    Par
    Joel Touré
    Lecture 21 minutes
    Salon des banques de l'UEMOA et des PME

    Dernier Président de la Commission Électorale Nationale Indépendante à avoir organisé des élections générales apaisées au Burkina Faso sous un régime démocratique, Newton Ahmed Barry fait partie des rares Burkinabè courageux qui osent critiquer à visage découvert, la junte militaire au pouvoir à Ouagadougou. 

    Dans cette interview exclusive accordée à L’INTELLIGENT D’ABIDJAN à Paris, cet ancien journaliste émérite dresse le bilan de presque bientôt 3 ans de gestion du pouvoir des militaires, répond à certaines accusations de la junte actuellement dirigée par le capitaine Ibrahim Traoré qu’il n’épargne d’ailleurs pas ici, et pour qui il est sans pitié. Alors là, pas du tout ! Pourquoi ? Lisons donc…

    1) Vous êtes le dernier Président d’une CENI à avoir organisé une élection présidentielle au Burkina Faso, votre pays. Cette élection présidentielle s’est d’ailleurs déroulée dans de bonnes conditions en se soldant par l’élection ou du moins, par la réélection de façon démocratique, du Président du Faso en l’occurrence le Président d’alors, Roch Marc Christian Kaboré. Aujourd’hui, cela fera bientôt 3 ans que le processus démocratique dans votre pays a été stoppé par l’irruption des militaires au pouvoir. Dites-nous, qu’est-ce qui n’a pas marché au Burkina Faso pour que la démocratie ait été assassinée en pleine journée, un lundi 24 janvier 2022 ?

    Qu’est-ce qui n’a pas marché ? Disons pour être sarcastique même si le sujet est très grave, que ce fut hélas le retour à la tradition. Au Burkina, l’exception c’est l’Etat de droit. La règle c’est plutôt les régimes militaires. Nos militaires ne supportent pas de vivre en dehors du palais présidentiel. Et puis pour ne rien arranger, nous avons une élite politique et intellectuelle qui ne sait pas se réaliser autrement qu’en étant accroché aux ceinturons des militaires. Sinon avec l’insurrection des 30 et 31 octobre 2014, les Burkinabè avaient fait l’option d’un État de droit démocratique et conséquemment s’étaient dotés des institutions et d’une législation la plus avancée du continent. 

    Au niveau des élections spécifiquement, nous menions une expérience inédite avec une institution vraiment indépendante et une ingénierie électorale performante. Nous avions mis en chantier un processus qui devrait nous permettre d’instituer un fichier électoral reflet de l’état de la population, adossé à l’état civil, notamment la base de données de la Carte d’identité occasionnant une mise à jour « quotidienne » du fichier électoral. 

    En arrimant le fichier électoral à la base de données de la Carte d’identité, la mise à jour du fichier électoral devenait automatique. Le système repère et réfère automatiquement les nouveaux majeurs à la Commission électorale. Ils sont inscrits et alertés de leur inscription sur le fichier électoral, avec un souhait de bienvenue. Ce qui était inédit sur le continent. Nous avions entrepris et réussi cette réforme avec l’appui de l’OIF (Organisation internationale de la Francophonie). 

    Toujours dans le domaine électoral, nous avions à cœur la soutenabilité des élections. L’enjeu des élections en Afrique ce sont les coûts des scrutins. Les ratios sont très élevés. Dans la bonne pratique, le ratio est de 6 dollars l’électeur. C’est à dire environ 3000 FCFA l’électeur. Or dans nos pays ce coût peut aller jusqu’à 20 dollars l’électeur, soit 10.000 FCFA l’électeur. Ce qui est insoutenable pour nos pays avec des risques de dégoûter les citoyens des élections. 

