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    Cameroun : les aides américaines encouragent à la torture

    Cameroun : les aides américaines encouragent à la torture
    Publié le
    Par
    Charles Kouassi
    Lecture 4 minutes
    Salon des banques de l'UEMOA et des PME

    Une récente vidéo[1] , montrant l’armée camerounaise exécutant deux femmes et deux enfants par balle à la tête, a choqué de nombreux Américains, dont la plupart ignorent certainement que depuis 2002, les Etats-Unis ont entraîné près de 6 400 soldats camerounais, ont vendu 6 millions de dollars d’armes américaines au Cameroun, et ont offert à son armée une aide à la sécurité d’un montant de 234 millions de dollars.

    La torture sous les yeux des Américains

    Pis, ce type d’incidents n’est pas nouveau au Cameroun. En 2017, Amnesty International a révélé que l’armée camerounaise avait torturé des prisonniers dans plus de 20 sites et enregistré 101 cas de détention au secret et de torture entre 2013 et 2017. Le rapport note également que nombre de ces actes ont eu lieu dans la même base militaire utilisée par le personnel américain pour des missions de surveillance et d’entraînement de drones. Pendant la fortification américaine de ce site – connu sous le nom de Salak -, Amnesty International a constaté que des suspects avaient été soumis à des tortures avec l’eau, battus avec des câbles électriques et suspendus avec des cordes, entre autres horreurs.

    La politique antiterroriste américaine ne devrait jamais permettre de justifier de tels moyens. Bien que ce ne soit pas intentionnel, la politique antiterroriste américaine au Cameroun a fait exactement cela. Même après avoir pris connaissance des crimes documentés dans le rapport d’Amnesty, les États-Unis ont continué à former et à financer l’armée camerounaise, permettant ainsi la torture et l’exécution de personnes innocentes.

    Quel engagement américain dans la région ?

    La raison d’être de l’aide et de l’assistance américaines au Cameroun depuis 2001 n’a jamais été remise en question. Le groupe nigérian Boko Haram – un groupe affilié à l’État islamique – est en effet un groupe violent. Il est responsable non seulement du fameux enlèvement de plus de 276 collégiennes en 2014, mais aussi de dizaines de milliers de morts au Nigeria (et beaucoup au Cameroun, alors que les Nigérians ont fui la frontière). La deuxième plus grande économie d’Afrique centrale après le Nigéria est un exemple en matière de routes bitumées et de ports maritimes, qui jouent tous deux un rôle important dans le développement. Bien que Boko Haram ne menace pas directement la sécurité nationale américaine (elle n’a jamais attaqué les États-Unis), elle reste certainement une force déstabilisatrice en Afrique aujourd’hui. Ainsi, faire des efforts pour aider les partenaires locaux à confronter et à gérer Boko Haram est une politique raisonnable.

    Malheureusement, les États mêmes comme le Nigéria et le Cameroun, qui souffrent d’insurrection violente et de terrorisme, sont également des partenaires extrêmement peu fiables. Le Cameroun se classe parmi les 25 États les plus fragiles du monde, en proie à la corruption et à l’instabilité politique. Le gouvernement a fait ses preuves en matière de violation des droits de l’homme et a largement recours à l’armée et à la police pour opprimer les opposants politiques. Mettre de l’argent et des armes entre les mains de ces gouvernements est une recette sûre pour aller au désastre.

    Ainsi, même si les efforts américains pour « conseiller et assister » visaient à permettre aux forces camerounaises de mieux lutter contre les groupes terroristes, n’oublions pas qu’en contrepartie les Etats-Unis ont renforcé une armée qui utilise désormais ses nouvelles capacités contre la population civile, engendrant d’autres violations et atteintes aux droits de l’homme et augmentant la défaillance de l’État camerounais.

    L’enfer pavé de bonnes intentions

    Il ne s’agit pas non plus d’un problème spécifique au Cameroun. L’intervention et l’aide américaines en Somalie, en Éthiopie et au Nigéria, pour n’en nommer que ceux-ci, risquent d’avoir des résultats inattendus similaires, voire pires. Les recherches universitaires ont montré qu’au cours des quatre dernières décennies, la formation militaire étrangère a augmenté la probabilité d’un coup d’état militaire car elle renforce le pouvoir des organisations militaires au détriment des civils dans un État.

    Malgré toutes les aides et tous les fonds américains, il semble que les efforts antiterroristes des États-Unis risquent d’échouer en Afrique. Un récent rapport du Carnegie Endowment for International Peace a conclu que la présence militaire américaine en Afrique avait non seulement provoqué des réactions négatives contre les gouvernements locaux, mais avait également suscité un ressentiment croissant à l’égard des États-Unis. La déclaration de la force du commandement américain en Afrique reconnaît elle-même que les «forces de sécurité abusives» peuvent faire des populations locales des «cibles de choix» pour la manipulation.

    Compte tenu de la faible menace que représente le terrorisme africain pour les États-Unis, il est insensé de prendre des mesures susceptibles d’accroître la menace à l’avenir. Bien qu’il n’y ait pas de réponses faciles à la question de la lutte contre le terrorisme, en particulier dans des pays comme le Cameroun, Washington doit prendre des mesures pour empêcher la torture et l’oppression des Camerounais au nom de la sécurité nationale américaine.

    Trevor Thrall, Professeur associé à l’Université Georges Mason et économiste senior au Cato Institute, Whashington.

    Article publié en collaboration avec Libre Afrique

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