L’affaire d’espionnage au sein de Credit Suisse, impliquant Tidjane Thiam, empoisonne son engagement politique, en questionnant la probité et l’intégrité de l’ancien dirigeant de banque devenu président du PDCI.
Entre accusations de surveillance illicite et utilisation des ressources de la banque à des fins personnelles, le passé controversé de Thiam soulève des doutes sur sa capacité à incarner une manière exemplaire et vertueuse de faire la politique, alors qu’il n’a pas été un homme d’affaires exemplaire et vertueux.
L’ancienne accusation d’espionnage entourant Tidjane Thiam, l’ancien directeur général de Credit Suisse, continue de faire du bruit. En effet, l’homme d’affaires Damien Dernoncourt poursuit la banque pour 15 millions de dollars devant la justice américaine, au motif que ses communications personnelles ont été piratées sur ordre de Thiam en 2019, alors en relation avec l’ex-épouse de Dernoncourt, Marie-Soazic Geffroy. Cette affaire dévoile des pratiques inquiétantes de surveillance qui avaient déjà fait l’objet d’enquêtes en Suisse et contribué au départ de Thiam de son poste en 2020. Ces accusations appellent aujourd’hui des explications de la part de Thiam, devenu président du PDCI et candidat potentiel à la présidence de la Côte d’Ivoire.
La candidature de Tidjane Thiam à la magistrature suprême de la Côte d’Ivoire peut se heurter à cette controverse . Le Tagesanzeiger, un quotidien suisse, a révélé les détails troublants de cette affaire, impliquant des communications interceptées au moment du divorce entre Dernoncourt et Geffroy. Des accusations sérieuses que Credit Suisse a niées dans une lettre en 2021, affirmant n’avoir jamais espionné Dernoncourt “ni physiquement, ni en surveillant son téléphone ou ses communications électroniques.”
Cependant, la Cour fédérale de Washington a récemment rejeté la demande de Credit Suisse et de sa nouvelle maison-mère UBS de classer l’affaire. Les plaignants affirment que Thiam a personnellement supervisé une opération de surveillance visant Dernoncourt, menée par des détectives privés jusque dans les lieux de détente privés comme le spa de l’hôtel Dolder, à Zurich. Cette révélation, faisant écho à des pratiques dignes de films d’espionnage, porte un sérieux coup à la réputation de Thiam, dont la probité est aujourd’hui mise en doute.
Plus inquiétant encore, cette affaire d’espionnage ne se limite pas à un seul individu. Selon les enquêteurs, Tidjane Thiam aurait également ordonné la surveillance d’autres cadres de la banque, notamment Iqbal Khan, avec lequel il avait des différends internes. Les documents présentés par la FINMA, l’autorité de surveillance financière suisse, ont révélé que ces agissements violaient la loi et avaient entraîné de graves sanctions contre Credit Suisse. Ces excès avaient suscité une onde de choc en Suisse et avaient précipité la démission de Thiam en 2020.
L’enjeu de ces révélations va bien au-delà du scandale bancaire. Tidjane Thiam, aujourd’hui président du Parti Démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) doit répondre de ces accusations et prouver qu’il peut incarner l’honnêteté et l’intégrité nécessaires à la fonction présidentielle. Car en politique, chaque action passée compte, et les citoyens ivoiriens s’attendent à des dirigeants exemplaires. Le passé controversé de Thiam soulève dès lors une question cruciale : un homme accusé d’abus de pouvoir et d’utilisation de ressources à des fins personnelles est-il digne de la confiance de toute une nation ? Ne va-t-il pas exploiter les mêmes pratiques à l’encontre de ses adversaires politiques ?
Philippe Kouhon