    [ Les militaires qui ont échoué sur le champ de bataille contre les terroristes ont trouvé la lumineuse idée de s’ériger en rédempteurs de la vie de la nation ]

    La réforme du fichier électoral nous permettait d’amorcer cette soutenabilité en ramenant le coût/électeur à moins de 10 dollars. C’est à dire à moins de 5000 FCFA. Mais le processus démocratique burkinabé avait institué une justice vraiment indépendante. Les procureurs burkinabè étaient indépendants de l’Exécutif. Ce qui est une première en Afrique. Tout ça a été détruit par le retour des militaires au pouvoir. Le paradoxe c’est que les militaires qui ont échoué sur le champ de bataille contre les terroristes ont trouvé la lumineuse idée de s’ériger en rédempteurs de la vie de la nation. 

    Bien évidemment ils ont transplanté les ruines du front sur la vie politique. Aujourd’hui tout est quasiment en ruine. Nous avons un régime du type Pol Pot (Khmères rouges) qui veut forger un Burkinabé nouveau dans les camps d’éducation situés au front de la guerre. Ce régime veut rééduquer même les juges qui sont déportés au front, quand ils rendent une décision contraire à la volonté du capitaine/président. La situation est terrible. 

    Avant les militaires, nous avions l’insécurité et nos institutions politiques en place. Avec les militaires nous avons toujours l’insécurité et nous n’avons plus nos institutions et nos libertés. En fait nous n’avons rien gagné au change.

    2) Le pouvoir d’État au Burkina Faso est passé des mains d’un putschiste, le lieutenant-colonel Paul Henri Sandaogo Damiba qui dirigeait le MPSR 1, aux mains d’un autre putschiste le capitaine Ibrahim Traoré dit « capitaine IB », qui préside à ce jour, concomitamment, le MPSR 2 et la présidence du Faso. Savez-vous ce qu’il s’est réellement passé entre ces 2 militaires que certains observateurs burkinabè disaient très proches, pour que l’un chasse l’autre à la tête du pays ?

    Il faut croire que c’est la fameuse loi des séries qui s’attache aux coups d’État. Un coup d’État en appelle toujours un autre. Le colonel Damiba était considéré par les capitaines, surtout le premier d’entre eux, comme un usurpateur. Au bout d’un moment, les capitaines ont repris « leur chose ». Pour justifier leur forfaiture, ils se sont découverts des vertus révolutionnaires. Comme la Russie de (Vladimir) Poutine attendait à la porte, ils l’ont fait entrer et ont expulsé la France. 

    [ Les capitaines ont fait du Burkina Faso une autre Corée du Nord ]

    Ensuite, ils se sont accommodés avec les narratifs prêt-à-porter. Comme on dit, de la façon on fait son lit, on se couche. Avec le parrainage de Poutine ils ont fait comme leur nouveau maître. Ils ont jeté par dessus bord la démocratie, et se sont érigés en Petit Père du peuple. Ils (NDLR : les capitaines) ont fait du Burkina Faso une autre Corée du Nord coupé de tous ses voisins utiles et de tous ses partenaires indispensables. 

    C’est le Burkina de IB (surnom de Ibrahim Traoré) qui ne peut rien contre les terroristes et qui s’est surarmé pour se protéger de ceux qui le contestent et pour faire une guerre à haute «intensité» à la Côte d’Ivoire. Une haine de la Côte d’Ivoire dont on peine à trouver une explication rationnelle. 

    Pour se prémunir d’éventuels coups d’État, il a fait appel aux mercenaires russes. Ce sont les Russes qui assurent sa sécurité. Les prétoriens qu’il a recrutés en masse, (VDP et BIR : NDLR : Volontaires pour la défense de la patrie et Brigade d’intervention rapide) mal formés, passablement équipés et sous payés concurrencent les terroristes en exactions sur les pauvres populations prises en tenaille. Pourvu que le front soit tenu loin de la capitale. Les autres grandes villes du pays sont pour l’essentiel sous blocus des groupes terroristes. Les villages sont abandonnés. 

    [ IB a remplacé Damiba pour faire pire…]

    Les populations ont la liberté de se débrouiller pour échapper aux terroristes et venir s’entasser dans les villes sous blocus pour y vivre la misère des PDI (NDLR : Personnes déplacées interne). Celles qui n’y arrivent pas se soumettent aux terroristes en attendant qu’une expédition des prétoriens gouvernementaux vienne les massacrer. Car celui qui ne s’est pas débrouillé pour fuir une zone abandonnée par l’Etat est considéré comme terroriste ou complice des terroristes et « traité ». Jargon militaire pour dire «exécuté». Peu importe que ce soit une femme, un bébé ou un vieillard. De Karma, Zaongo, Nodin à Barsalogho. Quand les terroristes vous épargnent, les prétoriens de IB vous exécutent. 

    IB a remplacé Damiba, pour faire en tout, pire que ce qu’il lui reprochait. Et surtout, IB ne sait pas ce que respecter une parole donnée veut dire. Tout ce qu’il a promis, il l’a oublié. Il ne se souvient plus avoir promis de vaincre le terrorisme en trois (03) mois et d’organiser les élections en moins de douze (12) mois, en rassurant la CEDEAO que son délai de douze (12) mois, pour un retour à la vie constitutionnelle normale, était trop long. Au final il a quitté la CEDEAO, ne parle plus de la lutte contre le terrorisme et il s’est fait instituer PRÉSIDENT DU FASO pour des années et des années. 

    IB a un collège électoral qui le reconduit à chaque fois que de besoin, selon une procédure inédite. Le collège est enfermé dans une salle sous la menace des partisans qui encerclent les lieux avec un quantum de durée du mandat présidentiel à octroyer. Quand c’est fait et bien fait, un service traiteur vient servir du riz gras avec de la viande. Les partisans se restaurent et se dispersent en attendant la prochaine échéance. Les thuriféraires ne tarissent pas d’éloges pour une trouvaille aussi géniale qui fait économiser des milliards de francs CFA au peuple.

    3) Cela fera bientôt 2 ans, que le capitaine IB préside aux destinées de votre pays le Burkina Faso. Ses partisans et certains laudateurs affirment haut et fort qu’il contrôle actuellement 70% du territoire national et que les GAT (Groupes armés terroristes) quant à eux, en contrôlent seulement que 30%. Selon eux, cette situation n’était pas le cas avant la prise effective du pouvoir de leur champion en 2022. Si cela est avéré, on peut donc déduire que la lutte contre les Groupes armés terroristes menée par le capitaine IB aurait payé ou est en train de payer …Ou bien, pensez-vous que ces chiffres qu’ils avancent sont-ils faux ?

    Avant d’évaluer les conquêtes, il l’eut fallu au préalable établir les critères d’appréciation. En septembre 2022, combien de villes étaient sous emprise des terroristes et en octobre 2024 combien de villes ont été reconquises ? Ce faisant, le calcul allait être plus aisé et plus scientifique. Or empiriquement, aucune ville sous emprise terroriste en 2022 n’a été aujourd’hui libérée. Pire, plusieurs villes et villages en 2022 accessibles ne le sont plus. 

    [ Pour le premier semestre de 2024, il y a eu plus de 15.000 tués au Burkina ]

    Sauf à être dans le jeu de qui perd gagne, il est difficile de valider les 70% du territoire désormais sous contrôle de la junte. Comme il n’est plus permis d’émettre un avis contraire à la junte, il faut donc prendre ça pour argent comptant. Même quand toutes les évidences disent le contraire. Ainsi, selon les organismes spécialisés dans les questions terroristes, en six mois, c’est-à-dire pour le premier semestre de 2024, il y a eu plus de 15.000 tués, populations civiles et militaires compris, du fait du terrorisme. Soit le double du bilan de l’année 2023 à la même période. 

    Les villages ont continué à se vider. Régulièrement, la junte annonce des villages reconquis et des populations réinstallées. Sauf qu’elle se garde de nommer les villages en prétextant que c’était pour ne pas les exposer aux représailles des terroristes. Nous sommes donc dans une situation où un gouvernement doit se cacher pour reprendre des villages et installer ses propres populations. Si c’était vrai, c’est à tout le moins l’expression d’une impuissance terrible. Quand on contrôle on le fait savoir. Un gouvernement ne peut pas se comporter comme un ras voleur.

    La junte a annoncé qu’elle contrôle 70% du territoire. On attend qu’elle le montre. Pour l’instant, passez un rayon de 100 kms autour de Ouagadougou, et vous n’êtes plus en sécurité. S’il fallait une preuve, il y a quelques jours, plus précisément le 10 octobre 2024, deux avocats qui ont voulu rejoindre Bobo-Dioulasso, la capitale économique, en évitant les inondations sur la principale route qui relie les deux capitales du pays, se sont fait enlever et tuer par des terroristes. Ces terroristes avaient érigé un Check point sur la route nationale reliant Dedougou à Bobo-Dioulasso. 

    [ Pour la junte, le mensonge n’est pas un problème ]

    Comme si les terroristes voulaient narguer les statistiques de la junte, leur Check point avait été érigé dans le village natal du capitaine Ibrahim Traoré. Comment est-ce possible que 70% du territoire soit sous contrôle gouvernemental et pas le village du capitaine/président, Bondokuy, qui est situé dans une zone proclamée reconquise. C’est tout le paradoxe de la situation. 

    Mais pour la junte, le mensonge n’est pas un problème. Il n’y a pas de mensonges mais des vérités gênantes. C’est effectivement gênant de réaliser qu’on a fait des promesses qu’on ne peut pas tenir. Il n’est pas dans les habitudes de la junte de reconnaître qu’elle a pu se tromper. Alors pourquoi s’imposer une telle pénitence quand le mensonge résout tout et n’engage à rien.

    4) Dans certaines vidéos de propagande diffusées par les GAT (Groupes armés terroristes) sur les réseaux sociaux, l’on constate que plusieurs combattants de ces groupes parlent le « Fulfuldé », la langue parlée en majorité par les Peulh au Burkina Faso, groupe ethnique d’ailleurs d’où vous êtes originaire. Quel commentaire faites-vous de ce constat…

    Oui c’est pas faux, sauf qu’il faut pour être tout à fait complet ajouter qu’ils commencent toujours par réciter les versets du Coran, en Arabe. Ils ont toujours dit agir pour le compte de l’Islam ou d’un certain Islam, dont ils veulent faire la promotion. Ils n’ont jamais dit qu’ils agissaient pour et au compte de la communauté Peulh. Il faut donc voir l’utilisation de la langue Peulh comme un véhicule local. 

    La majorité des populations de cette région utilisait le Peulh comme langue du quotidien. La preuve, en octobre 2019, comme président de la CENI, à Arbinda, une ville aujourd’hui sous blocus et où a été perpétré l’un des graves massacres contre les Peulh après Yirgou, c’est en langue peulh, le Fulfuldé, que nous avons tenus la réunion de lancement de l’enrôlement des électeurs pour les élections générales, présidentielle et législatives de 2020. Pourtant Arbinda est une ville Sonraï. De plus en plus, à mesure que le terrorisme descend dans les autres zones du pays, on constate l’utilisation des autres langues du pays par les terroristes, notamment le Mooré et le Bambara. 

    [ Les chefs coutumiers, les Imams et chefs religieux ont été les premières cibles des terroristes ]

    Il y’a cependant une vérité qu’il faut bien considérer. La région habitée par les Peulh a été la première à être en contact avec les groupes terroristes arabes et touaregs en provenance du Sud algérien et du Nord malien. Il se trouve que ces régions habitées majoritairement par les Peulh étaient aussi celles qui accumulaient toutes les frustrations sociales et politiques du pays. Ce qui en a fait un terreau fertile pour les idées du Djihad promettant une certaine justice sociale et une certaine équité sociale. 

    Mais malgré cela, l’implantation des terroristes n’a pas été instantanée. Il y a eu des résistances et les terroristes pour s’installer, ont dû décimer toutes les légitimités sociales et locales. Les chefs coutumiers, les Imams et chefs religieux ont été les premières cibles des terroristes. Puis ils s’en sont pris aux institutions de l’Etat. Les forces de l’ordre, les administrations et les écoles. Progressivement ils ont fait le désert et ont pris l’ascendant dans les esprits des populations déjà marginalisées et stigmatisées. 

    Puis les exactions de l’administration et des FDS (NDLR : Forces de défense et de sécurité) ont fait le reste en poussant tous les rescapés des injustices dans les bras des terroristes. Certains y sont allés car contraints. D’autres y sont allés pour trouver les moyens de venger un père, une mère ou un frère exécuté ou violé par les FDS parfois sous leurs yeux. 

    Ce qui a progressivement poussé les jeunes Peulh à rejoindre les groupes terroristes. Si vous regardez rétrospectivement, les foyers terroristes sur le territoire burkinabé recoupent trois fondamentaux : – ce sont des zones où les indicateurs de développement sont les plus faibles, taux de scolarisation inférieur à 10%, alors que la moyenne nationale est au tour de 60%, – ⁠la profondeur et la sévérité de la pauvreté (selon l’IDH du PNUD 2014) y sont le plus accentué, – ⁠enfin, les régions où il y a eu les grandes exactions contre la communauté Peulh. Partout, quand ces trois facteurs sont réunis ou se sont superposés, la région est devenue un bastion terroriste que les gouvernements successifs n’arrivent plus à récupérer. 

    Pourtant ils y ont déployé des moyens colossaux. Ils ont effectué des massacres même parfois. Mais il se passe que chaque massacre, chaque grosse opération militaire revigore le terrorisme dans la localité. Ce qui avait fait faire le constat ci-après au colonel Damiba, auteur du coup d’État du 24 janvier 2022, avant d’être chassé à son tour par Ibrahim Traoré en septembre 2022 : « plus nous tuons de terroristes, plus il en pousse ». Il avait alors préconisé un dialogue. 

    Malheureusement son successeur est un adepte du « tout militaire ». Il a amassé des armes, recrutées plusieurs dizaines de milliers de prétoriens et importé des mercenaires russes. Malheureusement cela n’a pas réduit les terroristes et les incidents terroristes. Pire, la situation a continué à s’empirer faisant du Burkina, depuis 2023, le premier pays au monde, devant l’Afghanistan, le plus affecté par le terrorisme. Les exactions contre les communautés agissent comme le carburant de la propagation du terrorisme. Malheureusement la junte Burkinabè est trop butée sur ses fausses certitudes pour le réaliser.

    5) Dans une interview télévisée sur la chaîne publique burkinabé, RTB, le capitaine IB a ouvertement accusé la Côte d’Ivoire, pays voisin du Burkina Faso, d’être une base arrière des terroristes qui attaquent le Burkina Faso. Dites-nous sérieusement, est-ce qu’un pays comme la Côte d’Ivoire qui abrite sur son sol l’une des plus grandes académies de lutte contre le terrorisme en Afrique, à savoir l’AILT (Académie internationale de lutte contre le terrorisme) de Jacqueville peut-elle en même temps, pendant qu’elle enseigne les techniques et rudiments dans ladite Académie, pour combattre ce fléau, héberger ces mêmes terroristes ? Ne pensez-vous pas que ces déclarations du capitaine IB ne manquent d’un peu d’esprit de discernement et de cohérence ?

    Abriter l’AILT à Jacqueville, n’est pas l’argument massif, pour répondre au paradoxe que vous soulevez.

    [ Le président Ouattara sait que le Burkina est la profondeur stratégique et historique de la Côte d’Ivoire ]

    Le président Alassane Ouattara a toujours eu des yeux de Chimène pour le Burkina Faso. Je pense que des trois pays du Sahel, aujourd’hui réunis au sein de l’AES (NDLR : Alliance des États du Sahel), le Burkina est celui qui a bénéficié le plus, de la générosité des autorités ivoiriennes dans sa lutte contre le terrorisme. Sans doute parce que le président Ouattara sait que le Burkina est la profondeur stratégique et historique de la Côte d’Ivoire. 

    Si les terroristes déstabilisent le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire va être celle qui en subira les conséquences de façon marquante. Déjà le Burkina n’est pas déstabilisé, mais pour fuir les exactions terroristes et des prétoriens de IB, la majorité des réfugiés se retrouvent en Côte d’Ivoire. Ils sont estimés à plus de 50 milles, officiellement. Mais on sait tous, que c’est beaucoup plus. 

    [ L’attitude de Ibrahim Traoré à l’égard des autorités ivoiriennes ne relève pas de la raison ]

    En temps normal l’exode saisonnier des actifs burkinabè, après la saison agricole, en direction de la Côte d’Ivoire se chiffre à plusieurs centaines de milliers. Ils y vont pour les petits travaux dans l’intersaison pour avoir du cash pour régler divers besoins vitaux. On peut imaginer facilement que avec la crise terroriste, le flux a pu augmenter. Ces personnes ne se font pas recenser par le HCR (NDLR : Haut Commissariat aux réfugiés). Elles ne sont pas comptabilisés dans les réfugiés et pourtant ce sont des Burkinabè. 

    La Côte d’Ivoire est pour les Burkinabè de façon générale, un second pays. Et vis-versa. L’attitude de Ibrahim Traoré à l’égard des autorités ivoiriennes ne relève pas de la raison. 

    [ Le président Ouattara n’a reçu en audience aucun opposant à IB ]

    Si hostilités il y a, celle de Ibrahim Traoré envers la Côte d’Ivoire est plus ostentatoire. Car non seulement il a reçu ouvertement Guillaume Soro, ennemi filiale de Ouattara, en lui déroulant un tapis rouge mais pas que ? Il a même annoncé se préparer à une guerre de haute intensité contre la Côte d’Ivoire en exhortant ses troupes à Gaoua et à Banfora de se tenir prêtes. A contrario, le président Ouattara n’a reçu en audience aucun opposant à IB. Mieux il s’est toujours montré accommodant en prenant sur lui de solliciter des rencontres avec les autorités Burkinabè pour discuter et voir comment agir ensemble contre les terroristes à leur frontière commune. 

    C’est IB qui a toujours saboté ces initiatives. IB entretien, pourrait-on dire, une hostilité par procuration contre Ouattara. Au profit de qui ? Là est toute la question.

    6) Pour revenir à l’actualité brûlante… Votre nom a été associé à une tentative de déstabilisation où du moins, vous avez été cité par le ministre burkinabé de la Sécurité comme faisant partie d’une grande opération de déstabilisation des institutions au Burkina Faso. Opération d’ailleurs qui a été déjouée par les autorités militaires au pouvoir selon la déclaration lue par le ministre de la Sécurité Mahamadou Sana. Que répondez vous face à ces accusations aussi graves soient-elles, portées contre vous ?

    La junte a attrapé la complotite. Le stade suprême du putschisme. Les régimes absolutistes de ce genre s’engluent dans la spirale des putschs et deviennent paranoïaques. En général ça prend du temps. Mais il faut croire que chez IB, la maladie s’est développée trop vite. En ce qui me concerne je n’ai pas jamais caché ma déviance vis-à-vis de ce régime. Car dès décembre 2022, soit trois mois après son avènement, j’ai compris, probablement avant beaucoup d’autres personnes, que ce régime n’avait ni vertu ni science pour faire face la crise du terrorisme. 

    [ Chaque fois qu’il enregistre un échec il donne un coup de visse contre les libertés ]

    Que nous allions hélas évoluer de radicalisation en radicalisation à mesure des revers du régime face aux terroristes. C’est exactement ce qui se passe. Chaque fois qu’il enregistre un échec il donne un coup de visse contre les libertés. Et comme depuis deux ans, il enregistre plus d’échecs que de victoires, il a serré la visse des libertés aux maximum faisant du Burkina aujourd’hui un enclos. Au lieu d’interroger ses pratiques, le régime fait le choix facile des boucs émissaires. Il s’est donc enfermé dans sa tour d’ivoire avec des ennemis imaginaires et chimériques que sont l’impérialisme et les valets locaux du neo-colonialisme. 

    Ainsi occupé à occuper les Burkinabè dans des luttes vaines par la propagande et le verbiage creux, il ne voit pas que les terroristes avancent. Que les souffrances des populations deviennent insupportables. Mais c’est fatalement le sort des régimes fantoches. Ils sont myopes et c’est de là que vient leur perte.

    7) L’on assiste depuis quelques temps sur les réseaux sociaux , à des échanges très virulents entre vous et un certain Ibrahima Maïga que vous avez récemment qualifié de mythomane dans l’un de vos posts sur Facebook. Dites-nous un peu plus ou même tout, sur cet individu que beaucoup d’observateurs décrivent comme un très grand défenseur et soutien du capitaine IB et des putschistes de Ouaga…

    Dans une interview et dans un journal aussi sérieux, on ferait de la publicité imméritée à une racaille en parlant de lui. Thomas Sankara disait que ce sont les médiocres qui sont à la base des drames des peuples. Il faut croire qu’il avait le nez creux. 

    [ Ibrahima Maïga est la racaille des réseaux qui fait beaucoup de mal ]

    Les gens qui ont pignon sur rue aujourd’hui au Burkina ce sont des gugusses du genre que vous avez nommé. Surtout et principalement à cause des réseaux sociaux comme le disait Umberto Eco : « Les réseaux sociaux ont donné le droit à la parole à des légions d’imbéciles qui avant ne parlaient qu’au bar et ne causaient aucun tort à la collectivité ». Ce type est la racaille des réseaux qui fait beaucoup de mal. Nous avions prévenu le président (Mohamed) Bazoum en mai 2023, lui enjoignant de prendre des dispositions au regard de ce que cette vermine déversait sur les réseaux sociaux. Aujourd’hui nous espérons que la Côte d’Ivoire qui est un État avisé saura se prémunir contre lui.

    8 ) Quel appel souhaitez-vous lancer pour un retour à la sécurité et la paix dans les différentes régions de votre pays mais surtout pour un retour à l’ordre constitutionnel au Burkina Faso …

    Le sort du Burkina Faso est indissociable de celui de la CEDEAO et de celui des pays frères comme la Côte d’Ivoire. Il y’a une urgence pour les démocraties et les démocrates de la sous-région à montrer de la sollicitude pour le peuple burkinabé en lutte pour sa survie. C’est aujourd’hui un peuple en danger de mort, comme le sont d’ailleurs les peuples maliens et nigériens. 

    [ La Côte d’Ivoire a un rôle historique à jouer au Burkina ]

    Quand on regarde l’échiquier sous-régional, les démocrates sont bien en peine. Les anti-démocraties se sont désinhibés et ont le soutien résolu de la première puissance autocrate du monde. À contrario, les démocrates rasent les murs. Nous avons l’obligation de renverser cette mortelle tendance. Il faut donc que nous puissions nous mobiliser. C’est un enjeu vital, non pas pour nous individu, mais pour les peuples de la sous-région. En cela la Côte d’Ivoire a un rôle historique à jouer.

    Mieux, après le raté de sauver la démocratie au Niger, la sous-région est dans un doute terrible. Il est aujourd’hui impératif de rassembler les démocrates, de redonner espoir aux peuples en la démocratie et à l’État de droit. Parce que seule la démocratie et l’Etat de droit pourront vaincre le terrorisme.

    Interview réalisée par Joël Touré à Paris.

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